Le PDG d’Antenne Réunion explique les origines de la guerre des Miss. Christophe Ducasse a accepté de revenir sur le conflit qui oppose les chaînes privées d’Outre-mer à France Télévisions. Il réaffirme également sa volonté de dialogue afin d’aboutir à "une solution équilibrée qui respecte le pluralisme dans l’audiovisuel".
Le torchon brûle entre les chaînes privées d’Outre-mer et France Télévisions. Pouvez-vous expliquer cette situation ?
Depuis maintenant 3 ans les chaînes du groupe France Télévisions outre-mer cherchent, en pratiquant la surenchère auprès de nos fournisseurs de programmes historiques, à s’accaparer les programmes phares des chaînes locales privées.
Nous considérons qu’il s’agit de concurrence déloyale d’autant plus que les Outremer 1 ère, comme Réunion 1ère par exemple, sont financées à 90% par des fonds publics, et que par ailleurs ces chaînes sont adossées en matière d’acquisitions de contenus à la puissance d’achat considérable d’un grand groupe comme France Télévisions.
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Nous nous interrogeons également sur les missions de service public des Outre-mer 1ère quand ils diffusent une émission emblématique de TF1 qu’Antenne Réunion, chaîne privée, diffusait depuis 18 ans. Il s’agit tout de même de l’argent des contribuables et les Réunionnais ne savent pas assez que 100% de la redevance est affectée à Réunion 1ère et qu’Antenne Réunion fonctionne sur la base de recettes commerciales. Nous ne demandons rien d’ailleurs sinon un respect du droit de la concurrence et un respect tout court d’ailleurs.
Nous nous interrogeons également sur l’objectif de France Télévisions outre-mer. Quand vous avez des chaînes comme Réunion 1ère qui enregistrent des pertes considérables et que vous voyez que le siège à Paris renforce les achats dans notre catalogue (Les Experts, coupe du monde de foot, télénovelas etc) en pratiquant de la surenchère donc en mettant toujours plus de moyens financiers, vous finissez par vous demander si c’est dans une optique de concurrence classique ou plutôt dans un objectif de tuer les télévisions locales privées outre-mer justement pour éliminer toute forme de concurrence comme du temps de l’ORTF ?
Vous parlez de mépris de la part de France Télévisions. Les mots sont forts... Que reflètent-ils ?
Je crois que les mots sont faibles au contraire, car comment qualifier l’attitude des équipes dirigeantes à Paris quand vous savez que, sur demande du CSA, des états généraux de l’outre-mer ont été organisés il y a deux ans et que lors de cette réunion le directeur du réseau outre-mer 1ère de l’époque avait juré que de telles pratiques ne se reproduiraient plus et que France Télévisions serait même moteur et exemplaire pour la mise en place d’un code de bonne conduite entre les acteurs publics et les acteurs privés. Or que s’est-il passé depuis deux ans ? Rien ! Malgré les tentatives de médiation du CSA les équipes d’Outre-mer 1ère opposent une fin de non-recevoir et joue la montre probablement pour aller à la négociation avec un maximum de billes.
Comment qualifier l’attitude de dirigeants d’une société publique qui ont négocié durant 6 mois pour s’accaparer un programme par tous les moyens, en l’occurrence Miss France, et qui sans même prendre le soin d’avoir l’ accord de ceux qui depuis 18 ans sont titulaires des droits ou simplement de les informer, annoncent 4 jours avant l’événement de façon unilatérale que "fidèle à sa politique d’ouverture" à sa "volonté de développer des rapports harmonieux entre acteurs publics et privés « le réseau Outre-mer 1ère consent à ce que les chaînes privées diffusent après eux le programme. De qui se moque-t-on ? Des entreprises privées et plus grave des Réunionnais qui regardent ce programme depuis 18 ans sur Antenne Réunion. C’est comme si on proposait à nos téléspectateurs qui sont très majoritaires à la Réunion de regarder un match de foot le lendemain du direct. Une fois les résultats connus ! Les équipes d’Outre-mer 1ère à Paris nous tiennent en effet et les Réunionnais avec dans le mépris le plus total.
La diffusion de l’élection de Miss France 2015 est le dernier épisode en date. A-t-on atteint un stade de "non-retour" dans les relations entre les chaînes privées d’Outre-mer et France Télévisions ?
Ce n’est pas un stade de non-retour car nous respectons le service public de l’audiovisuel, en particulier son Président, et je ne désespère pas qu’il se rende compte de l’impasse dans laquelle des cadres dirigeants irresponsables à Paris ont placé les Outre-mer 1ère , sans parler de France O.
La situation n’est pas tenable pour France Télévisions car elle n’est pas cohérente en termes stratégique, éditorial et financier. Dans les pratiques actuelles où est la marque de fabrique du service public ? Où trouver les éléments de différenciation qui pourraient faire dire voilà des chaînes référentes de missions de service public comme France 3 en métropole ? Où est la priorité aux programmes locaux ? Comment apprécier la bonne gestion des fonds publics ?
Quels sont les moyens de recours dont vous disposez ?
Nous avons engagé une procédure devant le Tribunal de commerce de la Réunion, ça c’est pour la partie juridique. Nous allons maintenant saisir les parlementaires qui vont se prononcer prochainement sur le futur contrat d’objectifs et de moyens du groupe France Télévisions, dont les Outre-mer 1ère.
Nous sommes contraints à ces démarches car nous sommes une entreprise indépendante, réunionnaise, qui se bat pour son futur et depuis près de 25 ans ça n’a jamais été facile. C’est le combat de David contre Goliath !
Mais avant d’en arriver là nous réaffirmons notre volonté de dialogue et notre volonté d’aboutir à une solution équilibrée qui respecte le pluralisme dans l’audiovisuel auquel les Réunionnais sont très attachés et par là même respecte les acteurs de ces petits marchés.
Je suis serein car les Réunionnais nous plébiscitent depuis près de 10 ans comme leur chaîne préférée et tant que nous aurons cette confiance nous pourrons continuer à offrir des programmes et des évènements de qualité aussi bien au plan local que national.