Les débats ont été animés ce jeudi, à l’occasion de la deuxième journée du procès de Juliano Verbard et de ses quinze adeptes. La cour a donné tour à tour la parole aux parties civiles avant d’entendre le gourou de la secte "Coeur douloureux et immaculé de Marie" et ses fidèles diversement impliqués dans l’enlèvement du jeune Alexandre.
La deuxième journée du procès de Juliano Verbard et de ses quinze co-accusés a débuté avec le témoignage attendu d’Alexandre Thélahire. A la barre, l’adolescent est revenu sur son premier enlèvement, survenu le 9 juillet 2007, à Sainte-Suzanne. Alexandre a ainsi évoqué les multiples retraites spirituelles à Salazie et sa rencontre avec Guillaume Maillot, le complice du gourou.
Souriant et décontracté mercredi, Alexandre Thélahire offrait hier un visage plus fermé aux jurés de la cour d’assises de Saint-Denis. Le jeune homme a témoigné à la barre, sous le regard impassible de Juliano Verbard et de ses complices. Face au président de la cour Michel Carrue et sous le regard de ses ravisseurs,Alexandre est revenu sur sa rencontre avec Guillaume Maillot, l’un des adeptes de la secte "Coeur douloureux et immaculé de Marie".
Maître Nicolas Normand tentera d’arracher les mots à Alexandre. L’avocat du gourou s’est interrogé notamment sur l’"amnésie" de la victime, incapable de donner davantage de précisions. Ce qu’il ressort de ce témoignage, ce sont les incertitudes d’Alexandre et sa volonté ferme de protéger son oncle et sa tante qui l’accueillaient à Salazie : "Je voudrais juste dire que ma marraine n’était pas au courant de tout ça, elle ne savait rien" insiste le jeune homme, assailli par les questions de la défense.
Après le témoignage d’Alexandre, c’était au tour de Catherine Thélahire de répondre aux questions du Président du jury et des avocats de la défense. Les propos de la mère de famille sont fidèles à ses déclarations antérieures. Une nouvelle fois, elle insiste sur la confiance qu’elle et son époux portaient à Guillaume Maillot, l’homme qui a approché son enfant avant l’enlèvement.
Catherine Thélahire décrit également la terreur dans laquelle ses enfants ont été plongés. Comme son fils, Catherine Thélahire a dû parer aux attaques de la défense ce jeudi. Interrogée par le Président du jury sur les séjours d’Alexandre à Salazie, la mère martèle les propos qu’elle tient depuis des années : " Mon mari et moi ne voulions pas perturber le rythme scolaire d’Alexandre et de son petit frère Corentin, c’est pour cela que nous avons décidé de les confier à leur oncle et leur tante qui résidaient à Hell-Bourg au moment des faits". Elle ajoute encore : "Nous avons autorisé deux retraites car Alexandre préparait sa confirmation".
Après avoir pointé les oublis inexpliqués d’Alexandre, Maître Nicolas Normand s’interroge sur l’attitude des parents au moment des faits. L’avocat ne fait pas de détour et demande à la mère pourquoi il lui a fallu tant de temps pour s’inquiéter. Il veut aussi savoir si Catherine Thélahire en a voulu à la tante d’Alexandre, dans la mesure où l’embrigadement du garçon s’est fait pendant qu’il était à Hell-Bourg. A cette question, Catherine Thélahire, répond avec franchise : "Oui, au début je lui en ai voulu. Mais quand il arrive ce genre de chose, on en veut à la terre entière, on s’en veut à soi-même car on réalise qu’on n’a pas vu assez tôt".
La mère s’exprimera ce vendredi sur le second enlèvement qui a eu lieu le 3 août 2007, au domicile des Thélahire à Saint-Denis. Avec le témoignage d’Alexandre, le récit du gourou de la secte "Coeur douloureux et immaculé de Marie" était le plus attendu.
Juliano Verbard a livré sa version du premier enlèvement en fin d’après-midi, peu de temps après que son amant Fabrice Michel ne lui fasse une nouvelle déclaration. En se laissant dépasser par ses émotions,
Juliano Verbard a montré une fois de plus les liens puissants qui l’unissent au jeune Fabrice Michel, avec qui il est pacsé. Le gourou de la secte a confirmé avoir signé le message de Corine Michel, autrement dit le fameux message venu du ciel qui "commandait" aux adeptes de Juliano Verbard d’enlever le petit Alexandre. En parallèle, l’accusé a également expliqué comment il a été propulsé à la tête de la secte, revenant sur les conditions dans lesquelles "l’association" Coeur douloureux et immaculé de Marie a été fondée. Il s’est également attardé sur sa désillusion de 2008 : "J’ai appris que je n’étais pas évêque. Un évêque peut consacrer des prêtres ; il a l’autorité spirituelle sur la Réunion. Moi je n’étais pas un évêque". S’il s’est montré très discret lors des débats de ce jeudi, Juliano Verbard devrait être plus hargneux durant les prochains jours.
Ce matin, la cour se penchera en effet sur le deuxième enlèvement d’Alexandre Thélahire, qui s’est déroulé le 3 août 2007 au domicile des parents du jeune garçon à Saint-Denis. Accusé d’avoir organisé l’enlèvement et d’avoir participé à la séquestration d’Alexandre, Juliano nie en partie les faits qui lui sont reprochés et pour lesquels il encourt trente ans de prison. Il devrait conserver cette ligne de défense tout au long du procès.
Dans le box des accusés , Fabrice Michel qui ne s’était pas exprimé jusque là est revenu sur sa rencontre avec Juliano Verbard en 2002 et sur les débuts de leur idylle. Le jeune homme a livré un témoignage parsemé d’hésitations et de contradictions, comme beaucoup d’autres accusés entendus ce jeudi. Face aux attaques de la défense, Fabrice Michel a rejeté la responsabilité du premier enlèvement sur Guillaume Maillot : "c’est lui qui a confisqué son téléphone à Alexandre ; il a également pris part au premier enlèvement". Lorsque le bâtonnier Georges-André Hoarau lui demande s’il accepterait de se faire condamner à la place de son amant, Fabrice Michel, qui a de toute évidence bien préparé son témoignage répond par un "non"franc. Contre toute attente, le jeune homme déclare une nouvelle fois sa flamme au gourou : "Je tiens à signaler qu’on est pacsés. C’est un moyen de montrer que je l’aime et que je tiens à lui " (ndlr : Juliano Verbard).
Après avoir entendu le témoignage d’Alexandre Thélahire et de ses proches, les juges ont donné la parole à l’un des seize accusés, Guillaume Maillot. C’est lui qui a organisé la rencontre entre Juliano Verbard et le jeune Alexandre, présenté comme l’élu. "Aujourd’hui, je suis détaché de cette emprise sectaire".
Pour Guillaume Maillot, l’heure de la libération semble avoir sonné. S’il admet avoir permis la rencontre entre le gourou Juliano Verbard et Alexandre Thélahire, il livre ce jeudi une toute nouvelle version, dans laquelle il rejette toute la responsabilité sur Juliano Verbard. Malgré les démêlés judiciaires de son gourou, Guillaume Maillot reste sous influence et lui parle d’Alexandre, "un petit dont la piété est exceptionnelle". L’accusé raconte encore : " J’ai remis des lettres de Juliano à Alexandre avant leur rencontre au mois de mai 2007. Lors de la messe qui a suivi, Juliano Verbard a eu une apparition et annoncé qu’Alexandre était son héritier, l’élu désigné".
Appelée à la barre, la tante d’Alexandre doit aujourd’hui s’exprimer sur le rapprochement entre Guillaume Maillot et son neveu en 2007. La tante qui déclarait à l’époque avoir participé à une "réunion" en présence de Juliano Verbard réfute toutes ses déclarations antérieures. Sans doute oppressée par la présence des parents de la victime, la tante a nié en bloc sa participation à une séance de prière avec le gourou de la secte "Coeur douloureux et immaculé de Marie".
Cette audience a été un moment éprouvant pour la tante qui marquera plusieurs moments de silence évitant de peu une crise de larmes. Confrontée à ses propres contradictions, Mme Chabuel perd pied et finit par dire qu’elle était malade à l’époque, que ses esprits n’étaient pas clairs, en somme qu’elle ne disposait pas de toutes ses facultés pour prendre toute la mesure des événements qui se déroulaient sous ses yeux. Face à ce témoin fragilisé, les avocats de la défense s’engouffrent dans la brèche et évoquent la responsabilité morale de la tante dans cette affaire. Le ton monte alors entre la partie civile et la défense. Paniquée, Mme Chabuel bégaie et se laisse peu à peu dépasser.
Maître Collard est contraint d’intervenir. L’avocat marseillais convient de ces propos alambiqués mais rappelle aussi que la tante n’a pas participé aux deux enlèvements d’Alexandre et rend ainsi au témoin son statut de victime. Les débats reprendront ce vendredi matin à 8h30. Il sera question du deuxième enlèvement d’Alexandre Thelahire en août 2007. A l’époque, une véritable chasse à l’homme avait été lancée pour retrouver Juliano Verbard et libérer le jeune enfant.