En condamnant les deux sœurs Issabhay à 8 ans de réclusion criminelle, la cour d’assises estime qu’elles sont toutes les deux coupables d’avoir donné des coups mortels à Mariame Issabhay, le 26 décembre 2016.
Sofia Issabhay et Sabeira Issabhay ne se lâchent jamais. Durant les trois jours de leur procès, à la cour d’assises, elles sont toujours restées l’une à côté de l’autre. Arrivant tous les jours une dizaine de minutes avant l’ouverture des grilles de la cour d’appel, elles ont le même style vestimentaire, des longues robes avec un cardigan bleu. Elles portent le même chignon grisonnant. Leur paire de lunettes est la même. À chaque rayon de soleil, elles ouvrent leur parapluie. Condamné à 8 ans de réclusion criminelle, elles ont, sous escorte policière, rejoint la prison de Domenjod. Un destin lié.
En parlant de Sabeira Issabhay, le psychiatre évoque "une vie monastique". "Elle n’a existé que par la gestion du commerce et l’aide qu’elle a apportée à ses proches. Pour reprendre un terme religieux, c’est un sacerdoce", soulignait l’expert ce 7 septembre. "Elle vivait pour cet immeuble", indique son avocat, le bâtonnier Normane Omarjee.
Sa sœur, Sofia dont le psychiatre retient une altération du discernement le jour des faits, le 26 décembre 2016 est décrite par ses neveux comme la cheffe du logis, de l’immeuble familial, 38 rue Alexis De Villeneuve de Saint-Benoît. "C’est deux sœurs, c’est l’hôpital psychiatrique familial", indique son conseil, le bâtonner Georges-André Hoarau. "Qui serait capable de faire 8400 veillées mortuaires de suite ? Elles n’ont pas de leçon d’abnégation à recevoir, mais à donner". La robe noire, en employant la formule de veillées mortuaires, évoque le secret familial, l’affaire de la momie. Sous l’influence d’un gourou indien ce que les deux accusées contestent ou pour tenir une promesse familiale et ne pas s’attirer le déshonneur - le grand-père ayant demandé de ne pas enterrer le corps de leur tante divorcée Zoubeda Issabhay après son décès en 1981 - les deux accusées ont dormi durant 23 ans, dans la même chambre que leur tante momifiée.
Lors de ses réquisitions, l’avocat général Gauthier Poupeau, évoque des "zones d’ombres et de mensonges" concernant la mort de Mariame Issabhay, le 26 décembre. Comme Zoubéda, cette dernière, après un divorce, avait trouvé refuge dans l’immeuble familial de Saint-Benoît. Ses deux sœurs s’en occupent durant plusieurs années, jusqu’à ce jour de décembre où pour l’avocat général, il y a un "trop-plein, un débordement et un énervement". En proie à des crises de démence, comme l’affirment les accusées, mais "jamais vérifiées", selon le représentant de la société, Mariame, après avoir pris un bain, s’était à nouveau déféquée dessus.
"Elle était devenue le souffre-douleur de toutes ces années de frustration, un objet indésiré dans le milieu familial qui est venu cristalliser cette colère et un exutoire". Pour Gauthier Poupeau, Mariame Issbhay est morte des coups infligés par ses sœurs. Il requiert 8 ans pour Sofia Issabhay, retenant son abolition du discernement et 13 ans pour Sabeira Issabhay. Il demande que les faits soient requalifiés en violences volontaires ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner en réunion.
Lors des débats, il est apparu que seule Sofia avait des traces de coups sur les bras et les avant-bras. Sabeira Issabhay a difficilement avoué avoir exagéré sa participation pour protéger sa petite sœur. Devant les jurés, elle a reconnu avoir tenu sa sœur Mariame et donné des claques dans le dos. "Je ne crois pas qu’on peut faire des théories sans avoir débattu. Parler d’un objet non désiré, c’est mal connaître le dossier", plaide le bâtonnier Normane Omarjee qui précise qu’il faut "démontrer une participation volontaire et personnelle de sa cliente" pour l’accuser de tels faits. "Vous devez oublier le dossier et regarder le regard de celle qui est accusée à la barre. La vérité est dans ses yeux. Les yeux dans les yeux", avance le conseil. Et d’ajouter : "Elles ont vécu dans leur monde. Ce sont deux personnes qui ont souffert, qui n’ont jamais connu l’amour. Un regard, un baiser ou les sensations de picotement avant un rendez-vous, elles ne connaissent pas. Juger, c’est ça aussi, redonner un sens à leur vie". Le conseil ne cache pas son désarroi si sa cliente devait partir en détention.
La cour, en rendant son verdict, a encore donné une lecture différente du dossier. L’altération du discernement n’est pas retenue pour Sofia Issbahay. Les deux sœurs sont condamnées à la même peine, à savoir 8 ans de réclusion criminelle. Un second procès devrait voir le jour. Le bâtonnier Georges-André Hoarau a d’ores et déjà exprimé son souhait d’interjeter appel. Quelle lecture aura la cour d’assises au prochain procès ? Cette famille qualifiée d’"extra - ordinaire", par Normane Omarjee, révélera-t-elle tous ses secrets ou s’enfermera-t-elle sur elle-même, comme elle l’a toujours fait ?
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