Yvan Colonna a-t-il bénéficié d’un réseau d’aide structuré durant sa cavale ou a-t-il juste profité de l’hospitalité corse ? C’est la question à laquelle devra répondre le 8 juillet le tribunal correctionnel de Paris, à l’issue du procès de cinq Corses soupçonnés d’avoir caché le fugitif.
PARIS (AFP) - Yvan Colonna a-t-il bénéficié d’un réseau d’aide structuré durant sa cavale ou a-t-il juste profité de l’hospitalité corse ? C’est la question à laquelle devra répondre le 8 juillet le tribunal correctionnel de Paris, à l’issue du procès de cinq Corses soupçonnés d’avoir caché le fugitif.
Au coeur du procès : la cavale d’Yvan Colonna qui, le 23 mai 1999, après avoir vu sa photo à la une de France Soir, décide de prendre le maquis. Soupçonné d’avoir tué le préfet Claude Erignac le 6 février 1998 à Ajaccio, il ne sera arrêté que le 4 juillet 2003, près d’une bergerie d’Olmeto.
Il a alors dans son sac une grenade et des munitions, qui lui valent d’être aujourd’hui jugé aux côtés de ses cinq soutiens présumés.
Un des enseignements de ce procès, comme l’a rappelé le procureur Alexandre Plantevin, c’est que "ces quatre années de cavale gardent une grande part d’ombre. Nous ne savons que très peu de choses de ce que furent les pérégrinations d’Yvan Colonna" durant les deux premières années.
Mais pour les deux dernières années, la justice dispose de cinq petits cailloux : une chanteuse corse, Patrizia Gattacceca, un consultant en management, Marc Simeoni, un gérant de camping, André Colonna d’Istria, un propriétaire de bergerie, Frédéric Paoli, et le beau-frère du fugitif, Claude Serreri.
Alors que Gattacceca, Simeoni et Paoli auraient hébergé alternativement le fuyard, Colonna d’Istria l’aurait aidé à se déplacer et Serreri lui aurait juste rendu visite à trois reprises.
Le seul à nier toute implication est le fils du leader indépendantiste Edmond Simeoni. En dépit de preuves, comme des empreintes de Colonna dans son appartement bastiais, Marc Simeoni affirme que "tout ça, c’est du vent".
Les gens qui "m’ont aidé (...) l’ont fait spontanément" sans aucune volonté politique, avait affirmé Yvan Colonna dès le premier jour du procès. Durant deux semaines, c’est d’un oeil protecteur que le berger a couvé ses soutiens d’hier, confirmant en tous points leurs propos.
"Mon geste a été un geste tout à fait naturel et spontané. Il n’a en aucun cas été question pour moi de faire allégeance à une quelconque organisation ou à un quelconque réseau", a renchéri sa copine de fac, Patrizia Gattacceca, avant d’invoquer "la règle d’or de l’hospitalité".
Une thèse violemment contestée jeudi par le procureur Plantevin. Les prévenus ont beau jeu de "se draper" dans l’hospitalité corse, a-t-il dit dans son réquisitoire.
"Tout ceci n’est qu’une imposture", il ne s’agit pas d’hospitalité mais "d’une solidarité de clan". En réalité, ce sont les "petites mains sales" d’"un réseau structuré", qui, pour "protéger la clandestinité" du fugitif, ont organisé des "rendez-vous +conspiratifs+, des contacts téléphoniques clandestins" ou encore "un système de transmission du courrier".
Pour lui, il est évident que Gattacceca, Colonna d’Istria et Simeoni doivent être condamnés non seulement pour recel de criminel, mais aussi pour "association de malfaiteurs à visée terroriste". Il a requis pour cela des peines de quatre à cinq ans de prison avec sursis, assorties de privation des droits civiques.
Le parquet a "voulu placer ce procès sur un plan politique", a déploré vendredi un avocat de la défense, Me Eric Barbolosi, déçu que le parquet ne puisse envisager un instant qu’Yvan Colonna "ait pu échapper à la justice grâce à une poignée d’hommes et de femmes animés d’un sentiment d’humanité et de charité".