Les avocats français, engagés tous azimuts dans un combat contre la garde à vue, ont joué vendredi leur carte maîtresse en tentant de convaincre la Cour de cassation de porter cette question devant le Conseil constitutionnel.
PARIS (AFP) - Les avocats français, engagés tous azimuts dans un combat contre la garde à vue, ont joué vendredi leur carte maîtresse en tentant de convaincre la Cour de cassation de porter cette question devant le Conseil constitutionnel.
Leurs représentants avaient le sourire aux lèvres en quittant l’audience : le parquet général a recommandé à la Cour de cassation de transmettre l’essentiel de leurs demandes au Conseil constitutionnel afin que soit tranchée la question de la conformité de la garde à vue française aux droits et libertés des citoyens.
Ces conclusions du ministère public ne préjugent en rien de la décision de la plus haute autorité judiciaire qui sera rendue lundi.
Engagés depuis plusieurs mois dans un combat pour un renforcement du rôle de la défense pendant la garde à vue, les avocats s’étaient engouffrés dans la brèche ouverte le 1er mars par la réforme historique du Conseil constitutionnel qui permet à tout justiciable de le saisir pour contester une loi en vigueur.
A leurs yeux, la mesure prévue dans le code pénal français bafoue les droits des justiciables garantis par la Constitution car elle ne permet pas une assistance effective de l’avocat dès le début de la garde à vue avec accès au dossier du mis en cause et présence tout au long des interrogatoires.
Dans toute la France, plusieurs dizaines de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) invoquant ces arguments ont été déposées depuis le 1er mars. Vingt-cinq de ces QPC ont été jointes pour être examinées vendredi par la Cour de cassation.
"Il ne s’agit pas, dans ce combat, de défendre seulement l’intérêt des mis en cause", a soutenu l’un des avocats plaidant, Me Emmanuel Piwnica. "Il en va de l’intérêt supérieur de la justice. Il ne peut y avoir de manifestation de la vérité s’il n’y pas de respect des droits".
L’avocat général Didier Boccon-Gibod a reconnu que la garde à vue était certainement "parmi les questions les plus attendues" depuis la mise en oeuvre de la réforme du Conseil constitutionnel.
Ces derniers mois, le débat est sorti des cercles juridiques, interpellant hommes politiques et citoyens qui se sont emparés du sujet, généralement pour dénoncer un recours trop fréquent à ces mesures de privation de liberté.
Vu "la polémique" engendrée par la question, il est "difficile de contester le caractère sérieux" de la requête des avocats, a estimé M. Didier Boccon-Gibod.
Pour la première fois, le ministère de l’Intérieur a reconnu au début de l’année que le nombre de gardes à vue s’est élevé à 800.000 en 2009, soit davantage que les 600.000 recensés dans les chiffres officiels.
Une "banalisation" pointée par l’avocat général qui y voit "un changement de circonstances" pouvant motiver la saisine du Conseil constitutionnel.
Autre changement de circonstances souligné par le haut magistrat : la récente jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), plus exigeante en matière de droits de la défense, qui fait courir à la France le risque d’être condamnée par les instances européennes.
L’examen du régime normal de la garde à vue par les 11 Sages aurait, selon l’avocat général, "le mérite de clarifier la situation" et de mettre fin aux controverses d’interprétation, sans pour autant déclencher "un chaos procédural" en cas d’invalisation des dispositions pénales.