Des combattants qui ont déserté les rangs de Daesh livrent leur récit dans un documentaire réalisé par deux réalisateurs français. Mais ces hommes rêvent encore d’un Etat islamique où la charia serait appliquée.
Désenchantés par Daesh, cinq combattants déserteurs, choqués par les atrocités qu’ils ont eux-mêmes commises, ont livré leurs témoignages à deux réalisateurs français dans un documentaire de 52 minutes. Vivant en Turquie, ces déserteurs sont en sursis, et savent bien que les hommes de l’organisation terroriste peuvent encore les abattre. Si aucun n’avoue implicitement avoir du sang sur les mains, tous admettent avoir eu un jour un déclic.
Agés de 22 à 38 ans, ces déserteurs ont cru au projet de Daesh et ont été arrachés au groupe terroriste par des rebelles syriens de l’organisation appelée Thuwwar Raqqaqui, qui s’est spécialisée dans l’exfiltration des déserteurs. L’organisation enquête sur les combattants qui veulent fuir Raqqa, la capitale de facto de Daesh en vérifiant qu’il ne s’agit pas d’espions.
Thomas Dandois, l’un des auteurs du film, assure qu’il s’attendait à rencontrer des repentis, mais ces déserteurs de Daesh rêvent encore d’un État Islamique pur qui appliquerait la Charia. Chassés par l’organisation terroriste, ils sont en même temps indésirables ailleurs, y compris dans les ambassades occidentales qui préfèrent que ces déserteurs ne soient pas exfiltrés.
De moins en moins de déserteurs peuvent quitter les rangs de Desh, car ce dernier se méfie de plus en plus. Seules une centaine de personnes, dont une dizaine de Français, auraient ainsi été exfiltrés par le groupe Thuwwar Raqqaqui, alors que le nombre de combattants est estimé à 25 000.
Dans un rapport publié l’année dernière, le centre international d’étude de la radicalisation (ICSR) estime que ces témoignages sont nettement plus dissuasifs qu’une vidéo des massacres perpétrés par Daesh ou un clip choc estampillé "gouvernement". Le rapporte est basé sur une soixantaine de témoignages.
Au total, l’ICSR a étudié les histoires de 58 déserteurs, 51 hommes et 7 femmes, de 17 nationalités différentes, venus de Syrie, Turquie, d’Europe ou d’Australie, décryptant leurs motivations pour rejoindre Daesh comme celles qui les ont poussés à le quitter. Les dissensions internes à la communauté sunnite constitue le principal facteur de désertion de ceux qui, enrôlés pour lutter contre Bachar al-Assad, se retrouvent à tuer des rebelles pratiquant la même religion.
"Au moins la moitié d’entre eux se montrent indignés par l’extrême brutalité et les violences infligées aux personnes qu’ils prétendent au contraire vouloir défendre, les musulmans sunnites de Syrie et d’Irak", affirme l’ICSR dans son rapport. Les atrocités commises contre les populations constituent la seconde raison invoquée par ces déserteurs de Daesh. Derrière, on retrouve la corruption, mais aussi la qualité de vie.