En pleine polémique sur la fin programmée par le gouvernement de la retraite à 60 ans, Nicolas Sarkozy vient de donner un tour encore plus politique à ce dossier explosif en y pointant du doigt la responsabilité directe de son prédécesseur François Mitterrand.
PARIS (AFP) - En pleine polémique sur la fin programmée par le gouvernement de la retraite à 60 ans, Nicolas Sarkozy vient de donner un tour encore plus politique à ce dossier explosif en y pointant du doigt la responsabilité directe de son prédécesseur François Mitterrand.
Alors qu’il s’était appliqué jusque-là à piloter le plus discrètement possible cette réforme-phare de sa deuxième moitié de mandat, le chef de l’Etat a sonné la charge mardi, lors d’une réunion à huis clos devant des militants UMP en marge d’un déplacement à Beauvais (Oise).
"Il faut quand même se rappeler que c’est François Mitterrand qui a abaissé l’âge de la retraite de 65 à 60 ans. Entre ça et les 35 heures, on aurait eu beaucoup moins de problèmes" si M. Mitterrand puis les socialistes s’étaient abstenus, a-t-il lancé selon un élu UMP présent.
Avant cette sortie publique, Nicolas Sarkozy avait déjà eu l’occasion, ces dernières semaines, de confier à quelques interlocuteurs choisis tout le mal qu’il pensait de la retraite à 60 ans, décidée en 1982.
"Si Mitterrand n’avait pas fait la bêtise de ramener la retraite de 65 à 60 ans, à rebours de ce que faisaient les autres, on n’aurait pas à le faire", a-t-il récemment confié à ses visiteurs.
La critique présidentielle à peine lâchée, les ténors de l’UMP et du gouvernement se sont engouffrés dans la brèche.
"Quand en 1982, on a passé l’âge de la retraite de 65 à 60 ans, ça aurait été bien de financer cette mesure. Mais le Parti socialiste a pris cette mesure sans prévoir en aucun cas le financement", a dénoncé le patron du parti présidentiel, Xavier Bertrand.
Comme il fallait s’y attendre, le tacle élyséen a fait immédiatement sortir la gauche de ses gonds.
Il a été qualifié de "ridicule" par le député PS Manuel Valls, tandis que la patronne du parti, Martine Aubry, l’a jugé "pas digne d’un président" et a rappelé que le chef de l’Etat avait publiquement exclu, un an après son élection, toute remise en cause de la retraite à 60 ans. En fait, M. Sarkozy avait exclu alors de porter à 63,5 ans l’âge légal de départ.
Des fidèles mitterrandiens ont rappelé aussi la popularité d’une des réformes les plus emblématiques de l’après-alternance de 1981.
"Il y a des millions de Français qui sont partis en retraite à 60 ans depuis 1982-83 (...) qui sont dans cette situation de dire merci à Mitterrand", a déclaré Jean Glavany, un proche de l’ancien président.
L’ex-Premier ministre Laurent Fabius a été cinglant : "Si on compare le bilan de M. Mitterrand, président constructeur et celui de M. Sarkozy, président démolisseur, l’histoire fera clairement la différence".
Il a aussi estimé que François Fillon était "en difficulté" sur ce dossier, alors que le Premier ministre a lui-même alimenté le tour très politique pris par le débat sur les retraites. Interpellé sur le sujet à l’Assemblée nationale M. Fillon a cité les propos de Michel Rocard, qui rapportait récemment avoir été "catastrophé" par l’abaissement de la retraite à 60 ans.
A la veille de la journée de mobilisation syndicale de jeudi, le gouvernement et l’UMP ont décidé d’ouvrir le procès en "irréalisme" du PS. Dès la semaine dernière, la majorité avait tiré à boulets rouges sur le "contre-projet" de Martine Aubry, articulé autour d’un maintien de la retraite à 60 ans et une taxation des revenus du capital.
"C’est une vraie erreur de stratégie politique", jubile un ministre. "D’abord parce que l’idée de travailler plus longtemps est en train de passer dans l’opinion (...) ensuite parce que Martine Aubry nous a aidés à créer le marqueur +le PS, c’est le tout-impôt+", ajoute-t-il.
