Hussein Malla/AP/SIPA
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a officialisé la création d’un centre pénitentiaire très sécurisé sur le territoire guyanais. Cette annonce a suscité une vive réaction.
Jean-Luk Le West, vice-président de la collectivité territoriale, déplore d’avoir découvert cette décision dans la presse métropolitaine, lors de la visite ministérielle.
L’établissement qui sera bâti à Saint-Laurent-du-Maroni comptera 500 places et sera construit en pleine forêt tropicale. Il logera des trafiquants condamnés et des détenus radicalisés. L’annonce a surpris les élus locaux, qui n’avaient pas été consultés. "Tout cela aurait pu faire l’objet d’une concertation ou de discussions avec les élus locaux, d’autant que c’est "une prison qui était prévue dans les accords de 2017, ce n’est pas une annonce", souligne Jean-Luk Le West.
Responsable du développement économique et touristique, il s’inquiète de l’impact sur l’image de la Guyane, qu’il souhaite valoriser à travers sa diversité et sa richesse naturelle.
Saint-Laurent-du-Maroni, ville frontalière de 50 000 habitants, est marquée par son passé pénitentiaire. C’est depuis ce port que les forçats débarquaient autrefois, jusqu’à la fermeture du bagne en 1938. D’après la déclaration du vice-président de la collectivité territoriale sur FranceInfo, cette nouvelle prison ravive des blessures historiques. Il regrette que l’État semble ignorer les 300 000 Guyanais concernés par cette politique, imposée sans débat local.
L’élu guyanais relève les efforts déployés pour redéfinir l’identité de la Guyane. Ce territoire français d’Amérique du Sud est aujourd’hui reconnu pour sa biodiversité, son multiculturalisme et son rôle stratégique à l’échelle européenne. Une prison de haute sécurité, implantée au cœur de la jungle, pourrait contrarier cette dynamique de valorisation.
Concernant la lutte contre les stupéfiants, le conseiller territorial rappelle une donnée importante : la Guyane ne produit pas de cocaïne. Ce n’est qu’une terre de transit vers l’Europe. Les jeunes guyanais sont des mules qui transportent la drogue. Mais "il n’y a pas de trafic, pas de transport sans consommateurs, il faut peut-être s’attaquer au problème qui se pose ici en Europe avant de venir le gérer en Guyane", explique Jean-Luk Le West. Vivre sous le seuil de pauvreté (57 % de la population) pousse certains à accepter des missions risquées pour quelques milliers d’euros. Jean-Luk Le West plaide pour une approche plus globale du problème.