Exceptée la commune du Port qui a fêté la commémoration de l’abolition de l’esclavage, la date du 10 mai, issue de la loi Taubira n’a pas vraiment mobilisé les Réunionnais. En Métropole, diverses manifestations ont été organisées. Nicolas Sarkozy n’a officiellement participé à aucune d’entre elles. Cette absence d’hommage présidentiel a d’ailleurs entraîné un véritable tollé. Certains parlent de faute politique.
La loi Taubira de 2001, inscrit la date du 10 mai comme le jour qui symbolise la fin de la traite négrière. Une sorte de 20 décembre local, mais qui se fête au niveau national.
Dans notre île, cette commémoration serait quasiment passée inaperçue sans la mobilisation de la Mairie du Port, du tissu associatif de la ville et de la Maison des associations et de l’unité réunionnaise (MCUR).
Plusieurs ateliers et stands ont été installés au Parc Boisé.
Les autres villes de la Réunion n’ont pas organisé de défilés ou autres déclamations publiques rendant hommage aux esclaves réunionnais.
Il semble que ce soit la date du 20 décembre qui soit unanimement reconnue comme le jour officiel de la fin de cette période noire de l’Histoire réunionnaise.
À Paris, plusieurs centaines de personnes ont manifesté pour demander "réparation" au gouvernement français, qui avait choisi cette année Bordeaux comme ville d’accueil des cérémonies officielles. Françoise Vergès, Présidente de la MCUR était aux côtés de la Ministre de l’Intérieur.
"La mémoire n’est rien si elle n’est pas dans le même temps une prise de conscience ... Elle est importante car elle est valeur d’enseignement pour les générations à venir", a déclaré à Bordeaux, la Ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie lors de l’inauguration d’une exposition permanente consacrée au commerce atlantique et à l’esclavage.
"On se grandit à regarder son passé en face, en assumant ses parts d’ombres et ses aspérités, en rejetant la tentation de l’oubli", a-t-elle ajouté, en présence du secrétaire d’Etat à l’Outre-mer Yves Jégo.
"Nos ancêtres méritent plus qu’une commémoration. Il y a eu un préjudice moral, spirituel, physique, dont nous subissons encore les conséquences", a de son côté déclaré, au cours d’une manifestation à Paris, la vice-présidente du Collectif des filles et fils d’Africains déportés, Joby Valente.
Le président du comité Organisation 10 mai, Théo Lubin, a demandé en défilant à Paris de République à Nation, aux côtés de 800 à 1.000 personnes, selon les organisateurs, 400 selon la police, que "le 10 mai devienne férié, que les rues qui portent le nom d’un négrier soient débaptisées et que les manuels scolaires intègrent l’histoire de l’esclavagisme".
Parallèlement, une centaine de personnes se sont rassemblées devant le monument en hommage au général Afro-antillais Alexandre Dumas, place du Général Catroux , pour commémorer l’abolition de l’esclavage.
Une minute de silence a été observée pour honorer la mémoire des victimes de l’esclavage. Une adjointe au maire de Paris chargée de la mémoire, Catherine Vieu-Charier, a déposé une gerbe, comme les manifestants qui, une fleur à la main se sont recueillis au pied du monument représentant des fers d’esclaves brisés.
Le président de l’association des amis du général Dumas, l’écrivain Claude Ribbe, a déploré l’absence du président Nicolas Sarkozy et "la volonté de l’Etat d’en finir avec la commémoration officielle de l’esclavage", appelant à "continuer à se battre".
"Cette journée est utile pour comprendre enfin que la prospérité indéniable de la France contemporaine doit beaucoup aux esclaves victimes d’un crime qu’il faut commémorer", a-t-il estimé.
Pour sa part, le maire UMP de Bordeaux Alain Juppé a indiqué que l’inauguration de salles consacrées à la question de l’esclavage au sein du musée d’Aquitaine "est le fruit d’un long mûrissement".
"Il y a quinze ans, évoquer à Bordeaux la traite négrière et l’esclavage, n’allait pas de soi", a souligné l’ancien Premier ministre.
"La société dans son ensemble demeurait indifférente, pour ne pas dire réticente. Pour faire évoluer les esprits, il a fallu du temps", a-t-il expliqué.
Bordeaux, deuxième port français de la traite négrière après Nantes, fut le point de départ entre 1672 et 1837 de près de cinq cents expéditions maritimes pour déporter d’Afrique quelque 130.000 esclaves vers les Antilles.
L’abolition de l’esclavage en 1848 en France est commémorée chaque année le 10 mai depuis 2006.