En Israël, l’aura de mystère qui entoure les sciences occultes de la kabbale, la mystique juive secrète et réservée aux initiés, pourrait se dissiper peu à peu.
JERUSALEM (AFP) - En Israël, l’aura de mystère qui entoure les sciences occultes de la kabbale, la mystique juive secrète et réservée aux initiés, pourrait se dissiper peu à peu.
Si certains puristes pratiquent toujours la kabbale dans des grottes la nuit, d’autres en ont fait un commerce florissant avec pignon sur rue.
Une grande exposition, "Anges et démons, la magie juive à travers les âges", qui s’est récemment ouverte au musée des Terres de la Bible à Jérusalem, contribue à lever les tabous entourant ces croyances toujours très populaires dans le monde juif.
Pourquoi faut-il commencer la journée du pied droit ? Porter un bracelet rouge noué sept fois autour du poignet ? Suspendre des parchemins bénis aux quatre coins de sa maison ou un oeil en verre à son rétroviseur ?
"Derrière toutes ces pratiques il y a en réalité des besoins humains élémentaires : les gens ont besoin d’amour, de santé, de sécurité. C’était la même chose il y a 3.000 ans et c’est pourquoi ces traditions perdurent", répond Gideon Bohak, professeur d’histoire, spécialisé en mystique juive à l’Université de Tel-Aviv.
"On pratique toujours en Israël la magie juive que j’appellerais +authentique+, issue de l’ancienne tradition du Zohar (ndlr : le livre sacré et hermétique de la kabbale). Mais on a recours de plus en plus à une magie de type +New Age+ en disant qu’elle est issue de la tradition juive", déplore l’universitaire.
Chaque jeudi à minuit, un groupe d’adeptes de la kabbale perpétue une tradition ancestrale en se réunissant dans une grotte à peine éclairée de Beit Meir (ouest de Jérusalem) autour du rabbin et maître kabbaliste, Ouri Revach.
Loin des regards, ils profitent ce soir-là d’une conjonction astrologique bénéfique pour étudier jusqu’à l’aube les secrets du livre du Zohar ("Splendeur").
Mais la kabbale "nouvelle formule" destinée au grand public se révèle, elle, dans des centres dits de "kabbale appliquée" qui fleurissent en Israël et où l’on s’initie aux incantations et remèdes magiques extraits du Zohar.
Dans sa clinique kabbaliste à Hod HaSharon, près de Tel-Aviv, Itzhak Mizrahi résout les problèmes les plus triviaux de ses clients : trouver l’amour, apaiser une querelle de voisins, obtenir une promotion ou encore éviter un divorce. Pour cela, il leur prépare des amulettes en écrivant sur des petits morceaux de parchemins des incantations tirées du Zohar.
"J’ai grandi avec la kabbale, je suis né dedans et je ne connais rien d’autre. Je ne sais pas d’où cela me vient, je n’ai pas d’explications", confie Itzhak Mizrah, dans son officine, où s’alignent des pots en verre remplis de poudres multicolores.
"Je fais des remèdes à base de plantes médicinales que je vais régulièrement chercher au Maroc. Un des plus populaires est celui qui permet de s’attirer les faveurs d’un être aimé", témoigne-t-il en pilant dans un pot en terre des roses fanées avec une poudre bleue turquoise.
Mais si la Torah tolère cette "magie blanche", elle condamne l’usage de la "magie noire", cette divination maléfique qui permet de se rendre justice soi-même.
Des activistes ultranationalistes israéliens se sont vantés d’avoir utilisé de la magie noire contre deux Premiers ministres qu’ils considéraient comme des "traîtres" : Itzhak Rabin, assassiné en 1995, et Ariel Sharon, tombé dans un coma profond en 2006.
"Je ne dirais jamais que Rabin est mort parce que quelqu’un a récité une malédiction. Rabin est mort parce que quelqu’un a appuyé sur la gâchette. La magie a été utilisée pour légitimer la violence contre d’autres Juifs, et j’ai bien peur que cela puisse se reproduire à nouveau dans le futur", avertit le professeur Bohak.