Pour bien comprendre le contexte de la mobilisation du 5 mars, et en marge de notre sondage exclusif, Jean-Paul Brouchot, Directeur d’IPSOS Océan indien, nous explique pourquoi dans l’île, les Réunionnais hésitent plus que les Antillais à descendre dans la rue.
L’info.re : Contrairement aux Antillais, les Réunionnais semblent privilégier le dialogue, avant la manifestation pourquoi ?
Jean-Paul Brouchot : Aux Antilles les choses sont beaucoup plus tranchées. Schématiquement il y a la population qui a les moyens, de l’autre la couche des habitants vivant en dessous du seuil de pauvreté. Il n’y a pas vraiment de demi-mesure. L’affrontement entre Patronat et employés est plus marqué. De plus le poids de l’esclavage et de sa lutte sont encore bien présents. C’est un peu comme si ce drame de l’Histoire, n’était pas encore tout à fait « digéré ». L’esprit de lutte est encore bien vivace. À la Réunion, l’usage dans la résolution des grands conflits sociaux, passe par le dialogue, la concertation. Finalement la situation contextuelle de notre île, laisse encore apparaître un espoir de trouver une solution à la crise qui se dessine. D’où le maintien actuel dans la phase de négociation
L’info.re : Les Réunionnais sont-ils culturellement prêts à aller jusqu’à 42 jours de grève. Le schéma Antillais est-il transposable à la Réunion ?
Jean-Paul Brouchot : Il faut d’abord reconnaître que les revendications sont les mêmes. À la Réunion, comme aux Antilles, un foyer sur deux connaît des difficultés financières. Dans le fond les Domiens sont tous d’accord. C’est dans la forme que la façon de faire diffère. Les Réunionnais semblent êtres totalement conscients de l’effet dramatique d’une paralysie totale de l’économie. Le blocage des transporteurs de novembre 2008 a montré les limites d’un tel procédé. Aux Antilles, une grande partie de la population estime qu’elle n’a plus rien à perdre. Le contexte socio-économique n’est pas aussi affecté par la crise qu’aux Antilles.
L’info.re : La Réunion est-elle finalement touchée par la crise financière ?
Jean-Paul Brouchot : Notre situation est assez étonnante. Davantage qu’une crise financière les Réunionnais subissent de plein fouet une crise morale. C’est un peu comme si la population se conditionnait. Se préparait à rentrer dans une phase très difficile. Du coup les ménages consomment moins et épargnent, l’économie est moins florissante. La machine de la morosité est mise en route.