Le divorce sans juge est une mesure qui doit permettre de désengorger les tribunaux. Depuis des années, la justice française souffre du manque de moyens. Le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, estime que son ministère est dans un état financier déplorable.
"La justice est au bord du gouffre" sont les mots prononcés par Jean-Jacques Urvoas, le ministre de la Justice. Et il est possible de le constater, dès l’entrée du tribunal de Champ Fleuri. Au plafond, des ampoules qui n’ont pas été changées depuis près de 20 ans, faute de moyens pour louer un échafaudage. Dans un escalier, ce sont des fissures bien visibles, larges comme le pouce, qui se dessinent sur le mur.
Endettée à hauteur de 170 millions d’euros, la justice française manque cruellement de financements. Classée 37e sur 40 en Europe, la France consacre une part moins importante de son budget attribuée à la justice que des pays tels que l’Albanie ou la Moldavie.
En moyenne, 61 euros, par habitant, contre 87 euros et 114 euros par la Belgique et l’Allemagne.
"Le manque de moyens, ce n’est pas spécialement pour nous, mais ce sont en fait les citoyens qui vont avoir des difficultés : des enquêtes qui ne vont pas se résoudre, des victimes qui ne vont pas pouvoir être prises en charge... Et du coup, c’est une difficulté qui se ressent sur les justiciables et les citoyens" déplore Elise Malland, secrétaire régionale du syndicat de la magistrature.
En manque de juges et de procureurs comme tous les tribunaux en Métropole, celui de Saint-Denis n’est pas le plus mal loti, car il réussit encore à recruter. Mais reste cette réalité : lorsqu’un procureur européen traite 452 affaires par an, son homologue réunionnais en est à 2 600 par an. Ces chiffres qui sont révélateurs de l’ensemble des problèmes qui touchent la justice.
"Un greffier, un personnel de catégorie C, doit non seulement accomplir ce qui est prévu dans ses tâches, mais on lui en rajoute de plus en plus ; il faut des créations de postes. Même si les postes vacants sont en général pourvus, cela ne veut pas dire que ça soit suffisant", poursuit Elise Couplet, du syndicat CGT services judiciaires.
Préjudiciable au employés des tribunaux, la pauvreté de la justice française a des conséquences jusque dans la cour d’assises. Un exemple parmi d’autres, les experts ne sont plus payés pour leur expertise judiciaire depuis bientôt deux ans. Et beaucoup ont arrêté de témoigner au tribunal, comme l’explique maître Laurent Payen avocat au barreau de Saint-Denis.
"Ne pas avoir d’expert est pénalisant pour tout le monde. Aussi bien pour la défense, que la partie civile, le parquet ou la cour d’assises qui aura à juger. On devra s’en tenir à du papier".
L’absence d’expert marque également l’absence de contre-interrogatoire. Cela n’est pas sans conséquences potentielles sur le jugement rendu. Un élément qui met en lumière cette indéniable réalité : quand le ministère de la Justice est en faillite, c’est la Justice qui souffre.