Dépeint comme un "amoureux des outre-mer", Jacques Chirac, décédé jeudi, a marqué ces territoires par des décisions fortes, comme la création de la journée de commémoration de l’abolition de l’esclavage, mais aussi parfois douloureuses, comme les essais nucléaires en Polynésie
Pour l’ancien chef de l’Etat, qui appréciait les ti punch et les accras, l’outre-mer français, "c’est comme une femme, il faut l’aimer. Et quand on l’aime, on ne peut rien lui refuser", avait-il déclaré lors d’un déplacement à La Réunion en 1994.
Il était "un grand homme d’Etat amoureux des Outre-mer", souligne l’ancien ministre PS des Outre-mer et sénateur de Guadeloupe Victorin Lurel, "un président engagé pour la cause ultramarine", pour Cyrille Melchior (LR), président du conseil départemental de la Réunion, un "de ceux qui connaissaient réellement les outre-mer et les respectait" pour Michel Magras, sénateur LR de St-Barthélemy et président de la délégation sénatoriale aux outre-mer.
L’évèque de Guadeloupe Jean-Yves Riocreux, ami proche de la famille Chirac, l’avait vu il y a encore un mois : "le dernier souvenir que j’en porte c’est son sourire que j’ai suscité en évoquant à la fois la Corrèze et l’Outre-mer et une phrase qu’il avait dite à Nouméa il y a presque 30 ans : +c’est presque aussi beau de la Corrèze+", explique-t-il à l’AFP.
Pour la présidente PS du département de Guadeloupe, Josette Borel-Lincertin, "il faisait partie des rares responsables politiques français à avoir cherché à comprendre les territoires d’outre-mer et leurs peuples, leurs cultures et leur Histoire tourmentée, comme l’esclavage".
Ainsi, en janvier 2006, Jacques Chirac avait fait du 10 mai, jour de l’adoption définitive par le Sénat en 2001 de la loi faisant de l’esclavage un crime contre l’Humanité, une "journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions".
L’ex-président, qui a foulé tous les territoires ultramarins à l’exception des terres australes et antarctiques françaises, a compté plusieurs ministres d’outre-mer dans ses différents gouvernements : le Polynésien Gaston Flosse, co-fondateur avec lui du RPR (secrétaire d’Etat à l’Outre-mer 1986-1988), le Guyanais Léon Bertrand (ministre délégué au Tourisme 2002-2007), l’ancienne présidente du conseil régional de La Réunion Margie Sudre (secrétaire d’Etat à la Francophonie, 1995-1997) et la Guadeloupéenne Lucette Michaux-Chevry (secrétaire d’Etat à la francophonie 1986-88).
Cette dernière a souligné dans les médias locaux les actions de l’ancien président pour l’outre-mer : l’alignement des prestations et allocations sociales ultramarines sur celles de l’Hexagone (1996), "la défiscalisation" pour l’investissement Outre-mer (1986) et "l’ouverture de l’Outre-mer sur ses bassins régionaux."
Jacques Chirac a été aussi "le premier Premier ministre en exercice" à s’être rendu à Mayotte pour "envoyer un message à l’ensemble du monde entier que Mayotte était bel et bien française", puis "le premier président français" à y venir, a rappelé le député mahorais Mansour Kamardine.
Pour l’ancienne ministre PS des Outre-mer et députée de La Réunion Ericka Bareigts, Jacques Chirac est aussi celui qui a mis en place "la différenciation législative pour les Outre-mer et leur reconnaissance" dans la constitution.
Mais elle souligne aussi ses "zones d’ombres", comme la reprise des essais nucléaires en Polynésie en 1995 (après leur arrêt en 91), qui avaient suscité manifestations et émeutes à Papeete. Un an plus tard, après la fin définitive de ces essais, il a institué une rente annuelle pour la Polynésie, toujours en vigueur.
Autre zone d’ombre, la gestion de la crise calédonienne en 1988. À la veille du second tour de l’élection présidentielle, le gouvernement de Jacques Chirac, en cohabitation avec François Mitterrand, opte le 5 mai pour la manière forte afin de libérer des militaires retenus dans une grotte sur l’île d’Ouvéa. L’assaut avait fait 21 morts : deux militaires et 19 kanak, certains sommairement exécutés. Tandis que François Mitterrand parle de "brutalité", Jacques Chirac adresse ses "chaleureuses félicitations" à l’armée.
Pour nombre d’observateurs politiques, le drame d’Ouvéa a contribué à la défaite de Jacques Chirac le 8 mai 1988.
(Source : AFP)