Martine Aubry a affirmé hier que le PS serait au "rendez-vous" des propositions sur la réforme des retraites et a appelé le gouvernement à "prendre le temps" de la négociation, soulignant que son parti fera en 2012 une "vraie réforme", si elle n’a pas été faite. AFP PHOTO / FRED DUFOUR
PARIS (AFP) - En vue de la présidentielle de 2012, le Parti socialiste français cherche à renouveler le discours politique en développant face à la "société de compétition" de Nicolas Sarkozy l’idée d’une "société du care", un concept anglo-saxon qui vise à valoriser ceux qui s’occupent d’autrui.
Depuis quelques semaines, la numéro un du PS, Martine Aubry, fait référence à cette notion de "société du care" qu’elle traduit "par +le soin mutuel+ ("take care" signifie "prendre soin") : la société prend soin de vous, mais vous devez aussi prendre soin des autres et de la société".
"Aucune allocation ne remplace les chaînes de soins, les solidarités familiales et amicales, l’attention du voisinage, l’engagement d’une société tout entière", souligne-t-elle.
Le concept du "care" a été développé par des féministes américaines depuis 20 ans dans le but de revaloriser le travail, souvent effectué par des femmes, consistant à s’occuper d’autrui (éducation des enfants, soin des personnes âgées, travail social, etc) dans la sphère domestique comme dans les institutions de soin.
"Toutes ces personnes qui réalisent un travail indispensable et vital sont mal payées, mal considérées, leurs besoins ignorés, leurs savoirs et savoir-faire rabaissés et déniés", expliquent la philosophe Sandra Laugier, la psychologue Pascale Molinier et la sociologue Patricia Paperman dans leur livre "Qu’est-ce que le care ? Souci des autres, sensibilité, responsabilité".
Ces activités ne sont guère prise en compte dans les indicateurs économiques alors qu’elles sont de plus en plus importantes, notamment avec le vieillissement démographique, et contribuent au maintien du lien social en s’adressant à tous ceux en situation de vulnérabilité.
Pour Alain Bergounioux, historien du PS interrogé par l’AFP, "le concept du "care" s’enracine en France dans des traditions plus anciennes du socialisme moral, du solidarisme développés au XIXème siècle et qui ont été un peu oubliées avec le primat de l’Etat et l’Etat providence".
Aujourd’hui, c’est surtout "une réaction au néo-libéralisme anglo-saxon de ces 30 dernières années" où tout repose sur la volonté de l’individu qui doit être compétitif et qui est incarné en France par Nicolas Sarkozy, selon lui.
Une thématique reprise par le PS en préambule de son projet économique et social adopté la semaine dernière qui fait référence à une "société du bien être plutôt que du tout avoir", "à la solidarité" plutôt que "l’individualisme" et "la pseudo performance".
En toile de fond, la présidentielle de 2012, "car il n’y a pas de campagne présidentielle sans débat sur les valeurs. Tout ne passe par l’économie, un parti doit aussi exposer sa conception de la société", souligne Alain Bergounioux.
En 2007, la candidate socialiste Ségolène Royal avait déjà développé de manière un peu confuse cette idée en parlant d’une "société plus douce", de "la fraternité en action" ou du "vivre ensemble". "Ségolène Royal avait une posture un peu évangélique, c’était aimez-vous les uns les autres. Ici c’est aidez-vous les uns les autres, c’est plus laïque", résume M. Bergounioux.
Le PS va maintenant s’attacher dans les prochains mois à décliner ce concept du "care" dans les grands domaines de la vie sociale, comme la santé, la ville ou l’éducation en vue de la préparation de son projet pour la présidentielle.
Et à ceux qui verraient dans ce discours le "ton de la compassion", voire une politique caritative, M. Bergounioux répond qu’il s’agit de "compléter, pas de remplacer les mesures sociales ou la politique de redistribution".
"Ce n’est pas avec le care qu’on va régler la question du financement des retraites, cela n’est pas la clé magique", admet-il.