Antenne Réunion
Lucette, âgée de 84 ans, a été expulsée de chez elle ce mercredi 30 avril à Saint-Paul. Sa parcelle a été préemptée par la SEDRE (société d’Équipement du Département de la Réunion) afin d’y construire un chemin et des logements. Aujourd’hui, elle réagit après avoir perdu sa maison.
Réaction de Lucette How Pan Hie :
« On peut m’arracher à ma maison, mais pas à ma mémoire. Ni à mon cœur. » Je suis Lucette HOW PAN HIE, j’ai 84 ans. Ce matin, à l’aube, on est venu m’expulser de la maison où j’ai vécu toute ma vie. Celle où j’ai vu grandir mes enfants. Celle où j’ai enterré mon mari, André. Celle où j’ai planté, chaque jour, avec amour, les fleurs de notre jardin. Celle où j’espérais, tout simplement, finir mes jours en paix.
Je suis dévastée. Pas seulement parce qu’on m’a retiré un toit. Mais parce qu’on m’a retiré une part de moi. En quelques heures, on a brisé ce que j’ai mis plus de cinquante ans à construire : une vie, des souvenirs, une dignité.
Je n’ai jamais demandé la guerre. J’ai seulement demandé à rester chez moi. Dans la légalité, dans la paix. Avec le soutien inestimable de mes enfants, de ma famille, de nos amis, de nos voisins, de tant de Réunionnais que je remercie de tout cœur aujourd’hui.
Ce que j’ai vécu ce matin, je ne le souhaite à personne. Être réveillée par des gendarmes, un huissier, une ambulance, un médecin… comme si j’étais un danger. Comme si j’étais un meuble à déplacer. Tout cela alors que je n’ai commis aucun crime, que j’ai toujours payé mes impôts, respecté les lois et tendu la main au dialogue.
Mais je crois que le Seigneur veille. Je mets ma confiance non dans les hommes de pouvoir, mais dans la justice divine. Celle qui ne se cache pas derrière des procédures, des murs ou des serrures. Celle qui écoute les cœurs.
Aujourd’hui, même si je suis brisée, je garde la tête haute. Je garde la foi. Et je redis : je ne veux pas d’autre maison que celle où repose l’âme de mon mari. C’est ici que je souhaite vivre mes derniers jours. C’est ici que je souhaite rendre mon dernier souffle. Je remercie tous ceux qui nous soutiennent. Vous êtes ma force.
Et que ceux qui ont voulu me faire du mal sachent une chose : on peut enlever une maison, mais pas une mémoire. Pas une dignité. Pas un amour. « Que la lumière soit faite. Et que la vérité éclaire enfin ceux qui ont préféré l’ombre.
En 2011, la maison a été vendue aux enchères et la SEDRE a exercé son droit de préemption afin d’y réaliser un projet d’aménagement public. Selon Dominique, la SEDRE a alors 5 ans pour exercer l’objet de la préemption. Les travaux n’ayant toujours pas commencé, Dominique et sa mère font valoir un droit de rétrocession.
“Il a reçu une fin de non-recevoir de la justice pour ce droit de rétrocession”, indique Yannick Payet Fontaine, directeur de la SEDRE. Que va devenir le terrain sur lequel habitait Lucette ? “Cette parcelle entre dans un projet d’aménagement d’intérêt général et d’utilité publique, la création d’un programme de logement et d’une voirie”, répond le directeur de SEDRE. Les études de faisabilité du projet devraient commencer dès que Lucette aura quitté la parcelle.
La SEDRE a proposé une offre de relogement temporaire dans un hôtel, à Lucette.