La préfecture a décidé d’organiser les prélèvements de 20 requins bouledogues et tigres à des fins scientifiques dès cette semaine. La sécurisation de certains spots de surf et l’accélération de l’opération de marquages ont également été annoncées hier.
Face à la multiplication des attaques de requins aux abords de nos côtes, une réunion de crise a été organisée hier à la préfecture avec différents acteurs, notamment les maires de toutes les communes concernées par le risque requin dans l’Ouest. Cette table ronde s’est tenue au lendemain d’une nouvelle attaque de requin sur le spot de Saint-Leu. Vers 17 heures dimanche, Fabien Bujon, surfeur expérimenté, a été la cible d’une attaque de squale. Il s’en est miraculeusement sorti vivant, mais a eu un pied et une main arrachés.
Ce nouveau drame a relancé la polémique autour de la chasse des requins, en faveur de laquelle le député maire Thierry Robert s’était prononcé la semaine dernière. Au terme d’un entretien avec Victorin Lurel, Thierry Robert avait reçu l’appui du ministre des Outre-mer dans sa démarche. Celui-ci s’était engagé à prendre rapidement un arrêté préfectoral autorisant la pêche aux requins dans 95% de la réserve marine. Hier, la préfecture a tenu une réunion en urgence.
A l’issue des discussions, trois mesures principales ont été prises. Tout d’abord, l’Etat va "rendre effective" la pêche des requins, en prélevant 10 requins bouledogues et 10 requins tigres et des carangues. L’objectif affiché est de mener une étude plus poussée sur la maladie de la Ciguatera. La chair du requin est susceptible d’être contaminée par la ciguatoxine. La ciguatera est une forme d’intoxication alimentaire par les chairs de poissons contaminés par des micro-algues présente dans les récifs coralliens. Le but de ces prélèvements est donc d’évaluer le risque de transmission de cette maladie à ceux qui consommeraient du requin. Ces prélèvements devraient débuter dès cette semaine et seront organisés par l’Etat.
Deuxième décision prise, déjà évoquée suite au mouvement de protestation des surfeurs : la sécurisation de plusieurs spots de surf. Des moyens financiers supplémentaires devraient être alloués aux communes concernées pour leur permettre de mettre en place des dispositifs de prévention des attaques.
Enfin, l’Etat a décidé d’accélérer les marquages de requins, effectués dans le cadre de l’opération CHARC (Connaissance de l’habitat des requins côtiers de la Réunion). En plaçant des émetteurs sur les squales, les scientifiques sont en mesure de repérer leurs déplacements -enregistrés par des stations acoustiques - et de mieux comprendre leur mode de vie et leurs comportements. Dans cette optique, la préfecture veut marquer 80 requins supplémentaires avant la fin de l’année.
Reste à savoir si ces mesures vont suffire à satisfaire les attentes des élus, des surfeurs et des professionnels de la mer. Ce mardi, pratiquants de surf et certains pêcheurs ont prévu de manifester devant le siège de la Réserve marine à la Saline les Bains. Ils entendent protester contre la mise en place de ce sanctuaire dans une zone balnéaire et demandent que ses limites soient redéfinies.Pour eux, la réserve est trop vaste et est devenue "le garde manger" des requins. Les balises de la réserve constitueraient selon eux de véritables Dispositifs de concentration de poissons (DCP) qui attireraient les plus gros.
De son côté, la réserve marine réfute sa part de responsabilité dans ces attaques, affirmant qu’aucun lien formel n’a pu être établi entre la recrudescence des attaques et la création de la réserve en 2007. Pour rappel, en un siècle, une vingtaine d’attaques mortelles de requins ont été recensées à la Réunion, dont 3 en 18 mois.
Les récentes attaques de requin ont eu un écho important en métropole et beaucoup craignent les retombées néfastes sur l’activité touristique de l’île. L’image "dents de la mer" semble se propager comme une trainée de poudre auprès des visiteurs ne connaissant pas tous les tenants et aboutissants. Le risque requins s’avère plus que jamais un dossier brûlant suscitant passions et désaccords.