Comment et pourquoi produire de l’énergie propre demain dans notre île ? Cette question est centrale pour EDF Réunion qui ne produit que 40 % de l’électricité dans notre département.
Le directeur général d’EDF Réunion, Jean Michel Deveza veut parler vrai : "L’équilibre entre la production et la consommation reste par nature fragile dans notre petit système électrique insulaire", annonce t’il. Pour garantir la sécurité d’alimentation et accroître l’autonomie énergétique de l’île, la maîtrise de l’énergie reste la priorité absolue.
Avec une consommation électrique dans notre département en croissance "seulement" de 3,1% en 2009, une stabilité absolue jamais vue depuis 30 ans, les réunionnais prouvent que les actions de maitrise de la consommation porte ses fruits.
Mais à la veille de l’avènement de la voiture électrique dans notre île, le directeur général d’EDF est réfléchi : "alimenter ces véhicules sur le mix énergétique actuel serait un non sens car les deux tiers de l’électricité sont d’origine fossile". Et Jean Michel Deveza se fait prudent sur l’avenir, bien que confiant : "il est clair qu’il y a des énergies renouvelables qu’un gestionnaire de système électrique apprécie parce qu’elle sont ou seront prévisibles et garanties". A ce titre,
l’hydroélectricité, la biomasse, le biogaz, la géothermie, les énergies des mers. La réponse à cette question n’est pas générale. "Il faudrait l’aborder de manière différenciée pour chaque technologie. Pour certaines, les technologies ne sont pas matures comme la gazéification de la biomasse et l’énergie thermique des mers, mais pour d’autres la vulnérabilité de la source primaire (solaire, éolien...) limite leur contribution. Pour d’autres enfin, la source primaire n’est pas suffisante comme l’hydraulique. Pour la méthanisation, la technologie est mature, la source est garantie mais les gisements ne sont que trop peu valorisés aujourd’hui".
Etre producteur d’électricité dans notre île aujourd’hui est ce synonyme de dévoreur d’énergie fossile ?
La production d’électricité en 2009 à la Réunion s’est faite à 67,8 % à partir d’énergies fossiles avec la répartition suivante : 47,6% charbon du producteur
Séchilienne-Sidec(Ndlr : groupe qui a pour spécialité la production d’électricité basée sur la valorisation d’énergies renouvelables) aux centrales du Gol et Bois Rouge, 15,6% fioul à la centrale EDF du Port et 4,6% gasoil pour les turbines à combustion EDF du Port. Les 32,2% restants sont produits à partir d’énergies renouvelables avec cette répartition : 20,2% pour les centrales hydrauliques d’EDF, 10,6% pour la bagasse du producteur Séchilienne-Sidec, 1,7% pour le mix photovoltaïque/éolien/biogaz).
Dans une île comme la nôtre c’est donc le paradoxe :
d’un côté nous sommes largement meilleur que la métropole en terme d’énergies renouvelables, mais d’un autre, n’ayant pas de nucléaire, c’est bien une majorité d’électricité à base d’énergie fossile, notamment le charbon des centrales Sidec.
Où en est EDF concernant les centrales solaires avec stockage ?
EDF expérimente actuellement à la Réunion la première batterie de stockage d’électricité de grande capacité à Saint-André. Il s’agit là d’une première européenne. Le projet consiste à stocker de l’énergie d’origine renouvelable, comme par exemple le stockage d’électricité d’origine solaire, lorsque celle-ci est produite en milieu de journée, pour la restituer en fonction des besoins de consommation (qui ne coïncident pas forcément avec la période de production).
Nous testons actuellement deux aspects de l’utilisation des batteries :
les décalage d’énergie entre différents moments de la journée
et le lissage d’énergies renouvelables intermittentes
pour faciliter à terme leur meilleure intégration dans un système insulaire fragile.
Comment expliquez-vous la stabilisation de la croissance de la consommation d’électricité dans notre île en 2009 ?
La croissance de la consommation électrique en 2009 s’établit à 3,1% après 3,14% en 2008 et qui est à mettre en perspective avec la croissance à deux chiffres des années 1990. Ce ralentissement de la croissance s’explique principalement par la réussite des actions de maîtrise des consommations avec ses partenaires Etat, Région, ADEME (lampécos et chauffe-eau solaires). La morosité économique actuelle constitue aussi une partie de l’explication.
Cette année 2010 est l’une des plus chaudes jamais connue. Attendez vous une explosion de la consommation ?
Non, nous n’attendons pas d’ “explosion", mais plutôt une croissance stabilisée autour de 3%.
Le pic de consommation "marmite à riz" est-il toujours présent vers 19h00 ?
Il y effectivement un pic de consommation vers 19 heures imputable en partie aux marmites à riz mais aussi au fait que les Réunionnais sont chez eux et utilisent simultanément divers équipements (TV, éclairages, chauffe-eau électrique...).
Et pour le moment, il n’existe pas de produit de substitution faiblement énergivore à la marmite à riz ...
Peut-on parler d’explosion concernant le photovoltaïque ?
On observe effectivement un très fort développement des installations photovoltaïques en 2009 et puissance installée a quadruplé en une année, mais son impact sur le système électrique reste encore marginal puisqu’il atteint 0,8% de la production totale. Toutefois, les années qui arrivent verront le photovoltaïque prendre une part de plus en plus significative dans la production électrique réunionnaise avec déjà un doublement en 2010.
Les capacités de l’éolien sont en revanche modestes ?
C’est exact. Cela représente 0,6% de la production électrique réunionnaise. Et il se développera sans doute moins que le photovoltaïque dans les années à venir car les gisements sont limités et quasiment entièrement exploités.
Toutes les entreprises veulent absolument fabriquer et vous vendre de l’énergie (méthanisation par exemple). Ces projets sont ils fiables et solides ?
Difficile de répondre dans l’absolu sur la fiabilité de tel ou tel système. Il est clair qu’il y a des énergies renouvelables qu’un gestionnaire de système électrique apprécie parce qu’elle sont ou seront prévisibles et garanties :
l’hydroélectricité, la biomasse (canne fibre), le biogaz (gaz de décharge ou autre), la géothermie lorsque les installations arrivent à maturité d’exploitation, les énergies des mers comme le houlomoteur à moyen terme et l’énergie thermique de mers à long terme. Il n’y a donc pas de réponse générale à cette question. Il faudrait l’aborder de manière différenciée pour chaque technologie. Pour certaines, les technologies ne sont pas matures comme la gazéification de la biomasse et l’énergie thermique des mers, mais pour d’autres la vulnérabilité de la source primaire (solaire, éolien...) limite leur contribution. Pour d’autres enfin, la source primaire n’est pas suffisante comme l’hydraulique. Pour la méthanisation, la technologie est mature, la source est garantie mais les gisements ne sont que trop peu valorisés aujourd’hui.
On parle beaucoup de l’arrivée de la voiture électrique mais jamais de votre capacité à produire le "carburant" qui leur permet de rouler. EDF peut il raisonnablement produire cette électricité supplémentaire et comment ?
Alimenter ces véhicules sur le mix énergétique actuel serait un non sens car les deux tiers de l’électricité sont d’origine fossile. Il faut donc mettre en place un système d’alimentation et/ou de recharge de ces véhicules à partir d’électricité d’origine renouvelable. Un groupe de travail réfléchit actuellement à cette problématique.
C’est précisément le point que nous allons nous attacher à démontrer en répondant à l’Appel à Manifestation d’Intérêt de l’ADEME : oui on peut faire du véhicule électrique un véhicule propre en mettant en place un couplage vertueux entre productions d’énergie renouvelable et les recharges de ces véhicules. Il faut pouvoir démontrer que le bilan CO2 est largement inférieur aux meilleurs véhicules thermiques ou hybrides actuels.
Aujourd’hui EDF produit 40% de l’électricité. Qui fournit le reste de l’électricité ?
En 2009, le principal producteur d’électricité à la Réunion a été le Groupe Séchilienne-Sidec avec ses centrales du Gol et de Bois Rouge fonctionnant principalement au charbon. Ce producteur privé a fourni en 2009, 58,2% de l’électricité réunionnaise. Le reliquat est fourni par d’autres producteurs. A noter que l’intégralité de l’électricité produite, quelle que soit son origine, est rachetée par le gestionnaire du système électrique.
Quel est l’état d’avancement du dossier énergie thermique des mers et centrale houlomotrice ?
Les technologies énergie thermique des mers et houlomotrice restent expérimentales et n’ont pas encore franchi l’étape industrielle. De plus étant donnés les enjeux financiers, il est nécessaire d’évaluer précisément un potentiel garantissant une rentabilité future. Les mesures se poursuivent dans ce sens. Nous y verrons plus clairs l’année prochaine.
EDF Energies Nouvelles, filiale d’EDF, s’est associée à ces projets.