Personnage haut en couleurs et atypique, Oskar Lafontaine a abandonné ce week-end les commandes du parti de gauche radicale Die Linke, qu’il a fondé et imposé dans le paysage politique allemand.
BERLIN (AFP) - Personnage haut en couleurs et atypique, Oskar Lafontaine a abandonné ce week-end les commandes du parti de gauche radicale Die Linke, qu’il a fondé et imposé dans le paysage politique allemand.
Souffrant d’un cancer, ce rebelle de 66 ans a renoncé samedi lors d’un congrès à Rostock (nord-est) à toute fonction au niveau fédéral, y compris à son mandat de député, une semaine après le dernier succès électoral du parti qu’il a créé en 2007 avec les ex-communistes de RDA.
Après son entrée dimanche dans l’assemblée régionale de Rhénanie du nord-Westphalie (ouest), l’Etat régional le plus peuplé d’Allemagne, Die Linke siège désormais aux parlements de 13 des 16 Etats fédérés d’Allemagne.
Lafontaine ne conservera que son mandat de chef du groupe parlementaire dans sa patrie de la Sarre, frontalière de la France. Il s’était fait connaître en volant de succès électoral en succès électoral dans ce petit Etat régional, qu’il a présidé de 1985 à 1998. De lointaines origines françaises, son physique et son tempérament lui ont d’ailleurs valu le sobriquet de "Napoléon de la Sarre".
Propulsé tête de liste du Parti social démocrate (SPD) aux législatives de 1990, que tout le monde croyait gagnées d’avance, il est largement battu par Helmut Kohl (CDU) du fait de ses réticences affichées envers la réunification en marche, mais aussi en raison d’un attentat dont il a été victime quelques mois avant le scrutin.
Malgré des positions parfois très éloignées — vers la gauche — des idées de son parti, il s’empare par surprise de la présidence du SPD en 1995 et c’est sous sa houlette que le SPD parvient à faire élire Gerhard Schröder au poste de chancelier, en 1998.
Récompensé par le portefeuille des Finances, il rend toutefois son tablier à peine six mois plus tard, en mars 1999, refusant les coupes dans le budget de l’Etat providence.
En 2005, il quitte formellement le SPD, pour fonder en 2007 Die Linke. Ce conglomérat pas toujours très homogène de déçus de la social-démocratie ouest-allemande et d’ex-communistes deviendra l’instrument de sa revanche, en exploitant et en accélérant l’effritement électoral du SPD.
Et au moment de prendre de la distance avec sa "création", Lafontaine peut partir avec la satisfaction d’un succès inattendu.
Même s’il n’est pas encore totalement débarrassé de son image de parti-refuge pour nostalgiques du Mur de Berlin, Die Linke a recueilli 11,9% des voix aux législatives de septembre 2009, un score historique qui le rend incontournable à gauche.
Les relations avec le SPD, qui récuse toute alliance au niveau national avec Die Linke, pourraient d’ailleurs s’améliorer avec le départ de Lafontaine.
Encore faudra-t-il que Die Linke négocie le tournant du congrès de Rostock, où l’autre coprésident et cofondateur, Lothar Bisky, a aussi abandonné ses fonctions. Ils passent la main à un tandem : Gesine Lötzsch et Klaus Ernst.
Quant à Lafontaine, s’il explique qu’une bonne part de sa "retraite" partielle sera consacrée à la cueillette des champignons, dans un entretien au quotidien Die Welt de vendredi, il ne fait tout de même pas voeu de silence.
"Je continuerai à m’exprimer sur les thèmes importants de politique nationale", précise-t-il à ceux qui en doutaient.
Il promet également de ne pas chercher à tirer les ficelles de son parti depuis la coulisse, du moins "tant que le parti restera dans la ligne qui a été la sienne jusque-là".