Face aux risques de pénurie du pétrole et à la volonté de suppléer à la pétrochimie, la culture de micro-algues dans notre île est promise à un bel avenir. A condition d’investir dans une filière qui pour l’instant n’existe pas mais qui a déjà fait ses preuves. Rencontre avec une jeune biologiste qui est à l’origine du premier rapport sur le développement de la filière micro-algue à La Réunion.
Mélanie Salomez est la rédactrice du rapport sur cette nouvelle forme d’énergie renouvelable à la demande de l’agence régionale énergie Réunion. En 6 mois de travail, elle conclue à la possibilité pour la Réunion de développer cette filière. Une activité agricole qui fixe le carbone et ne participe pas à l’effet de serre. Car les micro-algues
« font parti des premiers organismes à être apparus sur terre et à avoir contribué à l’élaboration de notre atmosphère actuelle en captant l’énergie solaire » selon la jeune biologiste
(voir notre article en cliquant ici).
Vous avez travaillé 6 mois sur le projet de développement de la filière micro-algue à la Réunion, pensez vous réellement qu’il s’agisse du nouvel or vert ?
Personnellement je pense que la filière micro-algue possède un fort potentiel de part la diversité des espèces à découvrir et des valorisations possibles. La culture et la valorisation des micro-algues possèdent des avantages et des inconvénients. Je ne dirais donc pas qu’il s’agisse du nouvel or vert, l’avenir se construira sur l’utilisation équilibrée des différentes ressources naturelles et non pas sur l’exploitation d’une seule espèce.
Expliquez nous comment on fabrique du biodiesel à partir d’algues ?
Le biodiesel est fabriqué à partir des lipides (fraction grasse) présent dans les végétaux. Les lipides sont une famille de molécules présents en plus ou moins grande quantité selon les végétaux. Les micro-algues possèdent elles aussi une fraction lipidique valorisable en biodiesel. Cette fraction peut atteindre en moyenne 30 % de la matière sèche et peut être stimulée par des facteurs environnementaux. Le process consiste à extraire les lipides des micro-algues, par extraction chimique ou mécanique (presse) à purifier l’extrait et à le traiter pour le transformer en biodiesel. Selon l’espèce de micro-algues, le fraction lipidique est plus ou moins importante, d’où l’intérêt de trouver la bonne espèce de micro-algues. Actuellement, les technologies ne permettent pas de produire du biodiesel à partir de micro-algues à des couts raisonnables, notamment à cause de l’aspect microscopique des micro-algues (contrairement aux graines de colza...) et du fait qu’elles vivent en milieu aqueux.
A t’on déjà utilisé ce carburant dans le monde ?
Ce carburant a déjà été utilisé dans le monde pour des essais. Le 30 décembre 2008, un avion de la compagnie américaine Continental Airlines a volé avec un mélange de 50% de biocarburants issus de micro algues et de 50% kérosène. Actuellement des voitures de démonstration roule avec du carburant algal. Le problème n’est pas dans la fiabilité de ce carburant mais dans sa fabrication.
C’est une technologie qui coûte cher. La Réunion aurait elle les moyens de se développer dans ce domaine ?
Les aides de l’état sont suffisantes pour permettre à La Réunion de se développer dans ce domaine. De plus, selon la technologie choisie, les investissements sont plus ou moins couteux.
Cette une filière de biocarburant de troisième génération peut elle offrir de bons rendements ?
Les rendements obtenus avec les micro-algues sont d’environ 20 000 L de biodiesel/ha/an. Ce qui est beaucoup plus important que les rendements de biodiesel à partir de palmier ou 10 fois plus important qu’avec le colza
La nature réserve t’elle encore beaucoup de surprises de ce genre ?
Je pense que oui. Même si notre connaissance de la nature est de plus en plus poussée je pense qu’il nous reste encore beaucoup à découvrir. Les meilleures solutions pour l’avenir sont d’imiter la nature, ils nous restent encore beaucoup à apprendre dans ce domaine.
Quels changements allons nous observer dans les 10 ans à venir ?
J’aimerais dire que dans les dix ans à venir l’humanité va prendre conscience de la surexploitation de la nature et trouver des solutions pour rester en équilibre avec celle-ci. La pétrochimie va être suppléé par la chimie verte, mais la consommation en général de biens devra diminuer car la planète ne pourra pas fournir à la fois de la nourriture et des molécules chimiques pour notre confort personnel (cosmétique, etc...). Les choix des cultures vont devoir être très bien raisonnées. Je pense également que l’énergie solaire est une bonne solution et qu’elle sera de plus en plus exploitée.