Une récente étude de chercheurs français met en évidence une hausse brutale de la vitesse dans les grandes courses cyclistes au début des années 90 après trois décennies de stagnation, ce qui laisse deviner l’empreinte du dopage à l’EPO sans pouvoir le prouver formellement.
PARIS (AFP) - Une récente étude de chercheurs français met en évidence une hausse brutale de la vitesse dans les grandes courses cyclistes au début des années 90 après trois décennies de stagnation, ce qui laisse deviner l’empreinte du dopage à l’EPO sans pouvoir le prouver formellement.
Cette étude, publiée en mai dans la revue "Journal of Sports Sciences", montre que les performances en cyclisme sur route présentent quatre grandes périodes de progression depuis le début des courses à la fin du XIXe siècle.
Si les trois premières périodes, séparées par les ruptures des deux guerres mondiales, peuvent être facilement expliquées par les innovations technologiques, notamment l’allègement du poids des vélos, et par des entraînements plus structurés, une nouvelle période de progression majeure qui débute au début des années 90, après trente ans de stagnation physiologique, suscite elle l’interrogation.
"En 1993, il se passe quelque chose", souligne Nour El Helou de l’Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologique du sport (Irmes). "Nous constatons un saut brutal de 6% des performances, qui est inexpliqué et concerne toutes les courses."
Pour suivre l’évolution des performances en cyclisme comme elle le fait dans d’autres sports olympiques, l’équipe de chercheurs s’est basée sur les vitesses des dix premiers des trois grands tours - le Tour de France, le Giro et la Vuelta -, de quatre courses d’un jour - Milan-Sanremo, la Flèche Wallonne, Paris-Roubaix et Liège-Bastogne-Liège - et de quatre courses à étapes - Paris-Nice, Dauphiné Libéré, Midi-Libre et Quatre jours de Dunkerque - depuis leurs premières éditions.
Ils ont ainsi obtenu une courbe dont chaque point condense 110 performances individuelles d’une année, ce qui permet d’atténuer l’impact éventuel de paramètres extérieurs tels que les variations de conditions météorologiques ou la stratégie de course.
"On peut constater une coïncidence avec l’apparition de l’EPO dans le peloton dans les années 1990. De nombreux contrôles positifs à partir du moment où un test de détection est trouvé en 2000 confirment son utilisation, tout comme des témoignages de coureurs, qui relatent certaines pratiques", avance Nour El Helou, doctorante.
Les chercheurs notent que l’amélioration des performances de 6,38% observée dans leur étude est comparable à l’avantage physiologique procuré par l’EPO, qui est estimé, dans la littérature scientifique, entre 6,3 et 6,9%. Mais ils n’excluent pas que d’autres facteurs comme la couverture médiatique puissent expliquer ce saut.
"C’est l’une des hypothèses, mais nous n’en apportons pas la démonstration formelle", insiste le Pr Jean-François Toussaint, directeur de l’Irmes. "Il existe un faisceau d’arguments qui la corrobore. Le temps, et les enquêtes, pourraient le confirmer."
Un autre de ces arguments est le paradoxe qui transparaît dans la mise en relation entre la vitesse des vainqueurs du Tour de France et l’altitude gravie pendant l’épreuve : les chercheurs observent que si cette relation est cohérente entre 1960 et 1989, elle ne l’est plus depuis 1990.
Alors que la longueur du parcours est restée assez constante (environ 3650 km) sur cette dernière période, le dénivelé a presque doublé, l’altitude cumulée des cols passant de 24308 m en 1990 à 44340 m en 2005, année du record de vitesse sur la Grande Boucle établi par Lance Armstrong. "Autrement dit, plus le parcours est difficile, plus vite sont grimpés les cols", résume le Pr Toussaint.