GILE MICHEL/SIPA
Alors que la santé mentale devient une priorité nationale, de nombreuses voix alertent sur une situation critique. De plus en plus d’antidépresseurs manquent à l’appel. Les ruptures s’étendent et suscitent l’indignation du corps médical.
Selon l’Agence nationale de sécurité du médicament, quatorze psychotropes sont actuellement touchés par la pénurie. Parmi eux figurent la quétiapine, la téralithe, la sertraline, ou encore la venlafaxine. Ces médicaments, utilisés contre la dépression, la bipolarité ou la schizophrénie, font partie des prescriptions les plus courantes. Certains praticiens évoquent un phénomène inédit depuis vingt ans. D’après le psychiatre David Masson, le manque concerne "quasiment toutes les gammes", à l’exception des benzodiazépines. Pourtant, ces molécules se trouvent sur la liste des traitements jugés indispensables par les autorités sanitaires.
L’usine grecque Pharmathen, qui produit la majorité de la quétiapine distribuée en France, a été temporairement fermée pour des raisons de conformité. D’autres médicaments souffrent d’une demande mondiale en hausse, mais aussi d’un désintérêt industriel. Les laboratoires privilégient souvent les molécules plus rentables. De plus, les prix fixés en France, jugés peu attractifs, dissuadent certains fournisseurs de continuer l’acheminement sur le territoire. Résultat : la France se retrouve en queue de file lorsque les stocks mondiaux diminuent, rapporte Franceinfo.
Le collectif des praticiens hospitaliers tire la sonnette d’alarme. L’arrêt brutal des traitements, faute de stock, peut entraîner des conséquences graves comme les rechutes, angoisses, idées noires. Lucie Joly, psychiatre à Paris, souligne que ces arrêts non encadrés provoquent parfois des hospitalisations en urgence. Les pharmaciens craignent eux aussi des "déstabilisations cliniques" qui mettent en danger les patients. Certains, comme Anne Le Galloudec, doivent visiter chaque soir plusieurs pharmacies pour espérer trouver leurs médicaments.
Pour limiter les dégâts, l’ANSM a imposé des restrictions à l’exportation et autorisé la fabrication locale de certaines molécules. Mais ces mesures ne suffisent pas toujours. La sertraline, par exemple, reste absente des rayons. Son prix de vente est jugé trop bas, ce qui dissuade les préparateurs de la produire. Une légère amélioration est notée pour la quétiapine, et le téralithe pourrait revenir d’ici juin. Cependant, aucune accalmie durable n’est prévue pour l’instant.
Plus de détails sur Franceinfo