Jugé pour la troisième fois, Rachid S. est reconnu coupable des innombrables souffrances infligées durant 8 ans à la mère de ses enfants, avant qu’elle ne s’enfuit en 2015. Ce vendredi 8 octobre, il est condamné à 25 années de réclusion criminelle.
"Qui est-il ?" La question émane de l’avocate générale, Emmanuelle Barre. Durant trois jours, comme lors de deux premiers procès, Rachid S. n’a pas cessé de se présenter en victime, alors qu’il est accusé des pires atrocités. En posant la question, la représentante du ministère public énumère les possibilités, les rejetant une à une. Un enfant-soldat ? Un enfant victime de violence ? Un homme traumatisé ? Rachid S. n’a aucune véritable excuse pour justifier ses actes. "C’est un pervers qui jouit de la domination et du mal qu’il peut imposer à ses victimes. Il est édifiant de cynisme et de cruauté. Il est égocentré et ne présente pas le moindre début d’introspection. La perversion n’est pas une maladie et ne se soigne pas", précise Emmanuelle Barre.
L’égocentrisme, Rachid S. l’incarne à merveille. Pour meilleure preuve, il n’hésite pas à infliger un troisième procès à la victime. "Redire, c’est revivre et se remémorer tout ce qu’elle a vécu", avance Me Marie Briot, l’avocate de la partie civile.
Dans son box, il tourne la tête de droite à gauche pour marquer son désaccord avec la plaidoirie du conseil ou en écoutant les réquisitions. Discrètement, il s’adresse à son avocat, avant de parler un policier. L’accusé dit se sentir mal et être pris de vomissements. L’audience sera interrompue, le temps de l’intervention des secouristes. Là encore, les regards des jurés et des personnes présentes dans la salle se tournent vers lui. En revenant dans le box, le quadragénaire, propre sur lui, se tient le coeur. Tout doit tourner autour de lui.
Emmanuelle Barre avance qu’en 30 ans de magistrature, elle n’a jamais vu un dossier pareil. Un dossier qualifié d’"hors norme" avec "une violence et une sauvagerie qui dépassent l’entendement".
"Ce qu’elle a vécu dépasse les simples blessures. Il y a un aspect moral avec des humiliations et des brimades. Ce dossier est l’illustration exemplaire de la violence conjugale poussée à son paroxysme pour devenir des actes de tortures et de barbarie", avance la magistrate.
Durant 8 ans, Rachid S. est devenu le bourreau de sa conjointe. Comme deux autres femmes, il les isole socialement, les coupe du monde du monde, et les transforme en son souffre-douleur. Jugé notamment pour des viols commis avec actes de torture et de barbarie, il ira jusqu’à imposer à la victime des relations sexuelles avec un animal. Dans la nuit du 9 au 10 janvier 2015, elle parvient à s’enfuir de leur maison à Saint-Joseph. Aux gendarmes, elle raconte ses longues années de souffrance et la nuit du 8 janvier. Une avalanche de coups tombant inlassablement, les uns après les autres. Son bourreau lui enfonce un couteau dans la main droite, lui attache un radiateur électrique dans le dos et sautille dessus sont quelques-uns des supplices endurés.
"Elle a vécu l’horreur durant 8 ans. La souffrance de ma cliente va en crescendo avec la perversité de l’accusé", avance la robe noire.
"Dès qu’elle se regarde dans la glace, elle voit ses cicatrices qui rappellent ce qu’elle a vécu", rappelle le conseil de la victime. Pour Emmanuelle Barre, la preuve de cette violence est les 180 plaies relevées par le médecin légiste qui a témoigné devant la cour d’assises ce lundi.
Rachid S., en prenant la parole, se décrit comme la victime inversant les rôles. Chaque plaie a une justification, mais n’est en aucun cas de son fait. L’expression de "miroir inversé" est employée par un expert psychologue. "Qui dit la vérité ? La victime raconte toujours la même chose, auditions après audition, procès après procès, rappelle Emmanuelle Barre. Quand on dit la vérité, on dit toujours la même chose. Lui est versatile. Ses mensonges ne lui apportent rien. Ils sont intrinsèques à sa personnalité. C’est un mythomane comme dit son frère".
Elle requiert 30 ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté des 2/3, un suivi socio-judiciaire d’une durée de 10 ans et le retrait de son autorité parentale.
En défense, Me Laurent Payen s’appuie sur la version de son client. Pour la robe noire, tous les faits ne sont pas vérifiables, qu’il faut rester vigilant et ne pas les interpréter. "Dans un couple, rien n’est jamais tout blanc ou tout noir", plaide la robe noire.
Condamné à 30 ans de réclusion criminelle et 25 ans en appel, Rachid S., après avoir obtenu gain de cause lors d’un pourvoi en cassation, se retrouvera derrière les barreaux pour une durée de 25 ans. Une période de sûreté des 2/3 et un suivi socio-judiciaire de 10 ans sont également prononcés à son encontre. De plus, ses droits civiques et son autorité parentale lui sont retirés pour une durée de 10 ans.
L’accusé a, à peine entendu, le verdict qu’il clame à nouveau son innonce et affiche sa volonté de se pourvoir en cassation. L’égocentrisme à son paroxysme.