Aurélie porte le nom de famille de son ti père, un homme qui s’est montré violent avec elle au cours de son adolescence. Des années plus tard, la jeune femme porte toujours le nom de son "bourreau". C’est avec beaucoup de soulagement qu’elle a accueilli la nouvelle loi visant à faciliter les démarches administratives pour changer de nom de famille. Aurélie a accepté de témoigner pour LINFO.re.
À compter du 1er juillet 2022, les Français qui souhaitent changer leur nom de famille pour reprendre celui d’un autre parent n’auront qu’à se rendre dans leur mairie, sans apporter de justificatif. Cette nouvelle loi est un soulagement pour beaucoup d’entre eux, souvent dissuadés par la loi encore en vigueur aujourd’hui. Cette dernière nécessite une décision du ministère de la Justice ainsi qu’un motif valable. Une démarche qui peut s’avérer longue et pénible.
Aurélie a 27 ans et porte le nom de famille de son ti père depuis ses 7 ans, lorsqu’il a épousé sa mère. Jusqu’à ce jour, elle portait le nom de famille de sa mère, car son père biologique ne l’aurait pas reconnu et n’aurait pas fait partie de sa vie très longtemps. "Mi koné pa vrément les circonstances, mi fé des suppositions parske la jamé dia mwin la vérité", raconte-t-elle.
En effet, Aurélie a le sentiment d’avoir eu une vie ponctuée de mensonges. Sa mère n’a jamais voulu parler de son père biologique. Dès lors que son ti père a fait irruption dans sa vie, elle a voulu faire passer celui-ci pour le père biologique d’Aurélie. La jeune femme ne perçoit pas ce changement de nom de famille comme un geste d’amour de la part de son ti père, mais plutôt un moyen pour sa mère et lui d’effacer l’existence de son père biologique. "Sété pas ma décision a mwin. Zot la profite de l’innocence d’un zanfan pou impoze zot décision", dit-elle.
En dehors des mensonges, c’est la relation conflictuelle qui s’est développée au fil des années avec son ti père qui a motivé la décision d’Aurélie à changer de nom de famille. Aurélie raconte que l’homme s’était montré aimant envers elle au début de son mariage, mais qu’il est devenu aigri avec l’enfant qu’elle était. Une fois adolescente, il a commencé à s’en prendre physiquement à elle.
Face aux violences de son mari, Aurélie raconte que sa mère n’aurait rien fait, mais la jeune femme ne lui en veut pas. "Depuis mi lé petite, elle i communique pas, elle i enferme a elle dans sa bulle. Elle la juste kontinué é elle lé devenu victime de son silence", dit Aurélie à propos de sa mère.
Désormais adulte, Aurélie est débarrassée de celui qu’elle surnomme son "bourreau." Après avoir quitté le cocon familial, elle a fini par perdre contact avec sa famille au fil des années. Toutefois, son nom de famille continue de la rattacher à son ti père.
En y songeant, Aurélie ressent un "sentiment de dégoût", un "manque d’amour propre" envers sa personne. "Mi veut pu continué à porte son nom, lé pu possible d’être définie par li, par son identité", ajoute-t-elle.
Cela fait plusieurs années qu’Aurélie songe à changer de nom de famille. Toutefois, après s’être renseignée, elle a réalisé que la procédure était longue, compliquée et coûteuse. "Mi noré pu fé tout sa, attendre pendant des mois pou à la fin vwar ma demande refusée", ajoute-t-elle.
Aurélie était alors découragée, jusqu’à l’adoption de la nouvelle loi. Elle a accueilli la nouvelle avec soulagement, mais non sans appréhension. "Nou koné pa encore koman i sera lé nouvelles démarches. Mi espère ki sera pas trop long", dit-elle.
Aurélie attend le 1er juillet avec impatience. Dès qu’elle le pourra, elle entamera les démarches pour changer de nom de famille. Elle pense que grâce à cela, elle retrouvera sa confiance en soi, car ce sera un moyen pour elle de retrouver ses origines.
Aurélie a l’intention de reprendre le nom de famille de sa mère, celui qu’elle portait étant petite. La jeune femme serait fière de porter de nouveau ce nom, non pas pour sa mère avec qui elle n’a plus de contact, mais pour ses grands-parents qui sont décédés bien avant les maltraitances. "Sé une reconnaissance pou mon pépé ek mon mémé ke la occupe de mwin kan mi té petite", conclut-elle.