Ce lundi 10 octobre Lætitia enseignante d’art plastique dans un collège de Saint-Denis comparaît pour trafic de stupéfiants. La quadragénaire a été interpellée jeudi 6 octobre lorsqu’elle a voulu aller réceptionner son colis. La drogue était cachée dans une bouteille de gel douche et un parfum
Lætitia arrive à la barre ce lundi 10 octobre. Son profil interpelle, elle est enseignante. Cheveux blonds, deux nattes tombent sur ses épaules. Débardeur vert, jean, elle a passé le week-end en garde à vue et comparaît immédiatement face à trois juges avec un regard fermé.
Les faits remontent au lundi 12 septembre. Lætitia est domiciliée à Saint-Denis depuis sa nouvelle affectation dans un collège du centre de la ville en tant que professeure d’art-plastique, il y a un an. Ce jour-là, elle reçoit un colis via Chronopost d’un ami, un certain Yannick de Toulouse.
Le contenant est très vite repéré par les douanes. Parmi des bijoux fantaisies, un parfum et un gel douche Sanex semblent suspects. Le colis est placé sous surveillance dans l’attente de son destinataire.
Jeudi 6 octobre, Lætitia se décide enfin à aller récupérer son paquet à la poste. Elle est immédiatement interpellée. Le fameux gel douche et le parfum ne contiennent pas leurs liquides habituels mais de 888 grammes de kétamine et 583 grammes de cocaïne liquide.
Les magistrats se demandent comment une enseignante à la situation financière stable a pu tomber dans le trafic de stupéfiants.
“En arrivant sur l’île il y a un an je ne connaissais personne. J’ai rencontré un premier homme sur les réseaux sociaux. J’ai commencé à faire des soirées avec lui dans le sud de l’île, il m’a présenté ses amis, je me suis bien entendue avec Steven un organisateur de soirées. Puis ils m’ont présenté d’autres amis. Il y avait beaucoup de consommation de drogue lors de ces événements. Au début je n’y touchais pas, puis j’ai commencé à en prendre aussi”, explique la quadragénaire au tribunal en touchant sa tresse droite.
Un engrenage en entraînant un autre, sous le charme de Steven, il réussit à la convaincre d’elle aussi se faire livrer de la drogue : “Il m’a dit c’est facile. J’ai eu des œillères, j’ai accepté. Une partie était pour ma consommation personnelle et l’autre pour revendre un peu et faire profiter des amis.” Au début de l’audience, elle semble très sûre d’elle puis commence à avoir la gorge nouée et des yeux humides.
Au début des auditions réalisées par les policiers ce week-end, elle explique avoir voulu dans un premier temps couvrir son amant. Alors, dans le stress, elle donne le nom d’une amie à elle qui trafique de la mdma dans le sud de l’île. Son profil est aussi atypique : c’est une ancienne gardienne de la paix. Elle est jugée pour son business de mdma mais n’a rien à voir avec le deal entre Steven et Lætitia.
Ce sont les sms qui trahissent l’enseignante. Ses messages échangés avec Steven où elle lui dit qu’elle n’a pas envie d’aller chercher ce paquet. “Il lui met la pression”, plaide l’avocate de Lætitia. Elle se rassoit sur le banc des accusés en larmes.
Son avocate tente de la sauver dans sa plaidoirie : “A cinq ans, elle retrouve son père mort. Il se suicide. Sa mère se remet avec un beau-père. Il violente la mère et sa fille. A 16 ans, Lætitia se sauve du domicile familial. Son compagnon subvient à ses besoins. Elle est dans une situation de détresse, mais ne tombe pas dans la facilité des mauvaises fréquentations. En parallèle de ses études, elle travaille en même temps pour devenir professeure. Après 10 ans d’exercice, elle obtient sa mutation à La Réunion et arrive sur l’île le 4 août 2021. Isolée, elle devient vite une proie. Elle rencontre Steven et tombe dans sa ruse de dealer. Il la fait consommer gratuitement en lui expliquant les bienfaits de la drogue puis se retrouve dans cet engrenage de manière occasionnelle.
Ce Steven , lui dit je me suis fait livrer ça a marché, est-ce que tu peux te faire livrer pour moi ça ne craint pas. Elle a des doutes. Il lui dit : fais moi confiance. Ça ne craint pas c’est pressé. Il ne cesse de la balader sachant qu’elle est amoureuse. Lorsqu’elle émet des doutes pour aller réceptionner le colis, se rendant compte de la gravité de la situation, il lui dit c’est trop tard j’ai payé. Tu vas réceptionner.”
Lætitia se rend compte qu’elle risque de perdre son emploi, “ce métier c’est toute ma vie.” Les magistrats s’interrogent. La procureure relève les déclarations fluctuantes pendant toute sa garde à vue et le fait qu’elle aurait sûrement reçu des colis auparavant.
Les trois juges partent délibérer. Elle sera finalement reconnue coupable des faits qui lui sont reprochés et écope de deux ans de sursis probatoire. C’est à dire une obligation de soins, l’interdiction d’entrer en contact avec son amie et Steven. Elle doit également s’acquitter d’une amende de 16 800 euros. Cela correspond à la valeur de la marchandise reçue.
Lætitia n’est pas sûre de retrouver ses élèves. C’est à son chef d’établissement de le décider.
Carla Bucero Lanzi