Avec la prolongation du mandat de Sambi, le nœud de malentendus s’installe
aujourd’hui autour de la légitimité de l’institution comorienne. De surcroît, les incertitudes ont émergé quant à l’avenir même du régime en place. Bref, c’est tout l’archipel qui se retrouve actuellement sous tension.
Malgré le feu vert obtenu d’un Congrès quant à la prolongation de la présidence de Sambi jusqu’à fin 2011, la Cour constitutionnelle, la plus haute juridiction de l’Union des Comores, a rejeté cette requête et a fixé la fin de son mandat au mercredi 26 mai dernier. Cette décision fait suite aux contestations de la part de l’opposition comorienne, notamment les exécutifs des trois îles autonomes (Grande Comores, Anjouan et Mohéli).
Hormis cette injonction de la Cour Constitutionnelle, le Chef d’Etat comorien reste toutefois dans ses fonctions, avec des "pouvoirs limités". Il est ainsi maintenu au pouvoir pour assurer une période intérimaire en vue d’organiser les prochaines élections.
Néanmoins, la mise en œuvre de cette période intérimaire devrait privilégier
une "démarche consensuelle". Ce que le président Sambi a essayé d’esquiver
en mettant en place unilatéralement un gouvernement d’intérim, vingt-quatre
heures avant la fin officielle de son mandat. "Je mets en place un nouveau
gouvernement car l’Etat et les institutions doivent continuer à fonctionner ", devait-il déclarer sur la chaîne nationale comorienne. Un discours retransmis sur les ondes de la radio nationale comorienne.
A entendre ses explications, la nouvelle équipe gouvernementale a été constituée
pour assurer la continuité de l’Etat et la conduite des affaires nationales pendant la période pré-électorale. Autrement dit, le nouveau gouvernement a pour principale mission d’expédier les affaires courantes de l’Etat, et ce, jusqu’à
l’organisation des élections.
En revanche, les leaders de l’opposition comorienne, notamment les gouverneurs des trois îles autonomes (Grande Comores, Anjouan et Mohéli) qui n’ont pas été consultés dans la mise en place de ce gouvernement intérimaire n’ont pas tardé à élever la voix en dénonçant cette initiative.
C’est ainsi que ce mardi 25 mai, de violentes manifestations ont secoué Mohéli. Cette ’île comorienne à qui revient normalement la présidence de l’Union des Comores, en vertu du principe de gouvernance tournante, ne cesse de multiplier des mobilisations pour contester la prolongation du mandat du président Ahmed
Abdallah Sambi.
Fomboni, chef-lieu de l’île Mohéli, a été le théâtre ce jour-là d’un violent face-à-face entre les forces de l’ordre et les manifestants. Plusieurs échoppes situées sur le marché de la ville ont été saccagées. Des dizaines de gendarmes ont également essuyé des jets de pierres alors qu’ils tentaient de démanteler des barricades de pierres érigées par la foule en traversée des routes. Le lendemain, les mêmes scènes de violences se sont reproduites dans la ville de Fomboni. Et cette fois, les habitants de Fomboni ont aussi hissé sur leurs toits des drapeaux français.
Par ce geste, les habitants de Mohéli entendent faire passer un message fort
selon lequel « si le président sortant Ahmed Abdallah Sambi continue de
s’accrocher à son siège, alors Mohéli pourrait demander son rattachement à la
France en tant que territoire d’Outre-mer (TOM), ou le cas échéant, autoproclamer son indépendance ».
Pour Me Saïd Larifou, président du rassemblement pour une Initiative de
développement avec une jeunesse avertie (RIDJA), il s’agit plutôt d’un cri de désespoir face au président Sambi qui a proclamé : "nous allons transposer le modèle iranien aux Comores" . " Mais cette idéologie de chiisme radical n’est pas la nôtre" fustige l’avocat au cours d’une conférence de presse qu’il a donnée ce mercredi à Mamoudzou (Mayotte).
L’avocat franco-comorien, Saïd Larifou, non moins farouche opposant au régime en place aux Comores, a également saisi cette occasion pour dénoncer, "le fait que Sambi ait trouvé le moyen juridique de rester davantage au pouvoir sans consultation du peuple".
" Nous comptons saisir à nouveau la Cour Constitutionnelle afin de demander qu’un gouvernement répondant aux critères qu’elle a énoncés soit mis en place. Et si nous n’y arrivons pas par la voix démocratique, nous utiliserons la force", prévient Me Saïd Larifou au cours de son point-presse. Une déclaration qui lui a valu une arrestation musclée hier matin à l’aéroport de Moroni, alors qu’il s’apprêtait à prendre l’avion pour Mohéli. Les forces de l’ordre comoriennes l’ont interdit d’embarquer. Larifou a, quant à lui, protesté contre l’illégalité de cette interdiction. Ce qui a mis les policiers hors d’eux. Ils ne lui ont pas fait de cadeau en le tabassant. La violence des coups qu’il a reçus était telle que l’homme est tombé dans le coma. Il se trouve à l’heure actuelle à l’hôpital de Moroni. Aux dernières nouvelles, son état de santé s’est beaucoup amélioré et présente des signes encourageants.
La semaine dernière, des négociations autour d’un nouveau calendrier électoral des Comores allaient également bon train. Le gouvernement fédéral de l’Union et les exécutifs des îles autonomes se sont concertés afin de fixer ensemble la date des élections présidentielles. Et ce samedi 29 mai, Mohéli, à qui revient le tour d’assurer la présidence de l’Union des Comores, a donné son accord pour l’organisation des élections présidentielles en novembre prochain.
Dans un communiqué transmis à la presse ce mardi 1er juin, la Coordination des Forces Vives de l’Ile Autonome de Mohéli a annoncé qu’elle approuve la proposition faite par l’ancien Président Sambi selon laquelle « les élections consensuelles et harmonisées devraient être organisées en novembre 2010 ».
Ce mercredi 3 juin, un émissaire de l’Union Africaine, Ramtane Lamamra, commissaire chargé de la paix et de la sécurité, était en visite aux Comores afin de relancer le dialogue sur le calendrier électoral des élections harmonisées. Une mission qui avait pour but de rassembler sur la même table des négociations les
protagonistes du conflit comorien, à savoir, le gouvernement fédéral de l’Union
et les gouverneurs des îles autonomes. Au cours de cette rencontre, les discussions se focalisaient principalement sur la définition du calendrier électoral. Pour l’heure, aucune information officielle sur la date des élections n’a été dévoilée.
La crise comorienne fait également parler d’elle sur l’échelon international. Quelques membres de la diaspora comorienne vivant en France ont mis sur
pied ce dimanche 30 mai un gouvernement d’union nationale en exil. Missions de ce nouveau cabinet ministériel : exiger le départ du président Ahmed Abdallah Sambi, et demander l’appui de la France pour mettre fin à la crise politique dans l’archipel. Ce gouvernement en exil, avec à la tête le mohélien Amina Binti Hassani Ali, 56 ans, a été constitué sous la houlette des partis Mwashiwa et Jirma, ainsi que des femmes mohéliennes de France.