L’émission Face à l’info fait sa rentrée en se penchant sur le dossier explosif du prix des carburants. Pour évoquer ce sujet brûlant, Bernard Caroupaye, membre de l’Intersyndicale des Professionnels de la Route (IPR) et président de la Fédération Nationale des Transports Routiers a répondu aux questions de Yolande Calichiama. Explicitant les enjeux de la table ronde prévue lundi prochain, Bernard Caroupaye appelle tous les acteurs concernés à prendre leurs responsabilités pour éviter un blocage général de l’île.
Vous demandez 25 centimes de moins à la pompe pour tous les automobilistes, est ce que vous espérez l’adhésion de tous les Réunionnais ?
Bernard Caroupaye : Je l’espère bien, car ce ne sont pas uniquement les transporteurs qui sont soumis à cette forte augmentation, c’est la population toute entière qui subit la flambée du prix des carburants.
Vous réclamez justice pour tous, mais vous ne pouvez pas nier qu’en tant que professionnels vous avez des facilités, notamment une pompe chez vous et une baisse de 6 centimes par litre.
Bernard Caroupaye : C’est ce que croient les gens.
Vous n’avez pas signé un contrat prêt, maintenance et matériel ?
Bernard Caroupaye : Si, mais ce privilège n’est pas à la portée de tout le monde, les petits transporteurs n’ont pas accès à ces facilités. Et nous payons avant d’être livrés, nous n’avons plus de délais de 30 ou 40 jours.
Vous reconnaissez bénéficier de certaines facilités, quelle légitimité avez-vous à demander une baisse du prix des carburants pour tout le monde ?
Bernard Caroupaye : En cette période de crise, je pense que tout le monde se sent concerné par cette augmentation. Payer 25 centimes de moins à la pompe, je pense que cela va dans le sens de leurs attentes et de leur pouvoir d’achat.
Est-ce que le pacte d’union que vous avez signé avec les associations peut faire la différence par rapport à votre mouvement de 2008 ?
Bernard Caroupaye : Oui, l’expérience l’a prouvé. Nous étions un peu traités comme des égoïstes, nous, les transporteurs. Certes nous avons un traitement particulier avec cette baisse de 6 centimes, mais il faut savoir qu’un transporteur moyen consomme en moyenne entre 450 000 et 500 000 litres à l’année. Ce n’est pas le cas d’un citoyen lambda, on ne peut donc pas avoir le même traitement. Mais notre rôle est essentiel pour l’ensemble de la population, tout ce qui transite dans le panier d’une ménagère est passé un moment donné dans un camion. Le prix moins cher à la pompe ne peut donc aller que dans le sens du pouvoir d’achat.
Certes, le prix des carburants est à la hausse, mais est-ce que cela ne correspond pas aussi à des réalités sur le plan international comme la situation en Syrie ou en Iran. Est ce que cette augmentation n’est pas normale quelque part ?
Bernard Caroupaye : Bien sûr, nous avons conscience de cette réalité. Mais cette guerre ne se déroule pas ici, nous avons un gouvernement qui doit se porter garant, qui doit trouver un équilibre. En 2008, les arguments avancés étaient la chute de l’euro et la guerre en Iran et en Irak, c’était la même chanson. Le gasoil était à un 1,25 euros le litre, nous allions signé une baisse de 20 centimes, mais on nous a eu à l’usure en nous séparant notre cause de celle de la population. Nous ne voulons pas faire la même erreur. Je veux démontrer que les transporteurs sont solidaires de la population.
Les prix étant redéfinis, révisés tous les mois, est ce que ce n’est pas finalement un mauvais moment à passer ?
Bernard Caroupaye : Quand cela va mal, il faut prendre des mesures. Certes la préfecture recalcule les prix tous les mois, mais qu’est ce qui nous prouve qu’elle recalcule au plus bas. Le chômage augmente, des entreprises sont contraintes de fermer leurs portes. Vous ne pensez pas que les autorités doivent prendre en compte cette situation et agir ?
Justement, les négociations vont reprendre lundi avec une table ronde, quelles sont vos attentes ? Est-ce que selon vous, l’Etat est celui qui doit mettre le plus la main à la poche ?
Bernard Caroupaye : L’Etat a un rôle important à jouer. Tout d’abord parce que c’est lui qui fixe les prix tous les mois. Il doit être plus transparent sur la façon dont sont fixés les prix. Ici, ce ne sont pas les pétroliers qui vendent le carburant, mais ce sont des importateurs privés. Pourquoi ce monopole depuis toutes ces années ? C’est une question que l’on va poser au préfet. J’attend un effort de l’Etat, des collectivités, des pétroliers, de la Région, du département, des communes sur ce dossier.
La Région a déjà annoncé son intention de baisser le prix des carburants, pourquoi cette pression supplémentaire ? Est-ce n’est pas lui donner l’occasion de faire une annonce à quelques mois de la présidentielle et des législatives ?
Bernard Caroupaye : J’ai entendu qu’il y aurait un effort de la Région sur le gaz et le carburant. L’année dernière déjà il avait parlé d’effort, finalement une enveloppe de 2 millions d’euros de récupération sur la Taxe exceptionnelle qui est toujours bloquée. Nous voulons que cette taxe flottante profite à tous les Réunionnais.
Nous arrivons au terme de cette émission, une dernière question qui intéresse évidemment toute la population : il y aura t-il des blocages lundi prochain ?
Bernard Caroupaye : Lundi se tiendra une étape essentielle des négociations, tous les responsables devront être présents. Nous sommes des professionnels et nous prendrons nos responsabilités.
Retrouvez dans la vidéo ci-jointe l’intégralité de l’interview de Bernard Caroupaye.