Antenne Réunion
Cette semaine Johnny Payet a tenu des propos polémiques autour de la fête Kaf du 20 décembre. Des propos qui ont fait réagir les politiciens réunionnais, mais pas que. Des élus ultramarins ont réagi en cosignant une tribune.
Voici la tribune :
Tribune pour notre mémoire, pour que le pouvoir n’efface pas notre Histoire :
Ce mardi 18 juin 2024, en pleine campagne législative, le secrétaire départemental et maire Rassemblement national, Johnny Payet a déclaré : “Je ne célèbre pas la Fête Kaf. Je ne dis plus à mes enfants qu’ils sont descendants d’esclaves [...] l’esclavage ça empêche d’avancer”.
Comme quoi, chassez le naturel, il revient au galop !
C’est lorsque la démocratie est réaffirmée et que les Français ont à choisir, que l’on aimerait croire que le respect de l’histoire et des souffrances passées fait l’unanimité. Hélas, il n’en est rien.
À cette déclaration, nous avons une réponse !
À cette déclaration, nous avons un message.
Nous, jeunes ultramarins à travers le monde, venus de la Martinique, de La Réunion, de la Guyane, de la Guadeloupe, jusqu’à Mayotte en passant par le Pacifique. Nous, élus nationaux et locaux, personnalités publiques, travailleurs, étudiants, créoles, Engagés !
Cet homme incarne la ligne originelle de ce parti, la division. Il est l’exemple même que l’Histoire et le Rassemblement national (anciennement Front) ne font pas bon ménage. Par ignorance ou par mépris. Ce monsieur, qui est lui-même créole, descendant d’esclave et responsable politique, en deux secondes, a balayé notre devoir de mémoire, le poids de l’Histoire, l’impact de la politique coloniale sur nos territoires d’Outre-mer, et tout ce dont nos ancêtres ont enduré pour se libérer du poids des chaînes à leurs pieds.
Monsieur Johnny Payet, vous avez par vos paroles vaines et nuisibles, craché sur les combats et sur les parcours de tant d’hommes et de femmes. Vous avez bafoué l’héritage et le patrimoine de votre île, de ses habitants et de vos administrés. Vous avez tenté d’effacer avec vos dires, les mots d’Aimé Césaire le soir du 19 mars 1946, au moment de la départementalisation. Vous avez piétiné, avec vos mots, la mémoire de Louisy Mathieu, le premier esclave libéré à avoir siégé à l’Assemblée nationale.
Pour rappel, Monsieur, l’abolition de l’esclavage est une page fondamentale de notre histoire, commémorée sur l’ensemble du territoire, au niveau national comme au niveau local.
Cette mémoire collective, essentielle à notre identité et à nos valeurs républicaines, est commémorée selon un calendrier fixé par la loi du 30 juin 1983. Ces dates incarnent notre engagement collectif à ne jamais oublier les horreurs de l’esclavage et à honorer les luttes acharnées pour la liberté et la dignité humaine.
Minimiser l’histoire à cet endroit, c’est non seulement faire preuve d’un gouffre d’ignorance, mais aussi d’un profond mépris pour les Réunionnais et l’ensemble des territoires d’outre-mer. Ces propos ignominieux ne sont pas de simples erreurs, ils sont le reflet d’une vision révisionniste et dangereuse de l’histoire. Ils participent à une tentative insidieuse de réécrire le passé pour servir des intérêts politiques, en jouant sur les peurs et les divisions. C’est une stratégie indigne qui doit être fermement condamnée.
Dans votre négationnisme, dans votre rejet de notre Histoire, vous avez insulté ces héros de notre récit commun qui font encore aujourd’hui écho à notre quotidien. Vous qui êtes Réunionnais, la prochaine fois que vous mangerez un Canard à la Vanille, souvenez-vous que c’est Edmond Albius, esclave de 12 ans qui a découvert la méthode de fécondation de la vanille, qui fait aujourd’hui une richesse et une fierté réunionnaise, et qui se savoure dans le monde entier.
Vous êtes à l’image du parti à la flamme qui tente de nous envahir de fausses promesses et de propagande, mais qui une fois au pouvoir deviendra le parti à la flemme. Vos idéologies, votre parti et vous n’êtes que porteur de division, de repli sur soi et du rejet de l’autre. Et ce n’est pas ce dont nos territoires ont besoin à l’heure actuelle ! Vous êtes les héritiers de celui qui a un jour dit : « Je crois à l’inégalité des races, oui bien sûr, c’est évident toute l’histoire le démontre, elles n’ont pas la même capacité, pas le même niveau d’évolution historique. »
Il est impératif de rappeler que l’histoire de l’esclavage et de ses abolitions fait partie intégrante de notre patrimoine collectif. Elle nous enseigne les ravages de la déshumanisation et l’importance de la lutte pour les droits humains. Nier ou minimiser cette histoire, c’est refuser d’en tirer les leçons essentielles pour construire un avenir meilleur. Le devoir de mémoire est une exigence morale et civique. Il nous incombe de veiller à ce que jamais l’histoire de l’esclavage ne soit déformée ou utilisée à des fins politiciennes.
Aux ultramarins, nous vous disons que l’extrême n’est pas une réponse…
Nous sommes 2,7 millions, nous représentons 4% de la population française, 80% de sa biodiversité, 20 % de ses lagons et atolls et c’est par nous que la France est une puissance maritime. Au-delà des cartes postales et des projections, nos réalités sont méconnues, nos cultures sont baladées, et notre avenir moins assuré, c’est un fait.
Comment voter pour un parti qui a toujours rejeté l’Histoire et sa réalité en tentant d’effacer notre héritage, encore une fois avec l’aide de Johnny Payet, alors que nous sommes la preuve et un modèle de vivre ensemble. - Où viennent se mélanger l’Asie, l’Afrique, l’Europe et les Amériques ?
Aux ultramarins, nous vous disons que l’extrême n’est pas la réponse !
Nous sommes à une étape cruciale de notre histoire, et par devoir pour nos générations à venir, et celles passées, nous devons protéger ce que nous avons de plus chère, notre patrimoine. Un patrimoine qui s’agrandit de jour en jour avec de nouveaux talents, de nouveaux passionnés, de nouveaux créoles qui nous rendent fiers !
Dans un monde où Marine Le Pen, Jordan Bardella et leurs amis gouverneraient la France, croyez-vous que nous serions libres d’écouter Kalash avant d’aller en soirée Shatta ? Pensez-vous que Valérie Bègue, Alicia Aylies ou Vaimalama Chavez auraient eu une chance d’être Miss France ? Que Teddy Rinner, Kingsley Coman et Dimitri Payet pourraient briller aux quatre coins du monde lors de championnats internationaux ? Danyèl Waro aurait-il pu nous dire “tir malol danzieu” (sortez la merde de vos yeux) ?
En cette période électorale, où chaque mot compte et peut influencer l’avenir de notre nation, il est crucial que les discours soient responsables et respectueux. Ensemble, réaffirmons notre engagement à honorer la vérité historique et à promouvoir une société fondée sur le respect, la justice et la dignité humaine.
Signatures (en cours) :
40 signatures de jeunes ultramarins
10 sénateurs et sénatrices ultramarins : (Stéphane Fouassin, Viviane Malet, Thani Mohamed Soilihi, Dominique Théophile, Fréderic Buval, Nadège Havet, et d’autres)