La chancelière Angela Merkel devait user lundi de tout son crédit, entamé par une défaite électorale, pour vendre le sauvetage de la zone euro à des contribuables allemands las de payer pour les autres.
BERLIN (AFP) - La chancelière Angela Merkel devait user lundi de tout son crédit, entamé par une défaite électorale, pour vendre le sauvetage de la zone euro à des contribuables allemands las de payer pour les autres.
"Nous protégeons l’argent des gens en Allemagne" avec l’adoption d’un plan de secours sans précédent allant jusqu’à 750 milliards d’euros pour aider les pays de la zone euro affaiblis par le poids de leur dette, a assuré lundi Mme Merkel devant la presse. "Il s’agit de renforcer et protéger notre monnaie commune", l’euro.
La chancelière conservatrice a annoncé un calendrier serré de réunions du cabinet et des groupes parlementaires pour faire approuver ces mesures. Elle a annulé une visite officielle en Belgique prévue mardi.
Au Bundesrat, la Chambre qui représente les seize Länder, les partis de gouvernement ont perdu la majorité avec leur défaite dimanche aux élections en Rhénanie du Nord-Westphalie (NRW), l’Etat le plus industrialisé et le plus peuplé d’Allemagne.
La CDU de Mme Merkel a recueilli 34,6 % des voix, son plus mauvais résultat en NRW, et les libéraux du FDP 6,7%.
Ce fiasco de la coalition conservateurs-libéraux qui gouvernait la NRW depuis 2005 ne réduit pas seulement la marge de manoeuvre du gouvernement fédéral, formé des mêmes partis CDU et FDP. Il a sérieusement affaibli Mme Merkel dont les détracteurs se font plus virulents.
Ils lui reprochent pêle-mêle ses atermoiements en politique intérieure, sa gestion de la crise grecque et le fait d’avoir cédé le premier rôle en Europe au président français Nicolas Sarkozy.
Mme Merkel a repoussé jusqu’après le scrutin en Rhénanie-du-Nord Westphalie les réformes inscrites au programme du gouvernement, tentant en vain d’éviter la défaite. "Les réformes noir-jaunes (conservatrices-libérales) disposaient d’un créneau de six mois, Merkel ne l’a pas utilisé", constate lundi le Financial Times Deutschland.
Et dès lundi elle annonçait l’abandon d’une mesure phare de la campagne électorale : il n’y aura pas de baisse d’impôts "dans un avenir prévisible".
La même crainte de braquer les électeurs avait conduit la chancelière à retarder l’adoption du plan de sauvetage pour la Grèce, inquiétant du coup les marchés qu’il a fallu tenter de calmer par un plan encore plus onéreux décidé dimanche.
Ce plan bouleverse les règles de l’Union européenne que Mme Merkel défendait encore fermement ces derniers jours. "La première puissance économique d’Europe a cédé le gouvernail à la France", écrit le Tagespiegel de Berlin.
"La zone euro se transforme de l’Union monétaire prévue par le Traité de Maastricht en une union de transferts", estime Jörg Krämer, chef économiste de la Commerzbank, une interprétation fermement constestée par le porte-parole du gouvernement Ulrich Wilhelm. "Les électeurs dans les pays qui paient les transferts ne seront pas prêts à soutenir financièrement les autres de façon permanente", avertit M. Krämer.
"Merkel aura du mal à expliquer cette volte-face (...) au public et plus encore à obtenir l’approbation du parlement pour cet énorme fonds de soutien", prévoit l’éditorialiste Stefan Kornelius dans le Suddeutsche Zeitung.
Les Allemands, encore choqués d’avoir vu l’Etat soutenir les banques avec les milliards du contribuable en 2009, sont peu disposés à aider les pays moins vertueux menacés par la spéculation. Des analystes influents les encouragent dans cette attitude.
"La banqueroute n’est que retardée", écrit lundi l’éditeur de l’hebdomadaire Die Zeit, Josef Joffe, généralement pro-européen. "Nous jetterons encore beaucoup d’argent à la mer Egée jusqu’à ce que la Grèce se déclare en faillite".
"Combien de Grèce pouvons nous encore nous permettre ?", demande lundi en couverture l’hebdomadaire Der Spiegel, le plus lu du pays.