Jacques Vandebeulque : Les accidents de la circulation pour les sapeurs pompiers, cela représente quasiment 5000 interventions par an. Avec en effet, des bilans de personnes décédées et de nombreux blessés. Je crois que le comportement des conducteurs est à surveiller. Je suis depuis peu de temps à la Réunion mais je constate qu’on a des progrès à faire dans ce domaine là et plus particulièrement en ce qui concerne les deux-roues. Je suis pourtant moi-même conducteur d’un deux-roues mais je trouve que les scooters plus particulièrement ont des comportements inconsidérés, notamment sur le port du casque et sur la conduite en circulation.
En effet, les deux-roues payent un lourd tribut sur les route. Ils représentent 53% des victimes de la route. Que faire pour enrayer cette hécatombe ?
Jacques Vandebeulque : Je crois qu’il y a beaucoup de formation à faire. Il faut faire de la prévention et puis, malheureusement aussi des contrôle. Parce que - à un moment donné - la répression est obligatoire lorsque l’on peut voir des comportements complètement irresponsables de la part de nos jeunes qui ont peut être un sentiment de liberté qu’il faut être capable de maîtriser.
Dans 40% de accidents mortels, l’alcool est en cause contre 30% en métropole. Dans vos missions, vous avez-vous le sentiment que la Réunion est particulièrement touchée par le problème de l’alcool ?
Jacques Vandebeulque : Je n’ai pas encore eu le temps de me rendre compte de ce phénomène mais c’est vrai que de toute manière, on met souvent en cause la vitesse alors que très souvent, c’est la consommation d’alcool ou d’autres types qui empêchent d’avoir un bon discernement lors de la conduite de véhicules et c’est alors que se produisent les accidents, souvent les plus graves.
Quelle est la mission des pompiers en cas d’accident ?
Jacques Vandebeulque : Essentiellement de porter secours et de protéger mais également éviter le sur-accident. Un point très particulier puisque nous avons nous-mêmes payé un lourd tribut à ce sujet : cinq de nos sapeurs pompiers sont morts à Loriolle, fauchés par des automobilistes alors qu’ils portaient secours aux victimes d’un accident sur l’autoroute. Et bien évidemment, conduire les victimes le plus rapidement possible vers les centres.
Quel est le temps d’intervention ?
Jacques Vandebeulque : C’est souvent lié au positionnement de l’accident. En moyenne sur le teritoire national, on peut considerer qu’on est en mesure de mettre en place un véhicule de secours en 20 minutes. Par contre, il faut compter un délais un tout petit plus long pour les véhicules de désincarcération pour les accidents les plus lourds : environ 30 à 40 minutes.
Pensez-vous qu’il faut améliorer le système de réception des appels à la Réunion ?
Jacques Vandebeulque : Oui, il est nécessaire d’équiper le corps départemental d’un centre de réception unique. Actuellement encore 18 points de réception des appels de secours sont identifiés. Il faut qu’on puisse centraliser cette réception des appels, ce qui permet d’assurer une meilleure distribution des secours. C’est un projet qui nous a été demandé et qui est prioritaire pour le service départemental : d’ici à deux ans, nous aurons un centre de traitement de l’alerte tout à fait opérationnel. Mais dans un an, nous aurons déjà organisé cette centralisation.
En ce qui concerne l’incendie du Maïdo : cela fait six mois que vous êtes à la Réunion, on peut dire que cet incendie a été en quelque sorte votre baptême du feu ?
Jacques Vandebeulque : Oui, le baptême du feu à la tête du corps départemental. Bien évidemment, ce n’est pas quelque chose de souhaitable mais par contre, pour un directeur qui prend ses fonctions, c’est l’occasion d’apprécier dans le cadRe opérationnel le fonctionnement de la structure. Et cela par contre, c’est quand même une chance que j’ai eu, je dois le dire même si cela peut surprendre. Cela permet d’économiser de longues heures d’entretien et de visites, puisque là - en direct-, on a l’occasion de voir comment se comportent les troupes sur opération. C’est notre vraie raison d’être : il s’agit bien pour les sapeurs pompiers d’être opérationnels sur opération, c’est pour moi l’occasion de vraiment tester le dispositif.
Qu’est ce qui a été le plus dur à gérer ?
Jacques Vandebeulque : Le stress du commandant des opérations de secours qui voit ses personnels exposés à l’incendie, c’est quelque chose de très particulier et qui n’est pas particulièrement compris par la population. Pour moi, c’est le moment le plus tendu : à partir du moment où je me suis rendu compte que les personnels étaient en train de s’exposer, que l’évolution du sinistre était en train de prendre une ampleur qui n’avait pas été identifié initialement, là, c’est un moment très particulier.
Plus logiquement, il y a les problèmes de logistique à organiser et là, nous avons pêché. Sur ce point, nous avons sans aucun doute un bon domaine d’évolution sur les quelques mois à venir. Au départ l’incendie sur les deux premiers joursnous semblait entre guillemets classique. Dès le troisième jour, nous avons pris conscience qu’il avait une dimension particulière, les renforts nationaux ont été engagés et ils étaient sur place dès le quatrième jour dans l’après midi : donc là, il y a eu une très bonne réaction. Et même pour eux, lorsqu’ils sont arrivés, ils ont eu l’impression de faire face à un sinistre e tout à fait classique.
Mais malheureusement : les conditions météorologiques, le couvercle végétal, le relief particulier du Maïdo ont démontré que nous étions face à un événement qui était hors de mesure par rapport à ce que nous connaissions depuis un certain nombre d’années. Et que peut être la mémoire collective du corps avait oublié - on parle de ces feux des année 70 - 80 -, les années sont passées par là et on avait peut être perdu ce réflexe en adoptant un mode de fonctionnement plus "classique". Là je coirs que cela a bien réveillé les troupes.
C’est un incendie comparable à ceux auxquels on peut assister dans le Var ?
Jacques Vandebeulque : Tout à fait. On peut dire que pour la Réunion, c’est un incendie qui serait équivalent dans le Var à un incendie de près de 1500 hectares compte tenu de la superficie boisée du Var et celle comparative de la Réunion. Donc, cela fait partie des feux très importants. C’est aussi un feu qui a une particularité avec deux types de propagation : une propagation aérienne - dans la cime des arbres - et ensuite, en phase souterraine. C’est ce qui a compliqué significativement l’action sapeurs pompiers.
Alors finalement, c’est plus difficile de gérer un incendie dans le Var ou à la Réunion ?
Jacques Vandebeulque : C’est plus difficile de gérer un incendie à la Réunion. Justement du fait de ces actions et de la nécessité de conjuguer un effort avec l’ensemble des acteurs : que ce soit avec les sapeurs pompiers traidtionnellement, les agents de l’ONF, les renforts nationaux, les travaux publics... Les engins de terrassement les plus importants de la Réunion ont été engagés sur place pour pouvoir nous permettre de maîtriser cet incendie, c’est dire à quel point la tâche a été difficile.
Acheminement des renforts, du matériel, nécessité de renforts aériens - hélicoptères et Dash-8 (avion bombardier d’eau) - mais aussi humains... La facture salée : à combien est-elle estimée ?
Jacques Vandebeulque : Je suis incapable de vous répondre sur ces chiffres là, nous ne sommes pas encore dans la phase des calculs.
Vous pensez que la facture pourrait atteindre un million d’euros ?
Jacques Vandebeulque : Oui, elle atteindra certainement le million d’euros.
Retrouvez l’intégralité de ce face à face avec le colonel Jacques Vandebeulque, directeur du SDIS dans la vidéo ci-jointe mais également une séquence photos et une série de questions décalées.