Les musulmans de Belgique ont dénoncé vendredi un texte "liberticide" et "idéologique" après l’interdiction totale par les députés du port du voile intégral musulman dans l’espace public, qui fait du pays le premier en Occident à franchir ce pas.
BRUXELLES (AFP) - Les musulmans de Belgique ont dénoncé vendredi un texte "liberticide" et "idéologique" après l’interdiction totale par les députés du port du voile intégral musulman dans l’espace public, qui fait du pays le premier en Occident à franchir ce pas.
La Belgique précède la France qui prévoit de présenter un texte en mai.
Devant la Grande Mosquée de Bruxelles à l’heure de la prière du vendredi, le vote des députés échauffe les esprits.
"Je pense que c’est juste pour nous embêter... On se sent un peu attaquées" en tant que musulmanes après les polémiques sur les minarets, estime Souad Barlabi, une jeune femme qui porte un simple voile mais ne cache pas son visage.
Alors que le pays est plongé dans une grave crise politique et que le gouvernement a démissionné, "il y a d’autres problèmes plus importants", juge-t-elle.
Dans la foule des fidèles qui se pressent à la prière du vendredi, une ou deux femmes seulement portent niqab ou burqa. Souad ne voit pas l’utilité de "créer une aussi grande polémique" pour si "peu de gens".
De fait, confirme Isabelle Praile, vice-présidente de l’Exécutif des musulmans de Belgique, l’organisme officiel belge représentant la communauté, seules quelques dizaines de femmes sur les centaines de milliers de fidèles que compte le pays sont concernées par la mesure.
L’Exécutif des musulmans dénonce une "démarche liberticide et idéologique", qui plus est "totalement démesurée", et "invite toutes les femmes brimées à explorer tous les recours légaux possibles" pour contester le texte, a précisé Mme Praile.
"On dit que les femmes sont forcées de porter le niqab. Mais ça fait partie de la tradition... C’est un choix de vie", affirme Samuel Bulté, un converti venu distribuer brochures et objets religieux devant la Grande mosquée.
Devant les journalistes de l’AFP, un vieil homme à barbe blanche s’emporte : "La vierge Marie aussi était voilée, et personne ne disait rien !", tandis que Saïd, 25 ans, se dit choqué "qu’un pays laïc se mêle de religion".
En fait de laïcité, l’Etat belge est neutre, et reconnaît officiellement six cultes, dont le culte musulman.
L’argument de sécurité avancé pour justifier l’interdiction est selon lui "un faux prétexte", estime de son côté Samuel Bulté. "Combien de braquages ont eu lieu avec une burqa ?", s’interroge-t-il avant d’ajouter : "J’ai peur qu’un jour on mette sur le dos des musulmans un croissant", comme l’étoile jaune imposée aux juifs sous le nazisme.
Les députés belges ont été unanimes, à deux abstentions près, quelle que soit leur couleur politique ou leur appartenance linguistique.
L’un des deux députés à s’être abstenus, le socialiste flamand Bruno Tuybens a justifié ses réticences par le fait que "l’interdiction du port du voile dans l’espace public risque de conduire à davantage d’isolement" pour les femmes voilées.
De plus, "il n’existe aucun lien entre la criminalité et le port de la burqa ou du niqab", a-t-il estimé.
Quant à l’organisation Amnesty International, elle a aussi condamné vendredi la décision des députés belges, qui constitue selon elle "un dangereux précédent" et va à l’encontre de la liberté d’expression et de religion" des femmes portant niqab ou burqa.
Amnesty a également appelé la chambre haute de Belgique, le Sénat, qui doit à présent se prononcer, à revenir sur cette décision.
L’un des principaux avocats du texte, le député libéral Denis Ducarme, a dénoncé vendredi la réaction d’Amnesty "politiquement orientée", et celle de l’Exécutif musulman "militante et politique".