Des centaines de policiers expriment leur colère contre leur hiérarchie et l’État pour dénoncer un manque de moyens et les agressions dont ils sont victimes. Pour mieux comprendre leur désarroi France Info est allé à la rencontre de trois policiers qui ont accepté de témoigner sans détour.
Un "ras-le-bol" qui s’exprime. Et qui s’amplifie. Il y a une semaine, les policiers s’étaient rassemblés en silence devant les commissariats de France, réclamant des moyens supplémentaires après une agression au cocktail Molotov contre la voiture de plusieurs de leurs collègues, le 8 octobre, dans l’Essonne. Visiblement pas apaisés par la promesse de dispositifs anti-caillassage dans les zones sensibles, plusieurs centaines d’entre eux ont franchi un cran supplémentaire en manifestant à Paris depuis lundi. Une mobilisation qui va à l’encontre de leur devoir de réserve.
Trois policiers ont décidé d’expliquer sur France Info pourquoi et comment un tel climat s’est imposé. D’emblée, Eric qui exerce en Seine-Saint-Denis souligne qu’en dix ans ses conditions de travail se sont détériorées. "Il y a un monde entre ce qu’était la délinquance il y a dix ans et ce qu’elle est devenue aujourd’hui. Maintenant, on est dans l’hyperviolence : pour procéder à une arrestation, on doit faire face à une vingtaine de personnes", a-t-il expliqué. Il dénonce également les tirs de mortiers et les attaques au cocktail Molotov qui sont devenus fréquents en cas d’arrestation. "Même les anciens des quartiers ont du mal à supporter l’attitude des plus jeunes", a-t-il affirmé.
Officier de police judiciaire, Marc a quant à lui l’impression que les forces de police ne sont plus respectées : "les délinquants n’ont plus peur d’aller tuer les flics", déplore-t-il. "La semaine dernière, des gamins pourtant sages en garde à vue se sont mis à nous insulter violemment une fois arrivés chez eux", a-t-il raconté. Simon, brigadier et travailleur de nuit, fait le même constat. "Mais ce ne sont pas seulement les jeunes. On se retrouve de plus en plus à devoir expliquer le pourquoi d’une intervention, le pourquoi d’un contrôle. Les gens n’ont plus peur de nous défier, même lorsqu’ils sont en tort. Je ne sais pas si c’est parce qu’ils n’ont plus peur de nous, ou si c’est parce qu’ils n’ont pas peur de la sanction", se demande-t-il.
"Contre les cocktails Molotov, nous n’avons pas de tenues résistantes au feu", déplore Marc. Simon, quant à lui, raconte qu’il doit payer lui-même son équipement de protection parfois coûteux : "Un gilet tactique, pour pouvoir porter le matériel (radio, gants et autres) au lieu de bourrer ses poches de pantalon, ça coûte environ 70 euros, ou beaucoup plus s’il est pare-balles. Il faut souvent qu’on utilise des gants à usage unique pour éviter de souiller des traces lors de constatations de cambriolage, c’est à notre charge aussi". Marc constate que la plupart des moyens ont été investis dans la lutte contre le terrorisme. Même constat au niveau des effectifs. "Les commissariats sont vides", relate-t-il. "Il n’y a plus assez d’effectifs nulle part. Ma brigade a perdu un tiers de ses effectifs", explique Simon. Après les attentats qui ont touché la France depuis janvier 2015, les patrouilles à deux policiers ont été interdites. Ils doivent désormais être au minimum trois. Une mesure qui entraîne une restructuration difficile.
Deux syndicats ont été reçus par le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve mercredi. Une nouvelle manifestation est en outre prévue le 26 octobre.