Invité de Sabrina Supervièle ce dimanche, Patrick Lebreton, maire de Saint-Joseph et député de la 4ème circonscription a livré ses positions sur des questions d’actualité qui concernent tant la politique locale que nationale. Sur le plateau de l’émission Face à l’info, l’un des ténors du Parti Socialiste réunionnais a tour à tour abordé la réforme de la fédération locale, le vote du budget 2011 et la nomination de Jacqueline Farreyrol au poste de députée. Pour Patrick Lebreton qui n’est pas tendre avec la majorité, tous les efforts doivent être mis en oeuvre pour favoriser l’emploi à la Réunion, priorité ultime en ces temps de crise sociale et économique.
Nous commémorions il y a quelques jours le 40 ème anniversaire de la mort du chef de la France libre. Pour vous que représente le Gaullisme ? Dans l’héritage du Général, que retenez-vous ?
Patrick Lebreton : Je crois que c’est une certaine idée de la France. Par rapport à ce que nous vivons aujourd’hui d’un soit-disant descendant du Gaullisme - je parle du Président actuel - je crois que c’est le respect d’une certaine idée, d’une certaine hauteur de la France. Je trouve que nous ne sommes pas tout à fait dans la réalisation du Gaullisme en ce début du XXI ème siècle, à l’heure où je vous parle. Je me demande si nous n’avons pas plus de gaullistes que dans la majorité actuelle. Le Président Nicolas Sarkozy décide que désormais nous intégrons l’OTAN. Je crois que quelque part c’est un grand coup de canif dans la vision gaullienne de la France.
Revenons à la politique locale. A la Réunion, de nombreux socialistes voient en vous le futur homme fort du PS... vous aussi ?
Patrick Lebreton : Je vois une oeuvre collective à constituer. Nous avons fait un bon travail je crois, jusqu’à l’année dernière, à l’intérieur d’un courant du Parti Socialiste. Nous avons des nuances que nous avons peut-être souligné davantage comme des différences. Nous avons eu un début d’unité pas vraiment compris aux régionales. Je crois que nous avons de grandes échéances devant nous et qu’il faut travailler à les réaliser. Je peux être cette personne, oui.
Serez-vous candidat au poste de futur premier secrétaire de la fédération locale ?
Patrick Lebreton : Ils sont nombreux à me le demander et j’apprécierai cette possibilité au fur et à mesure. On peut comprendre que j’ai un emploi du temps déjà très chargé avec lequel il faudra composer. Si je décide d’aller dans cette direction demain, je veux que l’unité y soit et que cela se fasse sur des axes importants ; que l’on recentre nos idéaux et nos objectifs sur les besoins que l’Outre-Mer doit retrouver dans ce parti d’alternance qu’est le Parti Socialiste et singulièrement à la Réunion.
Quelles relations entretenez-vous avec Gilbert Annette ?
Patrick Lebreton : Nous avons eu vendredi une conférence de presse et nous ne travaillons pas seulement avec Gilbert Annette - c’est notre premier secrétaire - mais il y aussi Jean-Claude Fruteau et Michel Vergoz. Nous travaillons sur la préparation des échéances prochaines et surtout sur la nécessité de rendre audible et crédible le message d’alternance du Parti Socialiste pour 2012. C’est à l’intérieur de notre famille politique que nous travaillons sur la visibilité, sur le plan national. Aujourd’hui, nous sommes représentés pour 75% à une affiliation nationale et à des motions. Pour moi c’est Ségolène Royal, Gilbert Annette est derrière Bertrand Delanoë ; puis pour 1/3 par le collège des secrétaires de sections. Moi je pense que si on veut changer à l’extérieur, on doit d’abord changer chez nous. Et pour cela, il faudrait que nous soyons sur une motion locale mais aussi une mission qui représente à peu près 1/3 de notre conseil fédéral. On reste toujours sur une filiation nationale pour un 2ème tiers et puis on aurait le collège des secrétaires de sections. On arriverait certainement à mieux se faire entendre.
Avec le mouvement de Mickäel Payet, avez-vous le sentiment que la gestion du PS est aussi contestée dans le Nord ?
Patrick Lebreton : Visiblement, c’est ce qu’on a vu. Moi ce qui m’inspire aujourd’hui, c’est de regarder vers l’avenir et de vouloir demain pour tous les camarades qu’ils se retrouvent dans la grande famille que doit être le Parti Socialiste. C’est le rôle qui devrait nous être imputé à nous. Nous devons affirmer l’unité dans les actes.
Sur le plan national, de quelle figure socialiste vous sentez-vous le plus proche ? Quel homme ou quelle femme devrait selon vous présider la France en 2012 ?
Patrick Lebreton : Ce serait très bien si une femme devenait Présidente de la République. Cela nous changerait de ce que nous avons vécu jusqu’ici et cela nous changerait de ce que nous voyons actuellement. Nous avons de très bonnes candidates. Je crois qu’aujourd’hui Martine Aubry construit un beau travail à l’intérieur du parti. Si ça devait être elle, je souhaiterai que Dominique Strauss-Kahn, que Ségolène Royal et les autres soient dans une démarche d’unité. Mais je crois que nous avons tiré les leçons du passé et c’est plutôt sur cette voie que nous irons demain.
Le budget 2011, vous l’avez vivement critiqué. On peut dire que vous n’avez pas mâché vos mots concernant ce dossier ?
Patrick Lebreton : C’est notre rôle que de contester la politique gouvernementale. C’est aussi notre rôle que de proposer en face. Vous savez, le spectacle n’a pas été reporté. On a assisté à quoi ? Une critique de ce budget par bien sûr les Parlementaires et les députés de l’opposition mais aussi par les députés de la majorité. Et que s’est-il passé ? A minuit et quart, on a appelé tous les députés de province de l’UMP qui dormaient dans les hôtels de l’Assemblée Nationale, pour venir voter et faire passer ce budget. Je crois que quelque part on fait fi aujourd’hui du ressenti des élus, des représentants du peuple de l’Outre-Mer. Je n’avais pas à faire de cadeau. En plus, c’est vraiment du cynisme au plus haut point quand on missione une soit-disant ultra-marine pour non pas défendre l’Outre-Mer mais pour le descendre.
En parlant de Marie-Luce Penchard, vous avez déclaré qu’elle était " la pire avocate de l’Outre-Mer au Gouvernement" ? Maintenez-vous ces propos ?
Patrick Lebreton : Incontestablement, je pense que lorsque j’ai tenu ces propos, bon nombre d’ultra-marines et d’ultra-marins se sont reconnus dans ce que j’ai dit.
La réforme des retraites a été promulguée. Les mouvements de contestation ne pourront donc plus changer la donne ?
Patrick Lebreton : Moi je ne vois pas les choses de cette manière. Il y a eu trois millions de personnes qui sont descendues dans la rue. En 2007, on avait dit que le Président de la République allait faire des réformes et tenir compte de l’avis de la population. Je crois qu’incontestablement aujourd’hui, nous avons un hyper Président en même temps Premier Ministre qui s’appelle Nicolas Sarkozy et qui se dit que seul lui connaît tout. Les retraites, c’est un rendez-vous qu’on prend avec les Français pour 2012, pour qu’on applique un vrai projet qui apporte une assurance pour l’avenir.
Que pensez-vous de Jacqueline Farreyrol, appelée à remplacer Didier Robert à son poste de député ?
Patrick Lebreton : C’est une dame avec qui je travaille déjà puisqu’elle représente le tourisme. Jacqueline Farreyrol avait fait avec Luc Donat "Les ptits piafs". Aujourd’hui elle a grandi, elle fait son travail et quelque part nous sommes en partenariat comme je l’ai été avec Pierre Vergès au niveau du tourisme.
En a-t-elle l’étoffe selon vous ?
Patrick Lebreton : J’espère qu’elle pourra utiliser la tribune qu’elle aura pour le développement du tourisme. Je lui conseille très fortement de se méfier des diktats parisiens. Je lui souhaite bonne chance mais je ne sais pas si elle en aura vraiment.
Vous avez sous les yeux une image du panneau "Sin Dni" installé par l’équipe du Chef lieu. Vous qui prônez le bilinguisme dans votre commune, que pensez-vous de cette initiative de Gilbert Annette ?
Patrick Lebreton : Nous avons pris des initiatives chez nous aussi. Quand vous regardez le logo de Saint-Joseph, c’est "Alon bouge ensemb’". Un peu comme Monsieur Jourdain, on fait déjà du créole et il s’agit de l’officialiser. Je célèbre les mariages moitié français, moitié créole et ça ne choque personne.
Peut-on envisager de voir un jour des panneaux "Sin Zo" dans votre commune ?
Patrick Lebreton : Non parce que les gens ne disent pas "Sin Zo " mais "Saint-Joseph". Il y a certainement des personnes qui "zézeillent" mais ce sont des particularités. Je résumerai la chose en disant que nous avons un effort à faire au niveau du "dit", de l’oralité qu’au niveau de l’écrit. Moi j’y vois un intérêt. Pour moi, c’est la première marche avant d’arriver demain au trilinguisme chez nous avec l’anglais qui reste donc un objectif et que nous devrons rendre officiel à l’école.
Vous avez voté contre le projet de multiplexe défendu par la société Investissement et commerce cinéma (ICC). 1 fauteuil pour 45 habitants, c’est la moyenne nationale. Avec 2 multiplexes, on atteindrait une moyenne de 49 habitants pour un siège dans le Sud. Cet argument ne vous a donc pas convaincu ?
Patrick Lebreton : Deux multiplexes dans le Sud tueraient le cinéma dans toutes les autres communes. On nous dit qu’il faut être moderne et l’accepter. Aujourd’hui l’ensemble des maires du Sud ont davantage le souhait qu’on ait un multiplexe. Ces chiffres ne me convainquent absolument pas. Ils viennent du dehors, c’est ce que j’ai dit au DRAC. Ils ne tiennent absolument pas la route. A-t-on regardé le porte-feuille du Réunionnais pour savoir s’il peut aller dans n’importe quel cinéma ? Lorsque ICC a présenté son projet, il a dit qu’il fermerait la salle du Tampon. Je crois que cela n’est pas bon. Le Sud doit avoir une ville centrale - c’est Saint-Pierre - qui a un espace de multiplexe. Si le projet concurrent à celui de Mauréfilm avait proposé cette configuration, j’aurais été dans les mêmes dispositions, à condition qu’on ne tue pas le centre-ville. De l’autre côté, il faut des pôles d’équilibre et des petites communes qui aient leur cinéma.
Moi par exemple, je vois bien un multiplexe de dix salles à Saint-Pierre et deux ou trois salles dans un petit complexe à Saint-Joseph qui présenterait les films en même temps. Un marmaille de Saint-Joseph n’est pas moins qu’un spectateur de Saint-Pierre ou d’ailleurs.
Dans la presse on vous accuse notamment d’avoir voté contre le projet concurrent contre la promesse d’Yves Ethève de créer dans votre commune deux salles de cinéma. Que faut-il penser ?
Patrick Lebreton : On m’a accusé de cela ? On doit savoir, notamment dans les stades de foot, que Monsieur Ethèves et moi avons des vues communes. On se respecte. Moi je n’ai pas entendu cette accusation. En tout cas, si elle est venue, je dirai simplement que ce dossier a suffisamment pris du retard et qu’il est souhaitable que la région Sud connaisse son développement dans le domaine du cinéma. Je rectifie une chose : je n’ai pas voté contre un projet mais j’ai voté avec l’ensemble des autres élus et quasiment à l’unanimité pour un autre. Ce multiplexe sera implanté en centre-ville, ce qui est en cohérence par rapport aux vues que je partage avec un certain nombre de personnes dans une institution qui s’appelle le schéma de cohérence territoriale, qui est un syndicat mixte d’étude et de programmation, dont je suis le Président. Je suis en cohérence totale et je n’ai aucun intérêt financier dans aucun groupe.
Vous avez été sanctionné par le tribunal administratif pour avoir muté une aide à domicile, épouse du colistier du candidat UMP. Comment vous justifiez-vous ?
Patrick Lebreton : Qu’elle soit l’épouse du colistier, ce n’est pas important. Ce qui est important c’est que le tribunal administratif s’est appuyé sur cet élément pour trancher. On parle d’aide à domicile. Il faut dire de quoi il s’agit : les personnes qui vont chez nos aînés pour pouvoir les assister, dans le dernier quartier de leur vie. Nous avons une organisation au sein du centre communal d’action sociale pour environs 90 aides à domicile et que certaines d’entre elles sont soit en contrat à durée indéterminée et ont des horaires qui leur permettent d’avoir le SMIC alors que d’autres n’en ont pas. Ce que nous avons fait depuis 2007 - et pas seulement en 2008 car nous avons continué après - nous avons redéployé les personnes car il n’y avait plus suffisamment de crédits de temps et d’heures pour les aides à domicile.
Il se trouve que le tribunal administratif a apprécié que cette personne là parmi 70 autres avait été sanctionnée alors que toutes les autres ont connu le même sort et n’ont pas contesté. Elle s’est révoltée parce que son mari est un opposant politique. Je suis un légaliste alors j’ai mis en application la décision du tribunal administratif mais en même temps, devant le Conseil d’Etat je conteste et je fais appel parce que cela veut dire désormais que tous les maires et tous les présidents de CCAS de l’île et plus largement, tous les employeurs ne pourront plus déplacer ou redéployer un personnel parce que son conjoint est dans l’opposition. Autrement dit, tous les autres aujourd’hui sont logés à la même enseigne mais elle, elle devrait être privilégiée. C’est ainsi que l’on ressent cet épisode sur Saint-Joseph. Je trouve que j’ai été injustement traité sur le plan médiatique à ce niveau là mais qu’importe, nous sommes là pour faire de la politique. Nous ne nous attendons pas à des cadeaux. Nous poursuivrons ce combat pour défendre les intérêts de la Réunion mais aussi les intérêts de ceux qui gèrent les communes car on jette trop souvent le discrédit sur les maires, notamment dans notre île.
En tant que Maire de Saint-Joseph, quelles sont les actions que vous comptez mettre en oeuvre pour dynamiser une ville où plus d’un habitant sur deux est au chômage ?
Patrick Lebreton : Tout ce qui peut intervenir pour amener de l’emploi est important. On nous dit qu’il y a environs 100 000 chômeurs, à peu près 30%de la population mais en réalité il y en a plus. On devrait être à 40% de la population. Figurez-vous qu’une personne qui travaille une heure dans le mois n’est pas considérée comme un chômeur. L’agrandissement de la zone d’activité fait partie des projets qui seront mis en place. Autre point : la circulation à Saint-Joseph. Nous sommes en train avec la Région de réaliser la contournante pour pouvoir mieux pénétrer le centre-ville. Nous aurons également d’autres projets comme le centre d’éco-tourisme de Manapany.
Retrouvez l’intégralité de cet interview dans la vidéo ci-jointe mais également une série de questions décalées ainsi que des photos de l’intervention de Patrick Lebreton sur le plateau de Face à l’info.