En l’absence de grande nappe de brut, la marée noire pourrait sembler inoffensive. Pourtant, du pétrole s’échappe toujours des profondeurs du golfe du Mexique et son volume serait même 5 à 20 fois supérieur aux estimations officielles, affirment des experts.
LA NOUVELLE-ORLÉANS (AFP) - En l’absence de grande nappe de brut, la marée noire pourrait sembler inoffensive. Pourtant, du pétrole s’échappe toujours des profondeurs du golfe du Mexique et son volume serait même 5 à 20 fois supérieur aux estimations officielles, affirment des experts.
Vu du ciel, l’or noir qui se répand sans discontinuer depuis l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon, le 20 avril, a l’aspect d’une multitude de bandes orangées longues de plusieurs centaines de mètres.
Le pétrole n’ayant pas coagulé, il a formé un ensemble de taches dispersées sur les eaux, évoluant entre le chapelet des plateformes pétrolières du golfe, a constaté vendredi un journaliste de l’AFP ayant embarqué à bord d’un avion des garde-côtes américains.
De différentes tailles, ces bandes assez droites sont parfois difficiles à distinguer des flots qui les charrient, compliquant le travail des quelque 13.000 personnes déployées par les autorités américaines dans les Etats de Louisiane, du Mississippi, de l’Alabama et de Floride.
"Il est très difficile de gérer (la marée noire) à cause de cet éparpillement", a avoué vendredi un responsable des garde-côtes, l’amiral Thad Allen, notant que "d’un autre côté, (le pétrole) qui touche les côtes arrive en de plus petites quantités que lors d’une marée noire de grande superficie".
Du fait de cette dispersion, personne ne connaît vraiment le volume de brut qui s’est répandu dans le golfe.
Les estimations données par les autorités américaines et le géant BP, qui exploitait la plateforme, évoquent 800.000 litres de pétrole se dégageant chaque jour, la fuite du tube d’extraction n’ayant pas été colmatée.
Mais ce chiffre pourrait être 10 à 14 fois plus grand, affirme Steven Wereley, professeur d’ingénierie mécanique à l’Université Purdue.
Après avoir examiné les images du geyser sous-marin, divulguées cette semaine par BP, le chercheur a utilisé une technique qui découpe chaque segment vidéo de 30 secondes en 2.000 images afin de traquer les particules et calculer la vitesse de leur mouvement.
Verdict : "Si on est très prudent, on peut dire que l’évaluation officielle est 10 fois en deçà de la réalité", a déclaré à l’AFP M. Wereley,
"+Fuite+ n’est vraiment pas le bon mot pour qualifier ça. C’est une catastrophe. On parle de quelque chose compris entre 8,9 millions et 13 millions de litres par jour", a fait valoir le scientifique.
Un confrère de l’Université Columbia, Timothy Crone, a recouru a une autre méthode. Mais pour lui aussi le volume est bien sous-estimé : "On peut parler de 3,2 à 16 millions de litres par jour", a-t-il indiqué à l’AFP.
Un troisième scientifique, Ian MacDonald, océanographe à l’Université de Floride, a quant à lui analysé les photos aériennes prises par les garde-côtes. Selon ses calculs, 4,2 millions de litre le volume de pétrole se déversent quotidiennement dans la mer, soit cinq fois plus que les estimations officielles.
Ces découvertes suggèrent que cette marée noire est d’ores et déjà la pire catastrophe écologique de l’histoire des Etats-Unis, devant la marée noire de l’Exxon Valdez qui avait frappé l’Alaska en 1989.
BP a toutefois contesté ces analyses, affirmant qu’il n’existait pas de méthode fiable pour calculer le flux de pétrole qui s’échappe du puits.
Le directeur d’exploitation du groupe, Doug Suttles, a affirmé vendredi lors d’une interview sur la chaîne CBS que l’estimation officielle de 800.000 litres par jour était "raisonnable, mais très incertaine", insistant sur le fait que "depuis le début, il est difficile de quantifier précisément" la fuite.