Présidente de l’association « Ni pute, Ni soumise » à la Réunion, Sophia Castaingt également engagé au sein du Collectif pour l’élimination des violences intra-familiales (CEVIF) en tant que vice-présidente de l’association. Agée de 28 ans, cette animatrice de radio prend sa mission très à coeur. Elle se bat jour après jour pour lutter contre les violences faites aux femmes.
En ce qui concerne la violence faite aux femmes, on évoquera plusieurs affaires. L’affaire DSK bien sûr mais également la condamnation à 30 ans de réclusion criminelle de Nicolas Calpétard, cet homme qui a tué à coups de couteau sa compagne, Elodie Boudia, en 2009 à Petite Ile. Vous avez assisté à ce procès devant la Cour d’Assises de Saint Denis. Pourquoi avez-vous voulu être présente ?
Sophia Castaingt : C’était un moment très attendu aussi bien par la famille que pour les associations de lutte contre les violences faites aux femmes. Et d’ailleurs, la peine qui a été requise contre Nicolas Calpétard est un symbole fort pour nous. Trente ans, ce n’est pas tout le temps que l’on voit une telle peine prononcée. (...) C’est un signe important qui est adressé à toute la population et plus particulière aux Femmes.
Vous êtes présidente de l’association "Ni pute ni soumise". Pouvez-vous nous expliquer en deux mots l’objectif de cette association ? Et pourquoi ce nom « Ni pute ni soumise » ?
Sophia Castaingt : Nous travaillons au travers de deux pôles. Tout d’abord, un pôle social où il est question d’accompagnement juridique et psychologique pour les femmes victimes de violences et également pour les enfants de ces familles.
Nous avons également un autre pôle : le pôle Mosaïque et là, nous avons la possibilité de proposer des activités dans les quartiers populaires, dits "sensibles". Dans ces activités ludiques, les enfants peuvent s’éclater et partager de bons moments avec leur famille.
Qu’est-ce qui pousse une jeune femme de 28 ans à s’engager dans une association comme celle-là ?
Sophia Castaingt : Je crois beaucoup au destin. Je crois que si cette mission m’a été confiée à moi et à toutes les personnes qui m’accompagnent au quotidien, ce n’est pas par hasard. J’ai été témoin de violences lorsque j’étais étudiante à Paris et j’ai également vécu l’affaire Sohane de près.
Et à la Réunion, nous sommes quotidiennement témoins de toutes ces violences qui sont faites aux femmes. Aujourd’hui, la violence faite aux femmes ne doit pas être banalisée
En ce qui concerne le procès de Nicolas Calpétard - condamné pour avoir tué sa compagne de plusieurs coups de couteau -, vous avez vu cette image du condamné qui quitte la salle en levant le bras. Certains ont eu l’impression d’un défi. A aucun moment pendant le procès, il n’a demandé pardon. On a l’impression que même la justice, deux jours de procès, cela ne change rien dans la tête de cet homme. Qu’en pensez-vous ?
Sophia Castaingt : Ce que je souhaite au plus profond de moi, c’est que cette personne soit accompagnée en maison d’arrêt, qu’il puisse se reconstruire. Mais au-delà de cet individu, je pense aux deux familles. Car de chaque côté, on a assisté à des déchirements au cours de ces Assises. Je pense plus particulièrement aux petites soeurs d’Elodie Boudia qui devront se reconstruire et pour qui le parcours sera long et difficile.
Qu’est-ce qui vous a le plus frappé dans ce procès ? Vous semble-t’-il exceptionnel, ou finalement, c’est toujours un peu la même histoire, très souvent l’orgueil d’un homme quitté ?
Sophia Castaingt : Il faut savoir que ce procès qui s’est déroulé aux Assises a été le premier procès porté par l’association "Ni pute, Ni soumise". Maître Frédéric Hoarau - qui est l’avocat qui conseille chaque jour les personnes qui s’adressent à notre association - a très bien plaidé pour la cause d’Elodie.
Ce qui est exceptionnel dans cette affaire, c’est la gravité des faits. La violence avec laquelle le crime a été commis et puis également toute la souffrance que l’on peut voir sur les visages des membres de deux familles.
Quand vous vous mobilisez pour un procès comme celui-là, qu’est-ce que vous espérer, qu’est-ce vous pensez pouvoir faire pour que ça change ?
Sophia Castaingt : Pour que cela change, je lance un message : il faut que les associations de lutte contre les violences faites aux femmes continuent à se donner la main. En devenant vice-présidente de l’association CEVIF (Collectif pour l’Elimination des Violences Intra-Familiales ) et en travaillant avec Thérèse Baillif, je pense que c’est ensemble que nous pouvons parvenir à changer ce monde, c’est ensemble que nous pouvons arriver à dire non à ces violences faites aux femmes.
L’actualité évidemment ce sont également les suites de l’affaire DSK et maintenant une nouvelle affaire de harcèlement sexuel touche un membre du gouvernement Georges Tron. Vous avez l’impression que les langues commencent à se délier ?
Sophia Castaingt : Oui bien sûr et j’encourage toutes ces femmes qui souffrent jour après jour à s’enfuir. Et ce n’est pas évident pour elles : il faut trouver un toit et nous connaissons la problématique du logement à la Réunion. Comment faire dans ces cas-là ? Le plus important c’est d’appeler en premier lieu le 115 (numéro du Conseil général) et essayer de se faire épauler par des personnes de son entourage.
Lorsque je vois toutes ces femmes qui veulent témoigner suite à l’affaire Dominique Strauss-Kahn, je dirais que dans la classe politique, il y a des choses qui se passent. Que l’on soit politique ou non, on reste avant tout un être humain. Nous les associations de lutte contre les violences faites aux femmes, nous sommes pour une classe politique ni pute, ni soumise.
Il n’y a pas un risque que l’on tombe dans la calomnie en faisant sortir toutes ces affaires ?
Sophia Castaingt : Il faut rester prudent car évidement, nous n’avons pas tous les éléments de l’enquête à ce jour. C’est pour cela que je ne m’engagerai pas à commenter cette affaire. Il faut prendre le temps d’avoir tous les éléments.
C’est le problème dans l’affaire DSK : connaissant sa faiblesse, sa fragilité sur ce point, on peut à la fois imaginer qu’il ait commis ce qu’on lui reproche, mais également qu’on en ait profité pour le piéger ?
Sophia Castaingt : Oui, bien sûr. Mais il faut attendre d’avoir tous les éléments pour pouvoir en parler réellement. Je pense qu’aujourd’hui, c’est peut être une véritable crise de conscience qui va s’opérer dans toutes les classes sociales et politiques.
Certains spécialistes parlent d’addiction sexuelle, une maladie qui toucheraient notamment certains hommes de pouvoir. Dans ces affaires, il y a un problème qui est le problème de la sexualité des hommes ?
Sophia Castaingt : C’est pour cela que nous misons beaucoup sur la mixité au sein de l’association "Ni pute, ni soumise". Le problème de lutte contre les viol faites aux femmes ne peut pas être résolu sans que l’on puisse en parler avec les hommes.
Nous ne laissons pas les hommes de côté : au contraire, nous les encourageons à s’exprimer.
Rerouvez l’intégralité de cet entretien avec Sophia Castaingt - la président de l’association "Ni pute, ni soumise" à la Réunion -, dans la vidéo ci-jointe.