Le Conseil constitutionnel a tenu mardi la première audience publique de son histoire, une "révolution" due à la réforme permettant depuis le 1er mars aux justiciables de saisir les Sages pour contester une disposition législative.
PARIS (AFP) - Le Conseil constitutionnel a tenu mardi la première audience publique de son histoire, une "révolution" due à la réforme permettant depuis le 1er mars aux justiciables de saisir les Sages pour contester une disposition législative.
Une cinquantaine de personnes s’étaient déplacées pour l’occasion. Des juristes principalement, comme Alain Meyet, qui ne voulait "pas manquer cette première juridique", ou Stéphane Hauchemaille, venu assister à cette "petite révolution en France".
Les 11 membres du Conseil, dont les anciens présidents de la République Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac, étaient présents pour l’audience, présidée par le président du Conseil Jean-Louis Debré et consacrée à deux dossiers transmis le 14 avril par le Conseil d’Etat.
Les avocats, en robe comme au tribunal, ont plaidé devant eux dans la salle des séances. Le public a regardé leurs plaidoiries sur un écran, dans une autre salle. L’audience devait également être retransmise sur le site internet du Conseil en début d’après-midi.
L’un des dossiers concernait le niveau des pensions militaires versées par la France aux ressortissants de pays anciennement placés sous sa souveraineté, pour certaines moins élevées que celles des pensionnés français.
Me Arnaud Lyon-Caen a appelé les Sages à mettre fin, au nom du "principe d’égalité", à "une injustice profonde".
Il a pris l’exemple d’un ancien sergent marocain, touchant 612 euros de retraite annuelle, comparé à 7.512 euros pour un sergent français ayant servi dans la même unité et versé les mêmes cotisations.
Il a évalué le nombre de personnes concernées à 30.000 et le coût d’une abrogation des dispositions des lois de finances contestées à 55 millions d’euros par an, "une charge budgétaire qui ne peut aller qu’en diminuant rapidement".
Thierry-Xavier Girardot, qui défendait les dispositions contestées au nom du gouvernement, a pour sa part évalué une abrogation à 150 millions d’euros par an, coût qui serait selon lui "multiplié" par l’effet rétroactif de la décision.
Le second dossier portait sur une disposition du code de l’action sociale et des familles, faisant de l’Union nationale des associations familiales et des unions départementales qui lui sont affiliées (UNAF et UDAF) les interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics en matière de politique familiale. L’Union des familles en Europe conteste cette disposition.
L’un des Sages, Jacques Barrot, ex-ministre des Affaires sociales et ancien député, a quitté la salle avant cette deuxième affaire. Les membres du Conseil ayant participé à l’élaboration d’une disposition législative contestée peuvent en effet s’abstenir de siéger.
A l’issue de l’audience, d’environ une heure et quart, le Conseil a mis ses décisions en délibéré. Les débats se tiendront à huis clos mais les décisions doivent être lues en séance publique, d’ici une quinzaine de jours.
Depuis le 1er mars, les justiciables peuvent contester, à l’occasion d’un procès, une disposition législative. Avant d’arriver devant le Conseil constitutionnel, les saisines doivent passer les "filtres" de la première juridiction, puis du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.
S’il juge qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, le Conseil peut décider de l’abroger.
Douze dossiers lui ont déjà été transmis. Vendredi, la Cour de cassation doit décider si elle soumet aux Sages les saisines concernant la garde à vue.