Le Journal de l’île de la Réunion est en pleine tourmente. Il traverse difficilement la crise économique, et la chute du nombre de ses lecteurs se confirment au rythme des publications des instituts de sondage. Tout cela sur fond de rachat du titre par un homme d’affaires réunionnais, dont la communication est devenue une deuxième nature : Abdul Cadjee.
Le Groupe Hersant médias, le grand acteur de la presse quotidienne régionale française a entamé des pourparlers pour la vente d’un de ses titres. Philippe Hersant, le président du Groupe possède quelques 27 titres de presse quotidienne régionale, et il pourrait très bientôt n’en compter que 26. Le Journal de l’île de la Réunion est en « pourparlers exclusifs » depuis quelques semaines avec Abdul Cadjee : « un autodidacte qui collectionne les Porsche, affrète le Concorde pour faire jouer le PSG à La Réunion, invite Zidane pour inaugurer un de ses hôtels, construit le plus grand - et le plus coloré - centre d’affaires du département » comme le décrit Laurent Decloitre, le correspondant sur l’île du journal Libération. Plus sérieusement Abdoul Cadjee, 61 ans, ancien taximan à Saint-Denis, rêve de s’offrir le titre. « Il aime ce journal et cela correspondrait à un aboutissement dans sa vie », selon un proche de l’homme d’affaires.
La consolidation de l’entreprise est un vrai pari et l’homme aime les défis impossibles à relever qui ont ponctué sa vie professionnelle et les grands coups de communication comme la venue d’Adriana Karembeu pour parrainer le lancement de la Porsche Cayenne dans le département. Son parcours est assez atypique mais aussi exemplaire et les discussions engagées depuis plusieurs mois entre l’homme d’affaires et le titre de presse devraient aboutir à la vente d’au moins 50 % des parts sociales du JIR. Contacté par nos soins Abdul Cadjee ne veut pas réagir, « pas pour le moment, plus tard » nous confie t’il. Cependant il parle mais à un autre organe de presse, le journal Le Monde. Il y décrit son ambition : "il s’agit d’un projet intelligent et cohérent, qui pourrait se traduire progressivement par un rachat total du capital". "Je suis un chef d’entreprise local, j’aime les défis et j’ai un fils qui s’intéresse à la presse".
Retour dans notre île. La Réunion compte trois quotidiens, un record pour un département français. Mais le JIR vient en deuxième position derrière Le Quotidien de la Réunion, dirigé par l’autre magnat local de la presse, Maximin Chane Ki Chune. Journal indépendant créé en 1976, dont les ventes se situent entre 30 000 et 40 000 exemplaires il devance largement dans les sondages un JIR en perte de vitesse depuis plusieurs mois et qui ne retrouve plus sa ligne éditoriale façonnée à droite, mais surtout spécialisée dans les faits divers sordides et les unes racoleuses que Jacques Tillier a dirigé d’une main de fer pendant presque 18 ans. Ce dernier a été nommé en 2008, PDG de L’Union à Reims, autre propriété du Groupe Hersant. Pour Hersant, la vente du JIR marque un recentrage sur la métropole.
La Réunion est la seule région d’outre-mer dans laquelle son titre n’est pas en position de leader. De plus le site Internet du JIR est aujourd’hui challengé par des concurrents sérieux qui contribuent à faire baisser ses recettes publicitaires et son audience. Enfin les tentatives de pourparlers entre le JIR et Le Quotidien n’ont semble-t-il pas abouti pour mutualiser les coûts liés aux deux titres. Pourtant Maximin Chane-Ki-Chune, PDG du Quotidien y croit encore dur comme fer. C’est pour lui la seule alternative économique valable. « Cela permet d’économiser sur la masse salariale, les coûts de fabrication et les coûts de distribution » nous confie t’il en aparté, « tout en respectant les lignes éditoriales distinctes ».
L’information enfle. Du côté de la rédaction du Journal de l’île, quelques journalistes hésitent une explication : « ce n’est pas encore fait, nous n’y croyons pas » mais officiellement pas de commentaires. Alors que l’arrivée d’un quotidien gratuit à l’île de la Réunion, comme "20 minutes", ou "Métro" paraît à terme inéluctable selon Laurent Decloître, professeur de journalisme à l’Université de la Réunion, certains vont même jusqu’à se demander si ce journal ne pourrait pas être le JIR. Une certitude en tous cas, après le rachat l’année dernière de La Provence et du groupe Nice-Matin, le Groupe Hersant Media recherche probablement quelques liquidités. Et le prix annoncé de la vente du JIR est proche de 18 millions d’euros sans autres précisions, ni même confirmations : « mais cette somme est surévaluée » précise t’on dans le milieu d’affaires local.
Reste une question. Pour qui roule Cadjee ? L’homme d’affaires réunionnais Abdul Cadjee a commencé à passer la main à son jeune fils. Hassen Cadjee, à peine trentenaire, fan de facebook, de Porsche et de titres de presse. Mais les questions essentielles demeures. Notamment celles portant sur la l’indépendance du JIR et son projet éditorial.