Tard, hier soir, le tribunal correctionnel de Saint-Denis a condamné un père de famille de deux enfants. Solitaire et sans activité, il collectionnait sur son ordinateur 180 000 fichiers à caractère sexuels dont 18 000 pédopornographiques.
Mardi soir à 21 heures, le palais de justice de Champ-Fleuri est vide, loin de son activité habituelle. Dans la grande salle, trois magistrats du tribunal correctionnel ont la lourde tâche de juger un homme de 31 ans pour avoir détenu des milliers de fichiers pédopornographiques sur son ordinateur.
L’ambiance est pesante. Des silences interrompent régulièrement les débats. Le prévenu, lui-même, répond à voix basse et n’est pas toujours capable d’apporter une explication rationnelle. En rendant la décision, à 22 heures, le président Bruno Karl ne cache pas que le tribunal est "embarrassé par la personnalité" du trentenaire. Longuement, le président a essayé d’obtenir des réponses, sans vraiment réussir.
Placé en garde à vue, fin juin dans les locaux de la police de Saint-André, le père de famille de deux enfants de 6 et 11 ans, précise avoir peur de lui-même et ne pas pouvoir s’empêcher de regarder des images et des vidéos pédopornographiques. En lançant des leurres sur des plateformes d’échange "peer to peer", les policiers de l’Office Central pour la répression des violences aux personnes basés à Paris, identifient une adresse IP de Saint-André. Ils remonteront cette piste. Au total, ils découvriront 180 000 fichiers à caractère sexuel et 18 000 pédopornographiques. Sans emploi, le Saint-Andréen s’est mis à télécharger, depuis 2018, des images et des vidéos particulièrement glaçantes. Les vidéos concernent des bébés, des enfants très jeunes et prépubères.
Le trentenaire a des relations sexuelles fréquentes avec sa conjointe, mais il ne parvient pas à se contrôler. Il sera surpris plusieurs fois par son épouse en train de se masturber et promettra d’arrêter, sans jamais y parvenir. Quasi-analphabète, l’homme jugé en comparution immédiate, passe son temps sur son ordinateur, mais est formel, il n’a jamais touché ses enfants ni celui d’un autre.
Le tribunal s’interroge donc logiquement sur les motivations du prévenu. Discret, le prévenu, au crâne rasé, est passé inaperçu toute l’après-midi dans la salle d’audience avant son jugement, avec un petit classeur contenant des papiers. Placé sous contrôle judiciaire depuis fin juin, il répond toujours laconiquement par des "Oui c’est moi, qui ai fait ces recherches" mais ne va pas plus loin. Lui-même semble embarrassé. "Comment peut-on regarder des trucs pareils quand on a des enfants ?" , lance Bruno Karl. À nouveau, il répond par un simple : "Je ne sais pas". Le psychiatre évoque chez le prévenu des troubles de "la catégorie paraphilie et des troubles pédophiles". Là-dessus, le tribunal ne cache pas son inquiétude. "La difficulté, c’est que ce n’est pas une maladie où on peut vous soigner avec un médicament. C’est la structure de la personnalité, c’est plus compliqué", souligne le président.
En le questionnant sur des vidéos retrouvées sur son téléphone, notamment d’une femme prenant sa douche. Le prévenu reconnaît les avoir tournées et que la personne dans la douche est une dame qu’il connaît, sans aller plus loin. Silence dans la salle.
Son avocat, Me Fabien Gorce l’interroge à son tour. À nouveau à demi-mot, il lâche timidement que la femme filmée dans la douche est sa belle-mère. "Votre belle-mère ?!", s’esclaffe, le président qui a un léger rictus nerveux, surpris par cette nouvelle révélation.
Dans ses réquisitions, la procureure suggère que les soins sont impératifs. "Il y a eu que deux rendez-vous depuis son placement sous contrôle judiciaire, c’est nettement insuffisant, avance la représentante du ministère public. Sur ces images, ce sont des vrais enfants, des bébés qui ne marchent même pas". Elle requiert une peine 18 mois dont 12 assortis d’un sursis probatoire et un mandat de dépôt pour la partie ferme, afin que le prévenu ait un "électrochoc".
Pour la défense, les soins et un travail sont primordiaux. "C’est un dossier hors norme vu la quantité astronomique de s. fichiers. On ne peut le considérer comme un délinquant, mais c’est un grand malade. Il n’a jamais voulu avoir un rapport sexuel avec un enfant. Il y a cette peur. Il se donne du plaisir en voyant ces images", avance la robe noire. Le conseil est clair depuis qu’il suit une formation et se prend en charge, cette perversion semble appartenir au passé. "Il est libéré. Il est content et a arrêté. L’électrochoc, il l’a déjà eu avec cette procédure. Il faut le sortir de chez lui et lui trouver une occupation".
Les arguments de la défense semblent avoir été entendus. Le prévenu est condamné à une peine de 3 ans de prison assortie du sursis probatoire. Il aura l’obligation de travailler et de se soigner. De plus, il aura l’interdiction d’exercer une activité en lien avec des enfants. Son nom est inscrit au fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais).
En prenant la parole en dernier, le père de famille avoue penser être malade, mais promet de changer. Le tribunal lui a une donné chance, à lui de s’en montrer reconnaissant.