Au lendemain des manifestations nationales des soignants pour obtenir plus de moyens pour nos hôpitaux, Éricka Bareigts et David Lorion ont adressé ce jour au ministre de la Santé.
"Monsieur le Ministre,
La crise Covid-19 que nous avons connue a permis de mettre en avant l’engagement de nos personnels hospitaliers. Sollicités au quotidien, ils ont répondu présents pour nous soigner et sauver des vies et ce, malgré les conditions difficiles dans lesquels ils évoluent.
En effet et depuis plusieurs mois, les hospitaliers tirent la sonnette
d’alarme concernant la fermeture de lits, l’accumulation des heures
supplémentaires non rémunérées et des rémunérations en dessous de celles pratiquées dans de nombreux pays de l’OCDE. Ainsi, le salaire moyen des infirmiers en France est de 2 070 euros nets par mois, alors que la moyenne des pays de l’OCDE est à 2 600 euros.
Pour remédier à ce climat difficile dans nos hôpitaux, vous aviez annoncé lors de votre prise de fonction une enquête nationale sur le « malêtre » des soignants. C’est le Ségur de la santé qui sert aujourd’hui à recueillir les doléances et propositions du monde médical pour la modernisation de notre système de santé. Pourtant, la défiance reste de mise.
De nombreux rassemblements initiés par les syndicats et collectifs de personnels hospitaliers et médicaux ont eu lieu en France hexagonale ce mardi 16 juin et aussi à La Réunion.
Dans notre département, les professionnels se sont également mobilisés pour davantage de moyens, de lits et de personnels, pour un service public de santé de qualité, des rémunérations à la hauteur de leur utilité sociale. Suite à l’engagement présidentiel, la promesse d’une amélioration de leurs conditions de travail doit être tenue.
À ce titre, l’amélioration de l’hôpital public est une des priorités du
plan de rebond que mon groupe à l’Assemblée nationale propose : les salaires doivent être augmentés, les personnels écoutés, les moyens mis à leur disposition réévalués. Un plan d’urgence doit être mis en place pour l’hôpital public français et adapté aux situations de chaque territoire.
À La Réunion, ce plan devrait permettre d’une part la réévaluation
du coefficient géographique de notre CHU. La Délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale avait rendu le 18 septembre dernier, un rapport sur la situation des CHU de la Guadeloupe et de La Réunion. Comme vous le savez, la situation de ces établissements publics de soin est particulièrement difficile alors que de nombreux efforts ont été consentis ces dernières années pour réduire de manière structurelle les déficits budgétaires.
Une des pistes de réflexion avancées par les rapporteurs concernait
la revalorisation des coefficients géographiques qui sont restés inchangés depuis de trop nombreuses années et qui ne tenaient plus suffisamment compte des surcoûts liés à l’insularité de nos territoires ultra-marins et à leur éloignement de l’Hexagone. Ce rapport venait alors confirmer celui déjà réalisé de manière indépendante par le Cabinet Ernst & Young. Malheureusement, les nombreuses demandes formulées collectivement et individuellement au Gouvernement depuis maintenant près de deux ans sont pour l’instant restées vaines.
D’autre part, notre île traverse depuis plusieurs mois une grave crise sanitaire avec la prolifération de la dengue. Comme j’avais pu vous l’indiquer, les moyens de notre CHU sont pleinement engagés. Cependant, la forte mobilisation de nos personnels lors de cette crise de la Covid-19, ont souligné le fragile équilibre de nos ressources humaines face à la gestion simultanée de deux pandémies. Il apparaît donc nécessaire de surseoir à tout plan de restructuration jusqu’à la fin des concertations sur la réorganisation du système de santé. Enfin, il apparaît urgent de soutenir l’ouverture des lits et de postes dans les services déjà identifiés. Notre CHU, de par sa construction, doit devenir pleinement l’hôpital français de l’océan Indien. Les évacuations sanitaires de patients mahorais atteints de la Covid-19 ont encore été l’illustration de notre rôle stratégique auprès des autres Français de l’océan Indien.
Monsieur le Ministre, ce Ségur de la Santé doit être à la hauteur, de
la situation déjà très précaire de nos services de soins depuis plusieurs années, que de la résilience que ses personnels viennent de traverser. Nous les avons applaudis : maintenant nous devons améliorer leurs conditions de travail.
Je vous prie d’agréer, monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération.
"Monsieur le Ministre,
Dans le cadre des contributions territoriales au Ségur de la Santé, vous avez souhaité que les parlementaires puissent vous faire part de leurs expériences sur le terrain.
Aussi, avons-nous pris l’initiative d’organiser un échange avec les représentants du Collectif inter-hôpitaux de La Réunion. Avec ces professionnels, il s’est notamment agi de faire un point précis sur l’état de notre système hospitalier public sur l’île et d’élaborer des propositions afin de mettre fin à une dégradation continue de la situation.
A l’issue de cette rencontre, et d’un commun accord avec ces représentants, nous vous adressons une série de mesures à mettre en œuvre pour améliorer le fonctionnement de l’hôpital public à La Réunion :
- Une revalorisation du coefficient géographique qui est trop faible au regard des facteurs spécifiques – dont notamment l’insularité et l’isolement géographique – pesant négativement sur le prix de revient de certaines prestations. Ce retard de réévaluation met artificiellement le CHU de l’île en situation de déficit l’obligeant ainsi à des restructurations hospitalières avec des fermetures de lits et une diminution du personnel hospitalier tout en faisant fi du retard structurel en offre de soins et de l’augmentation de la demande en soins liée à une démographie croissante et à une croissance des maladies chroniques. Une étude indépendante de 2018, réalisée par le cabinet Ernst and Young pour le compte de la FHF de l’Océan indien, avait chiffré cette revalorisation à + 4%.
- Un rattrapage par une enveloppe budgétaire spécifique de l’offre structurelle et de la santé mentale. Alors que l’offre de soins privés dans ce domaine est déjà faible (hors SSR) à La Réunion, ce secteur souffre très clairement d’une sous-dotation. Ainsi, la dotation annuelle de fonctionnement de la psychiatrie (DAF-PSY) est inférieure de 20% à la moyenne nationale, soit la plus basse de France et d’Outre-mer. Quantitativement, c’est un écart de 600 euros par patient avec la métropole.
- Un arrêt du COPERMO mis en place en janvier 2018 qui a conduit à des fermetures de sites et à l’apparition de tensions sociales au sein de l’hôpital et de la population. Un moratoire sur les lits s’impose en prenant enfin en compte les besoins sanitaires locaux.
- Une ARS sous tutelle de région qui s’affranchit des normes hexagonales pour défendre les particularités des outre-mer et notamment de La Réunion.
o La capacité hospitalière doit disposer d’une marge suffisante pour faire face aux afflux de patients pendant les situations épidémiques fréquentes sur notre île, d’autant que nous ne disposons pas de recours extra-géographiques.
o Le taux de personnes prises en charge en ambulatoire doit être revu à la baisse pour tenir compte d’une population qui présente plus de maladies chroniques et qui a moins de moyens de transport vers les hôpitaux.
o Une prise en charge spécifique liée à l’insularité doit être mise en place :
- Définition d’un stade spécifique épidémique lié à l’insularité.
- Stock en matériels de protection et équipements suffisants.
Nous vous demandons, Monsieur le Ministre, de bien vouloir prendre en compte l’ensemble de ces propositions afin que notre territoire connaisse une nouvelle organisation de soins plus efficace, plus adaptée et plus humaine. L’avenir de notre système hospitalier public et de son personnel dévoué en dépend.
En vous remerciant par avance, veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération."