Jacques Witt/SIPA
Le scandale du chlordécone, pesticide toxique utilisé pendant des décennies en Guadeloupe et en Martinique, continue de marquer profondément les territoires antillais. Après des années de combat, le Sénat vient de reconnaître officiellement la responsabilité de l’État dans cet empoisonnement massif, une étape cruciale pour les victimes.
Pendant plus de 20 ans, le chlordécone a été autorisé et utilisé dans les bananeraies des Antilles, malgré ses effets nocifs avérés. Ce pesticide, interdit depuis 1993, a contaminé durablement les sols, les eaux et la chaîne alimentaire, exposant la quasi-totalité de la population adulte des îles à des risques sanitaires graves, notamment des cancers. Après plusieurs années de mobilisation des associations de victimes et des élus locaux, le Sénat a adopté une proposition de loi qui reconnaît explicitement la responsabilité de l’État dans ce scandale environnemental et sanitaire. Cette décision fait suite à un long processus parlementaire et judiciaire, marqué par des jugements qui ont pointé des fautes graves dans la gestion et la régulation de ce produit.
A lire aussi > Chlordécone : l’État doit indemniser deux ex-salariées agricoles en Martinique
Au-delà de la reconnaissance, le texte sénatorial prévoit la création d’un comité d’indemnisation dédié aux victimes du chlordécone. Ce comité aura pour mission d’évaluer et de compenser les préjudices physiques et moraux subis par les habitants de Guadeloupe et Martinique. Cette mesure s’inspire des dispositifs mis en place pour d’autres scandales sanitaires, comme l’amiante ou les essais nucléaires. Par ailleurs, la loi impose à l’État l’organisation d’une campagne nationale de prévention et d’information pour mieux protéger les populations concernées et éviter que des erreurs similaires ne se reproduisent. Si cette avancée est saluée, beaucoup soulignent que la réparation devra être à la hauteur des souffrances endurées et que la mise en œuvre devra être rapide et transparente.
A lire aussi > Dossier du chlordécone : l’État coupable de "négligences fautives"
Malgré cette reconnaissance officielle, la colère et la défiance restent vives en Guadeloupe et en Martinique. Plus de 90 % des adultes portent encore des traces de contamination, et les conséquences sanitaires continuent de se faire sentir. Par ailleurs, l’État a récemment contesté certaines décisions de justice qui l’avaient condamné à indemniser une partie des victimes, ce qui a suscité de vives réactions chez les élus et les associations. Le scandale du chlordécone illustre les difficultés à concilier justice, réparation et prévention dans un contexte où les populations ultramarines se sentent trop souvent oubliées ou mal traitées. La reconnaissance sénatoriale ouvre une nouvelle page, mais le chemin vers la guérison collective reste long.
Source : Outre-mer la 1ère