À 26 ans, Raya Martigny est la première réunionnaise à être l’égérie du parfumeur le plus vendu au monde. Incontournable des podiums, elle partage sa vie aujourd’hui entre Paris, New-York et Milan. Pour Linfo.re. la jeune femme revient sur son parcours
Elle vient de poser son pied à nouveau sur son île natale pour profiter de sa famille et des fêtes de fin d’années. Un retour temporaire d’une terre chère à son cœur où elle a grandi. Elle l’a pourtant quitté il y a dix ans pour tenter sa chance dans l’Hexagone. Un choix difficile pour la jeune femme mais salvateur. “J’avais plein d’ambitions dans ma tête, des rêves plus grands pour moi-même”, c’est pour cela que le départ était évident.
Sur les podiums, la jeune femme casse les codes. “Je ne suis pas un cintre”, affirme-t-elle avec le sourire. “Avant, il y avait une fille trans par Fashion Week. Aujourd’hui, c’est par show. L’industrie de la mode évolue et prend en compte nos histoires, nos vécus, en nous visibilisant, et en écoutant nos histoires”. Des mensurations peu habituelles dans l’industrie est l’une de ses forces. Du haut de son mètre 92, ses longs cheveux bruns ondulés et sa pointure 43, la mannequin ne passe pas inaperçue. “Par exemple, maintenant des marques vont proposer cette pointure, cela permettra a des femmes de trouver chaussure à leur pied.”
Depuis trois ans, sa carrière explose. Dans un premier temps à Paris, maintenant s’ajoute New-York, Milan, où elle foule les podiums de la Fashion Week. Jean Paul Gaultier, Calvin Klein, Gucci… Elle est depuis quelques mois l’égérie du parfum Angel, le plus vendu au monde créé par Thierry Mugler. Elle fait partie des muses de la nouvelle génération Mugler. A cela s’ajoute la couverture de Elle Danemark, des articles dans le magazine Vogue et une carrière d’actrice.
“On n’arrive pas à me définir car je suis typée”, c’est l’effet Péi, un mélange d’origines culturelles dans un seul corps. Malgré ce tour du monde des podiums, ses racines réunionnaises sont profondément ancrées en elle : “Il y a quelque chose de powerful qui se dégage de cette île ce n’est pas seulement un endroit paradisiaque. Il y a une richesse culturelle unique. C’est un endroit extrêmement riche d’intelligence. Il y a souvent des endroits où la société a été colonisée et on ne parle pas des origines. Il est important d’en être fier et de les revendiquer car elles ont été effacées par l’Homme”.
Pendant ses années à Paris, une nouvelle vie l’attend avec un peu plus de fêtes et de rencontres de sa communauté qu’à La Réunion. "J’ai pris le temps de me rencontrer”. Puis, elle annonce à sa famille sa nouvelle identité. “Ils n’étaient pas surpris. Vu que ça vient de l’enfance, ça leur semblait évident dans leur tête. Il leur a fallu deux mois pour que tout le monde m’appelle Raya. Aujourd’hui je donne de la force à ma mère dans sa vie de femme. Elle comprend les situations et c’est assez étonnant et beau. Comme par exemple aller à la poste et les complications que mon identité engendrent”.
Alors qu’à La Réunion le chemin est encore long pour la communauté LGBTQIA+, Raya s’engage au sein des associations insulaires pour libérer la parole. Elle est la marraine de l’association Requeer. “J’ai eu le besoin de me reconnecter à mon île avec pleins de projets que j’aimerai porter. L’isolement de certains villages, la difficulté parfois de pouvoir parler au sein de son cercle social est plus compliqué dans certains endroits. L’information a du mal à arriver mais heureusement les réseaux sociaux sont là”.
La jeune femme respire la joie de vivre et la transmet. “Le plus beau des cadeaux est de faire partie de cette génération”. Le défi : “Arriver à s’épanouir et être la meilleure version de soi-même alors que la société te tourne le dos”.
Des centaines de projets fourmillent dans sa tête pour aider la jeune génération. “Pendant toute mon évolution, la chose la plus riche après des années de souffrance est de réussir à faire avancer les choses. Il est important que les gens ne se sentent pas seuls comme j’ai pu le ressentir. On peut réussir dans l’impossible”.
Que va-t-elle faire ces quelques jours de repos à La Réunion ? Se perfectionner en plats créoles : “Je me suis upgradée dans ma recette de rougail saucisses”. Sûrement manger un américain bouchons. Elle voue un attachement également au créole, “Cet alliage de plusieurs langues est magnifique". Sa phrase préférée “Mi yèm a ou”.
Engagement, optimisme et ambition sont les mots pour décrire cette jeune femme à suivre de près.
Carla Bucero—Lanzi