A la tête d’une liste d’union, Huguette Bello tentera d’empêcher Didier Robert de décrocher un troisième mandat historique de président de Région. Si le président sortant est arrivé en tête au premier tour, la gauche apparaît majoritaire sur le papier. Mais les reports de voix ne sont jamais acquis, surtout dans un contexte de forte abstention.
Union de la gauche contre union de la droite. Dos à dos. Bloc contre bloc. Il n’est finalement pas si loin l’ancien monde. Comme si le macronisme n’avait jamais existé. Dimanche, le deuxième tour des élections régionales opposera deux camps, réunis derrière leur champion respectif. A gauche, Huguette Bello, militante historique, héritière des combats du PCR et leader pendant 6 ans de l’opposition régionale. A droite, le président sortant, Didier Robert, parvenu à panser les plaies ouvertes de son camp. L’une espère capitaliser sur les bons scores de la gauche, majoritaire au premier tour. L’autre doit conforter son avance, de près de 10 points au premier tour. Tous deux doivent composer avec une inconnue de taille : l’abstention, qui vient fausser tous les repères.
Dimanche dernier, deux électeurs sur trois (63,6%) ne sont pas allés voter. Alors certes, il y avait la fête des pères, le double scrutin, le contexte sanitaire et cette drôle de campagne, très courte et sans véritables meetings. Mais cette abstention record s’inscrit dans une tendance plus large de défiance des électeurs vis-à-vis des politiques... et tout porte à croire qu’elle restera élevée dimanche soir. Cette faible mobilisation offre un net avantage aux sortants, comme on a pu l’observer dimanche. Dans de nombreuses régions de France, les présidents sortants ont obtenu des scores supérieurs à ceux dont les créditaient les sondages.
C’est également vrai à La Réunion, où Didier Robert obtient 31,1% des voix, alors qu’un sondage Sagis le situait à 7 points de moins, au coude-à-coude avec Ericka Bareigts et Huguette Bello. Moins les gens votent, plus le résultat repose sur l’ancrage local, les réseaux militants, le noyau de convaincus. Dimanche, la quasi-totalité des communes (sauf Saint-Denis et Saint-André) ont plébiscité le candidat soutenu par leur maire. De ce point de vue, Didier Robert, porté par 12 maires et quatre parlementaires, dispose d’un net avantage. Il est arrivé en tête dans 15 communes. Si l’abstention reste élevée ce dimanche, il en sortira renforcé.
Mais les jeux sont loin d’être faits. Bien qu’en retard de 10 points au premier tour, Huguette Bello, avec 20,74% des voix, peut espérer tirer parti de la dynamique de l’entre deux tours et des bons scores réalisés par la gauche au premier. Dès lundi, au lendemain du vote, la maire de Saint-Paul a annoncé qu’elle fusionnait sa liste avec celles d’Ericka Bareigts (18,48%) et de Patrick Lebreton (7,78%). Ensemble, ils pèsent 47% des suffrages. L’union a été faite rapidement pour ne pas répéter l’erreur de 2015, quand les discussions s’étaient enlisées entre Huguette Bello et Thierry Robert.
L’opposante peut également espérer bénéficier des reports des électeurs des autres autres listes de gauche. Ceux de Jean-Pierre Marchau (2%) et d’Olivier Hoarau (4,24%) et pourquoi pas ceux de Vanessa Miranville (9,91%), qui affiche une sensibilité de gauche, bien que se revendiquant au-dessus des clivages. Partie en ordre dispersée au premier tour, ces six listes sont majoritaires (63% avec Miranville, 53% sans).
Depuis le ralliement d’Ericka Bareigts et de Patrick Lebreton, Huguette Bello dispose également de nouveaux relais municipaux à Saint-Denis, Saint-Benoît, Petite-Île, Sainte-Suzanne et Saint-Joseph. Elle peut désormais compter sur le soutien de 8 maires au lieu de trois au premier tour (Cilaos, Saint-André, Saint-Paul). A quoi s’ajoutent trois parlementaires (Jean-Luc Poudroux, Jean-Hugues Ratenon, Karine Lebon), le PS, le PCR, LFI plus une kyrielle de micropartis de gauche.
En face, Didier Robert n’a pas modifié sa liste entre les deux tours. Sa plateforme d’union, inchangée, rassemble 12 maires (Sainte-Rose, Sainte-Marie, La Plaine des Palmistes, Trois Bassins, Salazie, Saint-Philippe, Le Tampon, Saint-Pierre, Bras-Panon, L’Etang Salé, Les Avirons et Saint Leu), quatre parlementaires (David Lorion, Nadia Ramassamy, Viviane Malet et Jean-Louis Lagourgue), Objectif Réunion et Les Républicains.
Mais l’expérience montre que les électeurs sont de moins en moins à l’aise avec ces alliances de circonstances, dont l’arithmétique ne se retrouve pas toujours dans les urnes.
C’est d’ailleurs la principale ligne d’attaque du président sortant, qui dénonce depuis lundi, une « union de façade » de la liste concurrente, où des personnalités macron-compatibles cohabitent avec la gauche mélenchoniste. Il rappelle également qu’en 2015, l’axe Bello, Lebreton, Thierry Robert avait volé en éclat dans les semaines qui suivaient l’élection.
En réponse, le camp Bello rétorque que la droite, aujourd’hui réunie, s’est déchirée sur la place publique pendant trois ans, autour du Département, de l’incinérateur et de l’âge de certains maires, qualifiés de « dinosaures ». Tous ces épisodes ont laissé des traces dans l’opinion publique, de moins en moins disposée à suivre les consignes de vote à l’aveugle.
Sans doute, Huguette Bello doit elle garder en mémoire sa défaite de 2015, où elle n’avait recueilli que 47,3% des suffrages au second tour, alors que son alliance avec Thierry Robert et Patrick Lebreton était majoritaires sur le papier, avec 51,7% des voix au premier tour.
A l’époque, la dynamique était différente pour Didier Robert, qui avait obtenu 40,3% des voix dès le premier tour, avec 16 points d’avance sur sa concurrente. Il est aujourd’hui à 31,1% avec une avance réduite à 10 points. Pour espérer l’emporter, il lui faut impérativement trouver de nouvelle réserve de voix, alors même que son image a été écornée par sa condamnation à trois ans d’inéligibilité dans l’affaire des musées régionaux (peine dont il a fait appel, lui permettant de se présenter).
A droite, les reports de voix ne lui offrent guère de perspective. Ni l’identitaire Philippe Cadet (2,64%), ni le RN, Joseph Rivière (1,74%) n’appellent pas à voter pour lui. Et la seule autre liste de droite, conduite Corinne de Flore, ne pèse que 0,23%.
Une fois de plus, la solution pourrait venir de son propre camp, où la perspective d’un duel avec Huguette Bello semble avoir contribué à serrer les rangs. De quoi remobiliser certains cadres, qui ont pu donner l’impression de traîner les pieds jusqu’ici en misant sur une victoire d’Ericka Bareigts.
- Guillaume KEMPF
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