Elu à la tête de la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Réunion le 30 décembre 2010, Ibrahim dresse les axes de son programme. Le représentant de la Fédaction décrit les projets qu’il veut défendre tout en dévoilant ses ambitions pour l’avenir.
Nous allons évoquer ensemble le fait de la semaine : la vision qu’ont les enfants de la femme moderne. Les préjugés ont encore le dent dure. Pour eux, elle doit s’occuper du foyer. Selon l’INSEE, le taux d’activité des Réunionnais est de 54,78% contre 66,1% de femmes actives en métropole. Et sur le terrain politique, on est loin de la parité homme-femme avec seulement 13% de candidates aux élections cantonales cette année. Que pensez-vous de ces chiffres ?
Ibrahim Patel : Je pense que c’est tout à fait normal. Nous sommes dans une logique : nous sommes dans un département jeune, depuis 1945. Il faut savoir que nous avons dans une culture différente. Nous sommes plutôt dans un cocon familial, on a toujours considéré jusqu’à maintenant que la femme devait s’occuper du foyer et des enfants. On a encore cette culture, nous sommes encore dans cet état d’esprit donc c’est tout à fait normal que nous soyons inférieurs par rapport à la métropole.
Ce n’est pas ma vision de la femme, je pense qu’aujourd’hui nous sommes en pleine évolution. La parité hommes-femmes fait son chemin. N’oublions pas que le droit de la femme a été renforcé ces dernières années, notamment par le droit de vote. Les choses vont encore s’améliorer, il faut se donner du temps.
En ce qui concerne votre action au sein de la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Réunion (CCIR). Votre première décision en tant que président a été la hausse des indemnités kilométriques des élus. Selon vous, est-ce cette décision peut choquer en période de crise ?
Ibrahim Patel : Je le répète, on ne s’est pas bien compris sur la hausse des indemnités. On n’a pas augmenté le plafond, il faut le savoir. Nous avons augmenté le forfait kilométrique - de 90 à 100 euros - mais nous n’avons pas augmenté le plafond.
Comme première mesure, ce n’est pas forcément bien vu, surtout quand on sait que la Cour régionale des comptes n’était pas franchement favorable à a forfaitisation de ces indemnités ? Qu’en pensez-vous ?
Ibrahim Patel : Ce n’est pas une forfaitisation des indemnités, le paiement se fait en fonction des jetons de présence, en fonction des réunions de travail. Aujourd’hui, un élu - toute tendance confondue - ne peut pas toucher plus de 600 euros par mois d’indemnisations de déplacement car le plafond de 2300 euros n’a pas été augmenté.
Avec la fédaction, on vous présente comme le fervent défenseur des petites entreprises. Comment comptez vous structurer l’aide que vous comptez apporter à celles qui sont en difficultés ?
Ibrahim Patel : Aujourd’hui, nous sommes dans la mise en place d’une réorganisation Nous allons présenté un nouvel organigramme entre le 15 et le 30 mars. Cet organigramme prévoit un renforcement des Maisons d’entreprises dans l’Est et l’Ouest de l’île.
A quand un service informatisé qui permettrait de faire un maximum de formalités par internet pour palier les lenteurs du dispositif actuel ?
Ibrahim Patel : Nous avons à la Chambre de Commerce, le Chambersign (une signature électronique) , cela existe déjà. Ce n’est peut-être pas assez connu mais ce qu’il faut savoir, c’est que dans le cadre de notre programme, nous sommes en train de réorganiser tout notre service de communication. Je pense que nous aurons une communication plus adéquate à partir du 1er juillet.
On en vient maintenant à votre projet de créer une centrale d’achat unique de produits alimentaires pour faire baisser les prix. Ce projet ne favoriserait pas l’importation au détriment de la production locale ?
Ibrahim Patel : Pas du tout. A la Réunion, il y a 85% des petites entreprises qui n’ont pas d’autres choix que de s’approvisionner et de commander auprès des deux centrales d’achat locales. Et en terme de prix, c’est tout de même assez exorbitant. On n’arrête pas de dire que les boutiques vendent leurs produits très chers mais c’est tout à fait normal. Lorsque nous sommes dans un système de monopole, nous n’avons pas le choix. Nous sommes pris au piège. la mise en place d’une centrale d’achats appartenant aux entreprises réunionnaises et aux commerçants alimentaires réunionnais ne peut que faire baisser les prix.
Quel serait le rôle de la CCIR dans ce projet. On sait que le Chambre ne doit se trouver en position de concurrence vis-à-vis des acteurs du marché ?
Ibrahim Patel : La Chambre de Commerce ne va pas être actionnaire dans ce projet. La CCIR va porter ce projet, mettre en place le dossier et la structure. Mais il n’y a pas de concurrence : deux centrales d’achats existent à la Réunion et nous ne remettons pas en cause leurs fonctionnements. Aujourd’hui, nous voulons donner la possibilité aux petites entreprises réunionnaises de trouver un système d’approvisionnement différent.
Ce n’est pas un projet risqué pour la Chambre aussi bien que pour les enterprises qui se lancerait dans le projet ?
Ibrahim Patel : On dit souvent "qui ne risque rien n’a rien".
L’aménagement est un domaine présenté comme prioriatire dans le cadre de votre mandature. Vous vous voulez vous lancer dans la chasse au foncier en créant une Sem ?
Ibrahim Patel : Oui. Aujourd’hui, la Chambre de Commerce et d’Industrie possède 32 hectares de terrain à gérer. Il y a eu une mauvaise gestion dans ce domaine. Nous avons créé un pôle aménagement car nous avons du foncier économique de valeur.
Il faut dans un premier temps remettre de l’ordre dans les zones d’activités mais également donner un caractère économique sur le foncier de valeur que nous possédons à Saint Denis et dans l’Ouest. Mais nous devons aussi créer une Sem d’aménagement pour donner des possibilités à nos entreprises.
En ce qui concerne l’aéroport, vous recensez 700 000 euros d’impayés. Qui sont les mauvais payeurs ? Comment comptez vous récupérer cette somme ?
Ibrahim Patel : J’ai pris ce dossier en cours lorsque je suis arrivé à la Chambre de Commerce et d’Industrie et il y a effectivement 700 000 euros d’impayés. Mon prédécesseur et les services concernés ont fait le nécessaire, il y a eu un jugement. Ce jugement a condamné à la personne concernée à payer la somme de 700 000 euros à la CCIR, l’affaire suit son cours. La Chambre fera tout ce qui est en son pouvoir pour récupérer cette somme. L’expulsion est faite depuis juin 2010 et nous lancerons prochainement un appel d’offres pour rouvrir le bar.
Récupérer cette somme, est-ce une mission qui rélèvera des missions de la nouvelle société aéroportuaire ? Ibrahim Patel : Alors oui, nous allons rentrer dans la société aéroportuaire. Il faut savoir que notre gestion se termine en décembre 2013. Nous sommes en discussions avec l’Etat sur la gouvernance de cette société aéroportuaire qui pourrait se mettre en place dès le mois de mai 2011. (...) Il faut que cette société aéroportuaire reste dans le giron des Collectivités, qu’elle reste publique.
Après l’aéroport, les ports. Comptez-vous conserver la concession maritime ?
Ibrahim Patel : Nous commençons actuellement les discussions avec le ministre du Transport et la ministre de l’Outre mer. Nous allons voir quelle manière nous allons nous mettre d’accord pour sortir de cette concession.
Autre projet que vous soutenez : la construction de nouveaux quais de débarquement dans l’Est et le Sud. Est-ce que vous pensez que ces projets sont rentables ?
Ibrahim Patel : Oui, ce sont des projets rentables qui vont se faire en partenariat avec la Région les collectivités concernées dans l’Est et dans le sud de l’île. Pourquoi ce projet ? Parce que nous sommes soumis aux alléas climatiques à la Réunion, nous avons souvent des problèmes en raison des basculements de la route du Littoral, des éboulis... Et il est très important que les transporteurs ne passent pas leur temps dans les embouteillages.
C’est un projet qui n’est pas rentable selon le Medef, sur quelles études vous basez-vous ?
Ibrahim Patel : Il y a une étude qui a été faite et nous l’avons sorti du tiroir. La mairie de Saint Benoît a pris contact avec nous pour relancer ce projet. (...)Je respecte la position du Medef, chacun a le droit de s’exprimer. Nous, nous avons un projet et nous irons jusqu’au bout de notre logique.
La perte de la concession portuaire et aéroportuaire va-t-elle entrainer des pertes de financement pour la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCIR) ?
Ibrahim Patel : Non, pas du tout. Il y a une compensation financière au niveau du Port comme de l’aéroport. (...) Il n’y a pas de risque financier en la matière.
Retrouvez l’intégralité de cet entretien avec Ibrahim Patel dans la vidéo ci-jointe ainsi qu’une série de questions décalées.