Ils avaient perdu l’estime d’eux-mêmes en vivant dans la rue, à Bucarest. Créé sur les ruines d’un ex-conglomérat communiste, un atelier d’insertion leur "redonne confiance" et dignité en leur faisant créer des sacs écolos et recycler des ordinateurs.
BUCAREST (AFP) - Ils avaient perdu l’estime d’eux-mêmes en vivant dans la rue, à Bucarest. Créé sur les ruines d’un ex-conglomérat communiste, un atelier d’insertion leur "redonne confiance" et dignité en leur faisant créer des sacs écolos et recycler des ordinateurs.
Dans une Roumanie touchée par une des récessions économiques les plus sévères de l’Union européenne et un chômage en forte hausse, "l’Atelier sans frontière" est une des seules structures offrant une perspective de retour à l’emploi aux personnes très pauvres et sans domicile.
Avec une activité de recyclage novatrice dans les Balkans.
"Aujourd’hui, je suis redevenu quelqu’un, une personne", confie à l’AFP Doru Ipeghian, 57 ans.
L’homme a gardé sa carrure d’ancien joueur de hockey sur glace malgré les coups encaissés sur le tard, dans une vie commencée comme un long fleuve tranquille.
"Je suis né à Bucarest mais je suis parti aux Etats-Unis avec mes parents quand j’avais 17 ans. Je suis devenu coiffeur à Boston. J’avais tout, un travail, une femme, deux enfants, une maison, des amis", explique-t-il.
Mais la vie a basculé. "Par ma faute", admet-il. Doru est tombé dans la drogue.
Jusqu’à divorcer et finir en prison. Pour lui qui n’avait jamais demandé la nationalité américaine, prison a signifié expulsion vers la Roumanie, un pays où il ne connaissait plus personne. Il avait 55 ans.
"Je me suis retrouvé dans la rue, à traîner dans les gares pour me réchauffer".
Dans un pays où l’économie s’est contracté de plus de 7% en 2009, peu d’espoir d’être embauché.
Grâce au Samu social roumain, Doru est entré à l’Atelier, une structure créée grâce au soutien d’une association française et au Fonds social européen.
C’était en 2009, à l’est de Bucarest, dans un bâtiment désaffecté de l’immense complexe industriel FAUR d’où sortaient locomotives et matériel militaire sous le régime communiste.
Aujourd’hui, l’atelier s’inscrit dans une perspective d’économie durable.
Les ordinateurs usagés sont collectés puis remis en état, soit désossés et leurs composants triés pour être vendus à des firmes de recyclage.
En un an, les 20 salariés en insertion ont remis en état plus de 400 ordinateurs donnés ensuite à des associations pour réduire la "fracture informatique" dans le pays le plus pauvre de l’UE.
Dans une autre pièce, des femmes apprennent à coudre en fabriquant des sacs en coton organique, utilisés notamment par des magasins de cosmétiques biologiques et de grands groupes comme Royal Bank of Scotland.
Accompagnés psychologiquement et dans leurs démarches administratives, aidés à trouver un logement abordable, les employés de l’atelier touchent 600 lei mensuels (150 euros, un peu plus que le salaire minimum en Roumanie) plus un abonnement de transport.
L’atelier doit servir de rampe de lancement vers un emploi classique.
Doru a réussi. Il a été embauché par Sinéo, une entreprise française spécialiste du lavage de voitures sans eau installée à Bucarest.
"Aujourd’hui, je fais des plans simples, économiser pour un appartement, mener une vie tranquille. L’atelier nous redonne confiance", dit-il.
Il y a aussi appris à se servir d’internet : "j’ai repris contact avec mes enfants et amis aux Etats-Unis par mail".