Pour promouvoir les énergies renouvelables, Bertrand Piccard relève le défi d’un tour du monde avec un avion solaire, le Solar Impulse afin de prouver qu’un "temps illimité de vol" est réaliste. Un pari fou pour ce Suisse issu d’une longue lignée d’aventuriers.
Bertrand Piccard, n’est pas un militant écologiste ordinaire. J’ai eu l’occasion de le rencontrer lors de son tour du monde sans étape en ballon à air chaud, en 1999. L’homme est calme, intelligent… son regard bleu acier vous transperce, tandis que son accent suisse vous rassure. Ce n’est pas un de ces hommes fous, et inconscients à la recherche de l’exploit. Non cet homme là à de la suite dans les idées, et inscrit son action dans la durée, à la recherche de solutions : "Les gens ont besoin de solutions et non de problèmes et c’est à nous de démontrer que les solutions existent et qu’il est possible de réaliser de bonnes choses" disait-il dernièrement au sommet de Copenhague.
Et sa solution aujourd’hui paraît insensée. L’idée consiste à boucler en 20 à 25 jours, à bord de son engin baptisé
Solar Impulse, un tour du monde en cinq étapes à la vitesse moyenne de 70 km/h.
"Ce que nous voulons faire, c’est voler de nuit comme de jour pour montrer qu’on peut, avec des énergies renouvelables, avoir un temps illimité de vol", explique ce psychiatre de métier. Dans un monde dépendant des énergies fossiles, le projet Solar Impulse est un paradoxe, presqu’une provocation : il vise à faire décoller et voler de façon autonome, de jour comme de nuit, un avion propulsé exclusivement à l’énergie solaire, jusqu’à effectuer un tour du monde sans carburant ni pollution. Un but inaccessible, sans repousser dans tous les domaines les limites des technologies actuelles.
A 51 ans il est allé à Abou Dhabi pour promouvoir son projet et son plan lors d’une rencontre internationale sur les énergies du futur. Il parle de son avion solaire avec humilité : "c’est un avion qui m’impressionne beaucoup. C’est n’est pas du tout l’avion dans lequel on entre en courant, on met la clé pour faire un petit tour le dimanche après midi. C’est un avion immense, difficile à piloter extrêmement compliqué à faire fonctionner et qui inspire un immense respect. Quand je m’assied et que je m’imagine au dessus de l’atlantique seul, j’en ai les mains moites".
Voler sans carburant : la chose a toujours été considérée comme impossible. C’est pourtant le but que Solar Impulse s’est fixé. Sa seule énergie, le soleil. Le principe : ne propulser l’avion qu’avec l’énergie captée par des cellules solaires montées sur les ailes. Comme difficulté supplémentaire, l’énergie captée pendant la journée servira non seulement à propulser l’avion, mais également à recharger des batteries pour assurer le vol de nuit. Le pilote aura donc la nécessité absolue de se retrouver chaque soir avec des batteries pleines et d’économiser au maximum l’énergie à disposition pour tenir l’air jusqu’au lever de soleil suivant.
Le plus grand défi, avant le tour du monde, sera donc le premier vol de nuit. Le Suisse ne montre pas sa crainte, il avoue son but ultime : "Nous voulons démontrer que si un avion peut voler à travers le monde sans carburant, personne ne pourra dire après qu’il sera impossible de le faire en voiture, ou qu’il est impossible de faire fonctionner un système de chauffage ou de climatisation sans carburant".
Ce qui fait dire à Nicolas Hulot : "Dans votre projet de tour du monde en avion à propulsion solaire, il y a du génie autant que de la naïveté, de la poésie comme de la raison, de l’audace et de la mesure".++++
Le prototype du Solar Impulse a effectué son premier vol d’essai
le 3 décembre dernier à Zurich. En fibre de carbone, l’immense avion solaire a une envergure de 63,40 m, la même qu’un Airbus A340. Après le refus d’avionneurs d’exécuter la maquette, la disant impossible à faire, Bertrand Piccard l’a confiée à un constructeur de bateaux de course. Car l’homme ne renonce pas facilement. Avec quatre moteurs électriques de 10 CV chacun, l’avion ne pèse que 1.600 kg.
Bertrand Piccard est fier de sa famille, et dit avoir hérité d’elle, le goût de l’aventure. Son grand-père Auguste Piccard a été le premier à explorer la stratosphère en ballon en 1932, atteignant 16 000 mètres d’altitude. Pour la petite histoire c’est lui qui a inspiré à Hergé le personnage du Professeur Tournesol dans la bande dessinée Tintin. Son père, Jacques Piccard a réalisé en 1960 la plus profonde immersion en sous-marin à 10 916 mètres de profondeur. Enfin, en 1999, avec le Britannique Brian Jones, Bertrand Piccard a réalisé le premier tour du monde sans étape, en ballon à air chaud, en 19 jours, 21 heures et 55 minutes. "Cela m’a rendu célèbre et permis de faire des choses utiles", avoue-t-il.
Ainsi, il lui a été plus facile de trouver des parraineurs pour son projet, d’un coût de 100 millions de dollars et qu’il mène depuis quelques années, avec l’espoir de s’élancer en 2012 ou 2013.
Cette année, le prototype subira des tests en haute altitude et de vols de jour et de nuit.Des modifications éventuelles lui seront apportées ou un nouveau prototype sera construit pour un vol transatlantique.
"Nous voulons refaire la traversée de Lindbergh sans carburant", indique Bertrand Piccard en référence à l’aviateur Charles Lindbergh, le premier à avoir traversé l’Atlantique en solitaire.
Chaque étape du tour du monde sera l’occasion de "présenter cet avion et d’encourager les gens à utiliser dans leur vie quotidienne la technologie" qui le fait voler, espère Bertrand Piccard, qualifiant son projet de novateur et de moyen pour promouvoir les énergies renouvelables et la préservation de l’environnement.////