C’est fait ! Le monde des médias réunionnais en parlait depuis plusieurs mois, l’affaire avait fait l’objet de plusieurs articles dans la presse nationale. Abdul Cadjee -l’immobilier, les voitures, le centre d’affaires- vient de s’offrir le Journal de l’Ile de la Réunion. Si l’homme d’affaire préfère parler de "participation majoritaire" que de "rachat", il n’en semble pas moins déterminé à faire bouger les choses.
C’est la fin d’un long feuilleton et le début d’un rêve pour Abdul Cadjee qui, en pleine crise économique et des médias, vient de s’offir le JIR, le Journal de l’Ile de la Réunion. Pour en arriver là, il a fallu que trois routes se croisent.
D’abord celle du JIR, un journal depuis plusieurs mois en pleine tourmente qui traverse difficilement la crise économique et la baisse de ses ventes.
Un groupe qui se recentre sur la métropole
Ensuite celle du Groupe Hersant Médias (GHM), grand acteur de la presse quotidienne régionale française (anciennement "groupe France Antilles"), soit 27 titres de presse quotidienne régionale jusqu’à ce jour. Le groupe a procédé en 2008 à des acquisitions (La Provence, Nice-Matin) qu’il doit aujourd’hui "digérer". Or la Réunion est la seule région d’outre-mer dans laquelle son titre n’est pas en position de leader. De plus le site Internet du JIR est aujourd’hui challengé par des concurrents sérieux qui contribuent à faire baisser ses recettes publicitaires et son audience. Enfin les tentatives de pourparlers entre le JIR et Le Quotidien n’ont semble-t-il pas abouti pour mutualiser les coûts liés aux deux titres.
Un homme de défis
Troisième et dernier acteur, Abdul Cadjee : « un autodidacte qui collectionne les Porsche, affrète le Concorde pour faire jouer le PSG à La Réunion, invite Zidane pour inaugurer un de ses hôtels, construit le plus grand - et le plus coloré - centre d’affaires du département » comme le décrit Laurent Decloitre, correspondant de Libération à l’île de la Réunion. A 61 ans, cet ancien taximan à Saint-Denis rêvait de s’offrir le titre « il aime ce journal et cela correspondrait à un aboutissement dans sa vie », confiait il y a quelques jours un proche de l’homme d’affaires. La situation économique et de la presse ne semble pas effrayer abdul Cadjee, qui, au contraire, y voit probablement le moyen de réaliser son rêve : "Je suis un chef d’entreprise local, j’aime les défis et j’ai un fils qui s’intéresse à la presse". Son fils, c’est Hassen Cadjee, à peine trentenaire, fan de facebook, de Porsche et de titres de presse.
Le retour de Jacques Tillier et une stratégie multimedia
Mais avec quelle indépendance, et quelle vision éditoriale ? Le retour de Jacques Tillier comme conseiller, qui avait dirigé le titre d’une main de fer pendant presque 18 ans, spécialisant le JIR dans les faits divers sordides et les unes racoleuses peut donner quelques idées. Mais ce n’est pas tout. Abdul Cadjee pourrait vouloir redonner un nouveau départ au site web du journal -concurrencé aujourd’hui par LINFO.re- et même investir dans la télévision. Ce rachat du JIR n’est donc peut-être qu’un premier pas d’uns stratégie multimedia.... En attendant la transparence n’est pas vraiment de mise : impossible de connaître le montant de la participation de Cadjee, ni sa part exacte dans le JIR.
La Réunion compte trois quotidiens, un record pour un département français. Mais le JIR vient en deuxième position derrière Le Quotidien de la Réunion, dirigé par l’autre magnat local de la presse, Maximin Chane Ki Chune. Journal indépendant créé en 1976, dont les ventes se situent entre 30 000 et 40 000 exemplaires il devance largement dans les sondages un JIR en perte de vitesse depuis plusieurs mois et toujours à la recherche d’une ligne éditoriale forte.