La société Crête d’Or, dont l’activité est la transformation et la conservation de la viande de volaille veut traiter ses sous produits d’abattoir. Objectif : fabriquer de l’énergie. Un projet de 4 à 6 millions d’euros qui est déjà sur les rails.
L’entreprise qui compte en peu plus de 200 salariés et un chiffre d’affaires de l’ordre de 15 millions d’euros cherche une voie de diversification et se lance dans le développement durable. Créée le 21 mai 1990, la société Crête d’Or, située à l’Etang Salé a été l’élément de transformation, de commercialisation et d’exploitation nécessaire au développement de la filière avicole réunionnaise. C’est un outil d’abattage complet de la volaille. Son abattoir est opérationnel depuis 1991 et accueille chaque année quelques 3,7 millions de volailles pour une production annuelle de 4300 tonnes.
Mais aujourd’hui l’entreprise doit répondre aux exigences du développement durable. Pour François Gauvrit, le directeur général de Crête d’Or Entreprise, "la valorisation des sous-produits permettrait dans un premier temps de produire une énergie renouvelable, le biogaz, qui sera transformé en énergie thermique et électrique".
La
méthanisation est un procédé biologique permettant de valoriser des matières organiques en produisant du biogaz qui est source d’énergie renouvelable et un digestat utilisé comme fertilisant. Ce biogaz produit par Crête d’Or sera donc transformé en électricité et sera injectée sur le réseau public et revendue à EDF. L’investissement pour la société varie de 4 à 6 millions d’euros, mais ne créerait que deux emplois sur le site. Mais il existe plusieurs modes de valorisation du biogaz.
La production de chaleur. Son efficacité énergétique est intéressante si le besoin en chaleur des débouchés est assez important pour permettre de valoriser le maximum de l’énergie disponible. Cela nécessite également des débouchés à proximité pour limiter le transport coûteux de la chaleur ou du biogaz.
La production d’électricité. Son efficacité énergétique est plus faible (- 37 %) du fait du rendement énergétique de l’électricité se limitant, pour des moteurs, au environ de 33%. L’électricité produite fait l’objet de conditions d’achat définies par un arrêté.
La production combinée d’électricité et chaleur. Dans ce cas, la chaleur des gaz chauds issu de la production d’électricité peut être récupérée pour produire de la chaleur. L’efficacité énergétique est intéressante car cette valorisation permet de valoriser l’excédent d’énergie éventuel mais, nécessite pour la chaleur un débouché à proximité. Ce cas est encouragé par une prime à l’efficacité énergétique présente dans le tarif d’achat d’électricité.
La production de carburant pour les véhicules. Il faut pour être utilisé en tant que carburant véhicule, que le biogaz suive une série d’étapes d’épuration / compression. Cette valorisation s’est principalement développée en Suède et en Suisse. En France, l’opération pionnière de Lille Sequedin permettra de mieux évaluer les aspects environnementaux de cette filière et les difficultés de mise en œuvre que ce soit d’ordre technique, économique, juridique. Elle peut être envisagée dans le cadre d’une flotte captive de véhicule (bus, bennes déchets…).++++
« Un projet stratégique pour l’entreprise »
Six questions à François Gauvrit. Directeur Général de Crête d’Or Entreprise
Vous poussez un projet de méthanisation, en quoi cela consiste t’il pour Crête d’Or ?
Nous avons en effet débuté fin 2008 une étude de faisabilité relative à l’implantation d’une unité de méthanisation traitant nos sous-produits d’abattoir. Cette étude est réalisée avec le bureau d’étude NASKEO Environnement et a reçu le soutien financier de l’ADEME et de la Région.
L’idée est de traiter par méthanisation nos sous-produits de volailles tels que le sang, les viscères, les plumes ou encore les carcasses, ces déchets étant jusqu’ici traités par cuisson. Du lisier porcin viendra compléter le gisement de sous-produits.
Nous étudions actuellement plusieurs hypothèses en fonction du type de sous-produits entrants dans le méthaniseur. Des analyses en laboratoire ont été effectuées afin de déterminer les caractéristiques et le potentiel méthanogène de chacun des sous-produits. Un réacteur pilote est actuellement en fonctionnement dans le laboratoire de NASKEO à Narbonne. Cette étude permettra de déterminer le mélange optimal de sous-produits à introduire dans le méthaniseur, également d’évaluer les quantités de biogaz pouvant être produites. Le post traitement du digestat, produit résiduel de la méthanisation, est également à l’étude. Différents composés à forte valeur agronomique pourraient ainsi être obtenus à partir du digestat.
Quels sont les avantages de la méthanisation ?
Les avantages liés à la mise en place d’une unité de méthanisation sur le site de Crête d’Or sont nombreux. La valorisation des sous-produits permettrait dans un premier temps de produire une énergie renouvelable, le biogaz, qui sera transformé en énergie thermique et électrique.
De plus, un traitement de nos sous-produits par méthanisation serait un moyen de réduire notre impact environnemental, en diminuant nos émissions de gaz à effet de serre (substitution à une filière de traitement très émettrice de CO2).
Enfin, la méthanisation permettrait de produire des composés fertilisants d’origine organique, valorisables sur les cultures locales et pouvant se substituer en partie aux engrais chimiques importés.
L’énergie produite sera utilisée sous quelle forme ?
Le biogaz produit par la méthanisation des sous-produits d’abattoir sera transformé par cogénération en électricité, injectée sur le réseau public et revendue à EDF, et en chaleur. La chaleur produite sous forme d’eau chaude à 90°C est valorisée pour satisfaire les besoins en eau chaude de l’abattoir et maintenir le méthaniseur en température. Une partie de la chaleur produite sera transformée en vapeur qui sera utilisée pour la stérilisation des sous-produits et pour les besoins de l’usine en partie, permettant ainsi de réduire les consommations d’énergie fossile (FOD).
A quelles contraintes devrez-vous faire face ?
L’implantation d’une unité de méthanisation est soumise à la réglementation des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE) et nécessite une autorisation d’exploiter en plus du permis de construire. Il existe donc des contraintes relatives aux distances d’implantation vis-à-vis des habitations, aux nuisances sonores et olfactives, à la gestion des sous-produits… Une nouvelle rubrique ICPE, dédiée à la méthanisation, a depuis peu été créée et devrait ainsi permettre de mieux encadrer cette activité.
La réglementation sur les sous-produits d’origine animale impose, pour une partie de nos sous-produits d’abattoir, qu’ils soient stérilisés (chauffage sous pression jusqu’à 133°C). Cette étape du procédé est fortement consommatrice d’énergie thermique.
De plus, le digestat issu de la méthanisation est un produit soumis à plan d’épandage. Il est ainsi nécessaire de trouver des parcelles pouvant accueillir ce composé, de constituer un partenariat avec les agriculteurs, de réaliser des analyses régulières pour vérifier la bonne conformité du produit épandu…
Ce projet est-il stratégique pour Crête d’Or aujourd’hui ?
Oui, l’enjeu du projet de méthanisation est important pour notre entreprise. La méthanisation offre la possibilité de valoriser les sous-produits d’abattoir, jusqu’alors détruits sans aucune valorisation, en produisant de l’énergie renouvelable, utilisée pour les besoins de l’entreprise. Le traitement des sous-produits réalisé actuellement pourrait être un facteur limitant pour la croissance de l’entreprise, les outils étant limités en capacité de traitement. La méthanisation représenterait ainsi une alternative intéressante au traitement par cuisson.
Quel sera l’investissement et cela va t’il créer de l’emploi ?
Le total des investissements est estimé entre 4 et 6 millions d’euros selon l’hypothèse choisie.
Il est prévu la création d’un à deux emplois directs sur le site, afin de veiller au bon fonctionnement de l’unité de méthanisation, de gérer l’approvisionnement des sous-produits, d’effectuer la maintenance des équipements…