Nicolas Sarkozy sort de son silence et dénonce " des principes de la République foulés au pied ", en réaction aux écoutes judiciaires dont il fait l’objet. La réponse du pouvoir actuel ne s’est pas fait attendre.
Dans une tribune intitulée « Ce que je veux dire aux Français », transmise jeudi 20 mars au quotidien Le Figaro, l’ancien président Nicolas Sarkozy s’insurge contre l’agissement du régime Hollande à son encontre depuis la fin de son mandat en mai 2012. En réaction aux procédures judiciaires dans lesquelles il est impliqué ces deux dernières années, l’ancien locataire de l’Elysée souligne qu’il n’a « jamais demandé à être au-dessus des lois ». « Mais je ne peux accepter d’être en dessous de celles-ci », rajoute-t-il, s’indignant notamment du fait qu’on l’ait mis sur écoute et qu’ensuite, les extraits de ses conversations apparaissent dans les médias.
« Voici que j’apprends par la presse que tous mes téléphones sont écoutés depuis maintenant huit mois(…) Les juges entendent les discussions que j’ai avec les responsables politiques français et étrangers. Les conversations avec mon avocat ont été enregistrées sans la moindre gêne. L’ensemble fait l’objet de retranscriptions écrites dont on imagine aisément qui sont les destinataires ! », déplore Nicolas Sarkozy.
« Qui aurait pu imaginer que, dans la France de 2014, le droit au respect de la vie privée serait bafoué par des écoutes téléphoniques ? Le droit au secret des conversations entre un avocat et son client volontairement ignoré ? (...) La présomption d’innocence désacralisée ? (...) La justice de la République instrumentalisée par des fuites opportunément manipulées ? », s’interroge-t-il alors.
La raison pour laquelle il a finalement décidé de réagir alors qu’il s’était promis au « silence » et au « retrait », c’est que « des principes sacrés de notre République sont foulés aux pieds avec une violence inédite et une absence de scrupule sans précédent », estime-t-il.
L’ancien chef de l’Etat n’a pas hésité à comparer les méthodes que le pouvoir judiciaire utilise actuellement, à son encontre, à celles de la Stasi, la police politique de l’ex-RDA.
« Aujourd’hui encore, toute personne qui me téléphone doit savoir qu’elle sera écoutée. Vous lisez bien. Ce n’est pas un extrait du merveilleux film La Vie des autres sur l’Allemagne de l’Est et les activités de la Stasi. Il ne s’agit pas des agissements de tel dictateur dans le monde à l’endroit de ses opposants. Il s’agit de la France », s’insurge-t-il.
Agacé par de tels propos, François Hollande est sorti de ses gonds hier-même. Depuis Bruxelles, où il assiste à un Conseil européen, le n°1 de l’Exécutif a déclaré que « toute comparaison avec des dictatures [était] forcément insupportable ».
« Laisser penser que notre pays, notre République, puissent ne pas être fondés sur les libertés, c’est introduire un doute qui n’a pas sa place », s’indigne-t-il sur des propos relayés par le Monde.
Dans sa tribune, Nicolas Sarkozy poursuit encore ses vives critiques à l’encontre du pouvoir actuel, en s’attaquant cette fois, avec ironie, à la garde des Sceaux et au ministre de l’Intérieur.
« Je sais, la ministre de la Justice n’était pas au courant, malgré tous les rapports qu’elle a demandés et reçus. Le ministre de l’Intérieur n’était pas au courant, malgré les dizaines de policiers affectés à ma seule situation. De qui se moque-t-on ? On pourrait en rire s’il ne s’agissait de principes républicains si fondamentaux. Décidément, la France des droits de l’homme a bien changé », lance-t-il.
Les deux membres du gouvernement susvisés ont riposté aussitôt. Pour
Christiane Taubira, il ne s’agit ni plus ni moins que d’«
une injure à l’égard des citoyens français et des juges ». Dans le Parisien, Manuel Valls, dénonce pour sa part, «
un propos infâmant pour les magistrats et les policiers de notre pays ».
Le premier ministre Jean-Marc Ayrault, de son côté, déclare que « mettre en cause l’honneur de la justice et de la police est une grave faute Morale ».
« Mon propre avocat se trouve accusé d’avoir abusé de son influence auprès de notre juridiction suprême. Cette fois, fini de rire, car c’est à pleurer d’indignation. Son ’crime’ : être l’ami depuis trente ans d’un avocat général à la Cour de cassation, un des plus fameux juristes de France, à qui il a demandé des avis sur la meilleure stratégie de défense pour son client. Le problème, c’est que le client, c’est moi », s’indispose Nicolas Sarkozy. Lui d’affirmer cependant que malgré tout ceci, il accorde encore du crédit à « l’institution judiciaire » et reste confiant de « l’impartialité de l’immense majorité des juges ».
Par rapport à toutes ces batailles judiciaires dans lesquelles il se mouille, l’ancien chef de l’Etat tient à préciser une chose :« J’accepte tous les combats à condition qu’ils soient loyaux. Je refuse que la vie politique française ne fasse place qu’aux coups tordus et aux manipulations grossières ».
Parlant de politique, Nicolas Sarkozy affirme : « contrairement à ce qui s’écrit quotidiennement, je n’éprouve nul désir de m’impliquer aujourd’hui dans la vie politique de notre pays ».
Cette non-implication dont il parle paraît cependant conditionnelle car un peu plus loin, dans sa lettre, il livre quelques motifs qui pourraient l’inciter à revenir sur sa décision.
« A tous ceux qui auraient à redouter mon retour, qu’ils soient assurés que la meilleure façon de l’éviter serait que je puisse vivre ma vie simplement, tranquillement… au fond comme un citoyen ‘normal’ ! », dit-il en effet.