Les nouvelles sources de biodiésel sont très recherchées, notamment celle basée sur la production de micro algues. Notre île ne peut pas rater ce virage de la fabrication des biocarburants.
Depuis la fin des années 70, les Etats-Unis cherchent le moyen de produire des nouveaux carburants, afin de prévoir le déclin du pétrole. Leurs études, menées sur les micro algues, permettent de jeter les bases d’une nouvelle source de biodiésel. Aujourd’hui, dans notre île, une start-up poursuit ce travail, en cherchant à optimiser la bio production et les techniques d’extraction jusqu’à la pompe à essence.
"Cette nouvelle génération de biocarburants permet d’obtenir du biodiesel, à partir des huiles. L’algocarburant est donc une solution durable et prolifique puisqu’il met en jeu des milliards d’usines unitaires de taille inférieure au millimètre mais qui toutes ensemble forment une biomasse considérable et doublant toutes les 20 heures environ. En plus, cette solution d’avenir permet de capter une grande part du CO2 et contribue ainsi à un bilan écologique plus global", explique Jean Pascal Quod, Directeur Général de l’
Arvam (Agence pour la Recherche et la Valorisation Marines).
Mélanie Salomez avait déjà rendu un rapport sur cette nouvelle forme d’énergie renouvelable à la demande de l’agence régionale énergie Réunion. En quelques mois de travail, elle avait conclue à la possibilité pour la Réunion de développer cette filière. Une activité agricole qui fixe le carbone et ne participe pas à l’effet de serre. Car les micro-algues "
font parti des premiers organismes à être apparus sur terre et à avoir contribué à l’élaboration de notre atmosphère actuelle en captant l’énergie solaire", selon la jeune biologiste.
L’épuisement à moyen terme des ressources pétrolières a encouragé la recherche d’alternatives énergétiques durables. Mais les agro carburants sont difficiles à mettre au point. La première génération (extraits du maïs, du blé, de la betterave ou de la canne à sucre, pour le bioéthanol, du colza, du soja, du tournesol ou de la palme, pour le biodiesel) a un défaut principal de concurrencer les cultures alimentaires. Ceux de deuxième génération d’agro carburants, tirés du bois, des feuilles, des tiges, de la paille ou des déchets verts, s’annoncent plus vertueux, mais difficiles à dégrader.
On est donc passé directement à la troisième génération, élaborée à partir de bactéries ou de micro algues. Celles-ci abondent dans les océans et les eaux douces, mais aussi dans des zones sèches comme les déserts, où elles profitent de la moindre rosée. "Il faut améliorer progressivement les performances des procès de culture d’algues, faire de gros efforts de recherche et développement pour explorer les milliers d’espèces de micro algues qui peuplent les eaux douces et marines, coupler les unités de production d’algocarburant avec d’autres démarches innovantes comme l’énergie thermique des mers (ETM), le photovoltaïque… ", annonce Jean Pascal Quod.
La Réunion est donc la région du monde ou le développement de cette activité est favorable grâce à un ensoleillement important et des températures élevées et stables tout au long de l’année, favorables à la photosynthèse. Toutefois notre île connaît des contraintes climatiques importantes comme les cyclones et les fortes précipitations. C’est pourquoi le développement d’une telle activité est envisagé du côté de l’Etang Salé, sous la forme d’une production en photo bioréacteur sous des serres anticycloniques.
Interview de Jean Pascal Quod, Directeur Général de l’Arvam (Agence pour la Recherche et la Valorisation Marines).
Les biocarburants sont au cœur du débat sur les énergies renouvelables, mais concrètement ou en est on dans notre île à propos de ce projet micro algues ?
Les micro algues sont individuelles des micro usines qui produisent toutes sortes de molécules nécessaires à leur vie de tous les jours (les métabolites primaires) et d’autres qu’on appelle des métabolites secondaires dont le stockage peut être important. C’est dans cette dernière catégorie qu’on trouvera des huiles qui peuvent représenter jusqu’à 40% du poids de l’algue.
Donc, en cultivant en masse des milliards de cellules d’une souche de micro algues donnée, on imagine aisément les possibilités de production d’un biodiesel. Le projet actuel le plus avancé, porté par la start-up Bioalgostral se veut innovant puisqu’il s’agit de valoriser la biodiversité locale et d’accompagner les stratégies en cours d’autonomie énergétique et de qualité de l’environnement.
C’est la raison pour laquelle la startup a fortement axé sa démarche innovante en direction des STEP (stations d’épuration des eaux usées) lesquelles sont riches en nitrates et phosphates. Or le rejet dans la nature de ces composés est très polluant alors même qu’il est nécessaire pour faire pousser des végétaux (donc des algues) de les rajouter sous forme d’engrais. En 2010, l’installation d’un pilote démonstrateur permettra de valider le procédé et de produire du biodiesel local.
Est ce une solution durable et prolifique ?
Dans un contexte mondial de raréfaction des ressources énergétiques fossiles, une course acharnée est actuellement engagée par les pays développés pour produire des biocarburants plus respectueux de l’environnement. Cette nouvelle génération de biocarburants permet d’obtenir soit du bioéthanol (à partir du sucre contenu dans les végétaux) soit du biodiesel (à partir des huiles).
L’algocarburant est donc une solution durable et prolifique puisqu’il met en jeu des milliards d’usines unitaires de taille inférieure au millimètre mais qui toutes ensemble forment une biomasse considérable et doublant toutes les 20 heures environ. Donc rien à voir avec la plantation d’arbres ou de soja par exemple. En plus, cette solution d’avenir permet de capter une grande part du CO2 et contribue ainsi à un bilan écologique plus global.
Est-ce une alternative totale aux énergies fossiles ?
A court terme, non bien sûr car l’innovation évolue comme chaque fois par à-coups et il faut améliorer progressivement les performances des procès de culture d’algues, faire de gros efforts de recherche et développement pour explorer les milliers d’espèces de micro algues qui peuplent les eaux douces et marines, coupler les unités de production d’algocarburant avec d’autres démarches innovantes comme l’énergie thermique des mers (ETM), le photovoltaïque…
C’est donc une démarche étape par étape qu’il faut respecter.
Par exemple, un premier avion a volé début juin en Allemagne avec 100% d’algocarburant donc le processus est en marche.
Comment produire des micro algues dans notre département ?
La production est déjà maitrisée pour certaines espèces de micro algues marines par l’ARVAM dans le cadre du projet PHYTOBANK qui vise à développer une bibliothèque de micro algues marines endémiques, au départ pour travailler sur des toxines marines qui affectent la santé des consommateurs de produits de la mer (la ciguatera). Le développement de cette banque de souches est en cours et c’est à partir de petites quantités stabilisées en laboratoire que se fait l’inoculation de grands volumes d’eaux douces ou marines.
Concrètement, les projets peuvent être menés en milieu ouvert c’est-à-dire en bassins comme cela se fait par exemple à Madagascar pour la culture de spiruline (une variété de micro algues utilisée pour les carences nutritionnelles dans le monde entier) mais compte tenu de la nécessité de maitriser très précisément les contraintes techniques ainsi que l’emprise foncière, ce sont plutôt les cultures en circuit fermé qu’il faut privilégier. Ces unités de production qu’on appelle des photos bioréacteurs sont de taille réduite, gérables de manière autonome et occupent de faibles surfaces au sol.
Le développement de la filière passera donc pas la création d’unités de production d’une surface actuellement estimée à 1 à 2 hectares ET un laboratoire de recherche & développement innovant dans les micro algues.
Les projets sont-ils viables au regard de la taille de notre île ?
Oui puisque la taille des unités de production est relativement faible et peut être couplée avec d’autres projets en cours comme l’ETM, les centrales photovoltaïques…
Quels genres d’autres utilisations peut-on en faire ?
Aucune limite n’existe tant les micro algues sont capables de produire des molécules actives. On ne connaît probablement que moins de 1% des espèces et de leurs potentialités pour sécréter des composés actifs. La littérature scientifique montre déjà d’excellents résultats dans la nutrition (exemple de la Spiruline, la cosmétologie (exemple du laboratoire Daniel Jouvence), les maladies (exemple de nombreux anticancéreux).
Le potentiel est donc illimité, seuls les moyens font défaut pour prospecter la biodiversité des micro algues du point de vue de leur utilisation pharmaceutique, industrielle, cosmétologique, énergétique…
Y a t’il des risques pour la santé ?
Aucun en milieu contrôlé comme les photos bioréacteurs. Par contre en milieu naturel, les micro algues peuvent proliférer abondamment (on parle de « bloom ») et lorsque ces espèces sont nuisibles elles peuvent provoquer des effets très néfastes pour les espèces marines ou la santé humaine.
Par exemple, la prolifération de la micro algue Gambierdiscus toxicus dans les récifs coralliens dégradés conduit à la toxicité des poissons coralliens, phénomène qu’on appelle la ciguatera. Le réchauffement climatique devrait entrainer l’accroissement de ce type de problèmes puisque les algues ont tendance à remplacer les coraux dans les récifs coralliens et que le réchauffement des eaux marines font proliférer dans des régions jusqu’alors indemnes des espèces exotiques.
Par exemple, les côtes françaises et italiennes connaissent maintenant chaque été des blooms d’une espèce de Ostreopsis d’origine tropicale qui provoquent des désagréments chez ceux qui respirent les embruns.
Il est certain que l’expertise acquise sur ces évènements toxiques sont indispensables pour protéger les utilisateurs du littoral et les consommateurs mais également pour développer d’éventuels composés utiles puisque « tout est poison, seule la dose fait le médicament).