Le Quai d’Orsay a demandé à tous ses diplomates d’ajourner leur voyage, touristique ou linguistique, en Iran, jusqu’à nouvel ordre. Cette note de service de quelques lignes a été signée par le secrétaire général du ministère, Maurice Gourdault-Montagne.
À la suite d’un attentat déjoué à Villepinte, en Île-de-France, le Quai d’Orsay a demandé à ses agents diplomatiques et aux directeurs des différentes divisions du ministère de reporter jusqu’à nouvel ordre leur voyage en Iran, que ce soit pour une raison touristique ou linguistique. La note de service a été signée par Maurice Gourdault-Montagne, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères.
Après la divulgation de ce mémo confidentiel relayé par Le Point, plusieurs questions se sont posées. D’ailleurs, la France s’est toujours engagée à discuter avec l’Iran afin de sauver l’accord sur nucléaire iranien.
De son côté, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères a indiqué que le mémo était incorrect. Selon Bahram Ghassemi, la France n’a aucune raison de prendre cette décision.
"Les relations entre l’Iran et l’Europe, et en particulier entre l’Iran et la France, ont des ennemis et nous devrions être vigilants face à leurs actions", a-t-il souligné.
L’agence de presse iranienne officielle Irna a indiqué que le diplomate avait dénoncé cette "guerre psychologique".
Amir S., 38 ans, et son épouse Nasimeh N., 33 ans, ont été interpellés le 30 juin dernier à Bruxelles à bord de leur voiture. Les forces de l’ordre y ont trouvé un mécanisme de mis à feu et 500 grammes de TATP, le même explosif utilisé par les terroristes à Paris le 13 novembre 2015.
Les deux personnes comptaient commettre un attentat en France, selon le parquet fédéral belge. Mais l’attaque a finalement été déjouée grâce à la collaboration des services de renseignements français, belges et allemands.
Selon les enquêteurs, ils étaient en contact avec le troisième conseiller de l’ambassade d’Iran à Vienne, Assadollah Assadi. Ce dernier est soupçonné d’appartenir au ministère iranien du Renseignement et de la Sécurité. D’ailleurs, l’Autriche a demandé plusieurs fois la levée de son immunité, mais en vain.
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Leur attentat visait l’Organisation des moudjahidines du peuple iranien (OMPI). Ce groupe est en effet craint par Téhéran en raison de leur solidarité. Il organisait le 30 juin dernier un rassemblement annuel à Villepinte.
L’OMPI a invité l’avocat personnel du président américain, Rudolph Giuliani, et attendait environ des milliers de personnes.
L’OMPI avait dénoncé la République islamique d’avoir été derrière cet attentat déjoué de Villepinte, mais elle a complètement nié tout rôle dans l’attaque.
"Comme c’est pratique. Juste au moment où nous entamons une visite présidentielle en Europe, une opération iranienne présumée et ses conspirateurs sont mis en échec", a ajouté son ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif.
De son côté le porte-parole de la diplomatie iranienne, Bahram Qassemi, avait accusé l’OMPI d’avoir fomenté la tentative d’attentat contre sa propre organisation.
"Les individus arrêtés en Belgique sont des éléments opérationnels connus de l’organisation, désignée comme terroriste par Téhéran", avait-il martelé.
Le secrétaire général du Quai d’Orsay a souligné dans sa note de service que la décision fait suite à l’affaire de Villepinte.
"Les autorités iraniennes laissent supposer par leurs comportements un durcissement de leurs positions à l’égard de notre pays, ainsi que de certains partenaires", a-t-il fait savoir.
Un diplomate français est actuellement en vacances en Iran. La France craint que l’Iran l’arrête et fasse l’échange afin d’obtenir la libération d’Assadollah Assadi, diplomate iranien, détenue en Allemagne. En effet, il est accusé d’être un espion.
"La situation est tendue en Iran entre le gouvernement du président Hassan Rohani (modéré, NDLR) et les ultraconservateurs, qui sont engagés dans un bras de fer", a confié le directeur de recherche à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem), Pierre Razoux.
Maurice Gourdault-Montagne a évoqué dans son mémo des "risques sécuritaires avérés".
"Tout agent (...) voyageant à titre personnel, et même muni d’un passeport diplomatique, ne bénéficie d’aucune immunité s’il n’est pas accrédité en Iran", a rappelé le secrétaire général de l’Élysée.
L’ancien ambassadeur de France en Iran, François Nicoullaud, a indiqué que cette mesure du Quai d’Orsay n’est pas du tout absurde.
"Si le régime iranien ne cherche pas à avoir d’ennuis avec la France, cela peut être le cas d’autres factions (ultraconservatrices) qui pourraient adopter des mesures de rétorsion contre des officiels Français se rendant en Iran en tant que touristes, de sorte que chacun se tienne par la barbichette.", a-t-il indiqué.
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(Source : Le Point)