Cité en tant qu’Evêque de la Réunion, Monseigneur Gilbert Aubry a témoigné mercredi 13 avril devant la cour d’assises de Saint-Denis dans le cadre du procès portant sur l’enlèvement d’Alexandre Thélahire par les membres de la secteur "Coeur douloureux et immaculé de Marie". Les débats ont été particulièrement animés entre le chef religieux et les avocats de la défense.
Avant de livrer son témoignage, Monseigneur Gilbert Aubry a tenu à tenu à faire une déclaration préliminaire : "Je suis citoyen français. Mon témoignage s’inscrit dans la laïcité et exprime la liberté qui est la mienne".
"Le 2 septembre, Juliano Verbard m’a demandé un rendez-vous. C’est le 28 septembre que la rencontre s’est faite. Juliano Verbard était accompagné de quatre personnes de son groupe. Cet entretien s’est déroulé en deux temps : j’ai d’abord eu une longue discussion en tête à tête avec Juliano Verbard. Par la suite, j’ai échangé avec le groupe qui l’accompagnait. Lors de cette discussion, Juliano Verbard m’a dit que la Vierge l’avait conduit jusqu’au diocèse et que depuis cinq ans il recevait des messages de la Vierge."
Selon l’évêque du diocèse de la Réunion, il aurait appris à ce moment qu’il y avait plusieurs apparitions dans l’île.Pour Monseigneur Aubry, il y a eu " amalgame avec les dévotions". Il assure qu’il a demandé à Juliano Verbard et son groupe "de rester dans la discrétion, de ne pas se manifester, de ne pas organiser de rassemblements publics, et a proposé à Juliano Verbard d’y voir plus clair dans sa démarche".
Deux rencontres ont donc été organisées avec un diacre mais "le dialogue n’était pas possible" selon Gilbert Aubry. L’évêque poursuit : "Juliano était enfermé dans son propre raisonnement. Il était venu chercher une caution, une reconnaissance officielle de son groupe pour aller plus loin".
Concernant les apparitions des 12 et 13 novembre 2002 Gilbert Aubry indique : "on n’a pas fait suffisamment attention". Il évoque les responsabilités de la presse qui a commis des "excès" selon lui en donnant trop d’importance aux phénomène présentés comme étant mystiques. L’évêque dit encore que les articles étaient "rédigés de telle manière que les apparitions étaient authentifiées, reconnues" et met en relation l’intensification des phénomènes avec un certain emballement de la presse :" Des groupes se sont déplacés, des pélérinages ont été organisés".
Le 14 novembre, Monseigneur Aubry prend une position publique avec un communiqué publié le 16 novembre, dans lequel il rappelle les principes d’ecclésialité et appelle les chrétiens à prier chez eux. A l’époque, le chef religieux s’inquiétait des difficultés qui apparaissaient dans certaines paroisses : "Les familles étaient divisées, des personnes invitées à quitter leur travail". Monseigneur Auby déclare même que les "RG commençaient à s’inquiéter autour de cette question".
Le 23 août : Gilbert rencontre les membres du noyau dur du clan Verbard. Il obtient alors "des informations précises sur les manipulations de Juliano Verbard sur les personnes et les statues". L’évêque parle aussi de la révélation d’abus sexuels sur des enfants : "Jai soutenu les parents qui ont porté plainte au début du mois d’août".
"Il appartenait a la justice de faire son travail. En mars 2004, j’ai reçu deux longues lettres de Juliano Verbard qui était en prison. J’ai répondu à ses lettres. Juliano Verbard se situait à l’époque en captateur, il définissait ses codes et ses règlements".
Le 29 décembre, Julinao Verbard me demande un nouveau rendez-vous, avant de l’annuler pour raison médicale en février 2005. En juillet 2007, je sors un communiqué sur les critères d’écclésialité . A la demande des parents d’Alexandre Thélahire je demande à la population de ne pas cacher Juliano Verbard et demande au gourou de se rendre à la justice.
Julinao Verbard qui se réclamait de l’église catholique a participé comme tout croyant à des groupes de prière. Le père Lilian Payet a tiré la sonnette d’alarme. Le gourou avait un ascendant sur tous les autres. Il fréquentait aussi l’aumonerie de l’université.
L’église est prudente lorsqu’il s’agit d’apparition car l’arbre se juge a ses fruits. Aucune religion ne demande de faire le mal. L’élément religieux ne peut pas être utilisé pour faire le mal. Dans la démarche de Juliano Verbard, il y avait donc une absence de logique.
Il faut faire une différence entre la croyance et la foi. La Réunion est un terrain fertile à la dévotion religieuse. Une dynamique culturelle d’enfermement peut se développer dans ces moments.
Juliano Verbard connaissait très bien l’église catholique. Maître Normand : "en janvier 2001, il y a eu le phénomène de la vierge eucharistique, une statue de laquelle exudait de l’huile. Un mois après, l’analyse de l’huile révélait qu’il n’y avait pas de supercherie. Quelques mois plus tard, une autre apparition de la vierge intervient à Savanna. Vous avez fermé la porte, et ces gens - les membres de "Coeur douloureux et immaculé de Marie" - qui ont donc poursuivi sur leur voie".
Monseigneur Aubry : "Je n’étais pas au courant de l’ordre de Saint-Charbel à l’époque. Je connaissais le petit caillou". Le bâtonnier Georges-André Hoarau : vous avez traité les accusés "d’aliénés". Monseigneur Aubry : "Je l’ai fait car leur comportement ne correspond pas à la dignité et au respect de la liberté des autres. Je n’ai pas fermé la porte, j’ai toujours expliqué. Dans mon parcours d’évêque, j’ai fait cinq signalements : trois prêtres et deux laïcs. Juliano Verbard se réclamait catholique. S’il voulait devenir évêque , il aurait dû suivre la procédure".
Le ton est monté juste avant la suspension de séance entre le bâtonnier Hoarau et Monseigneur Aubry. L’avocat général a trouvé "choquant" que "certains utilisent leurs questions pour régler des comptes personnels". Le président de la cour d’assises Michel Carrue a dû calmer les esprits.
Juliano Verbard a lui aussi pris la parole, face aux propos de Monseigneur Gilbert Aubry : "Ce n’est pas parce que je suis dans le box des accusés qu’il faut travestir la vérité. L’évêque connaissait le Petit Caillou, contrairement à ce qu’il a dit".